Les résultats de l’enquête présentée en formation spécialisée ministérielle confirment les multiples alertes syndicales. L’amiante est massivement présent dans les établissements et les écoles. Il peut constituer « un grave danger pour la santé au travail des personnels et des élèves. »
C’est une alerte supplémentaire dans l’Éducation nationale. La question de la santé des agents, dénués de médecine de prévention est un angle mort. Et pourtant, cette question devient de plus en plus présente. Si les idées fausses et mensonges circulent sur le prétendu « absentéisme » des professeurs, on s’intéresse moins à la réalité : celle d’une santé qui se dégrade, voire d’une mise en danger. C’est ce que met en lumière la question de la présence de l’amiante dans les établissements scolaires.
82,2% des établissements et des milliers d’agents concernés
Selon la CFDT, « pour le ministère, 82,2 % des établissements et écoles sont potentiellement concernés (construction, rénovation, extension) ». Le syndicat pointe l’absence d’information, plus de la moitié des écoles n’a aucune information relative à l’amiante, contre moins d’un quart pour les collèges et lycées. Toutefois, la présence d’amiante est attestée dans 10 639 établissements scolaires.
50 000 personnels en poste répartis dans 2018 de ces établissements scolaires (1238 écoles et 730 établissements du second degré) seraient en contact direct avec l’amiante selon les résultats d’une enquête présentée en décembre 2024 à la formation spécialisée santé et sécurité au travail (F3SCT) du ministère de l’éducation nationale. Pour près d’un quart d’entre eux, « aucune action de prévention n’a été menée ou est connue des personnels » affirme le syndicat. Selon ses estimations, 200 000 agents dans près de 7860 établissements scolaires (5168 écoles et 2718 collèges ou lycées) sont concernés par la présence de matériaux de type B (plaque d’amiante-ciment, dalle de sol, conduits)
L’amiante, un risque et une réalité niés
Une large intersyndicale déclare dans un communiqué de presse « Éducation nationale : il faut agir maintenant contre l’amiante ! » Pour les syndicats, « la réglementation concernant l’amiante existe et elle est déclinée dans l’Éducation nationale […], mais ces textes réglementaires ne sont pas mis en œuvre ». Ils soulignent la non-action de l’État pour protéger les agents et les élèves. Pour eux, l’administration nie souvent le danger et « refuse de reconnaître la légitimité du droit de retrait […], et la reconnaissance comme maladie professionnelle est un parcours du combattant qui aboutit la plupart du temps à ignorer la responsabilité de l’employeur ».
Le Se-Unsa constatait en novembre 2024 qu’« alors que l’obligation de diagnostiquer l’amiante dans les bâtiments existe depuis plus de 20 ans, aujourd’hui encore la moitié des écoles et des établissements se retrouvent sans DTA. Et là où il est présent, les contrôles périodiques sont quasi inexistants bien qu’ils soient primordiaux pour l’évaluation des risques ». La question de la prise en charge des coûts par les collectivités et la crainte des travaux peut expliquer cette frilosité. En novembre 2024, la présidence des Régions de France s’engage dans une convention à transmettre au ministère les données techniques relatives à la sécurité des lycées.
Et pourtant, l’amiante est une cause majeure de maladie professionnelle
L’amiante est très cancérigène, il a été interdit dans les constructions à partir de 1997. Selon l’ANSES, sur l’ensemble de la population active en France, « les maladies liées à l’amiante représentent aujourd’hui la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail (hors accidents du travail) ».
En mai 2024, les syndicats alertaient le ministère sur les risques de l’amiante et appelaient à la responsabilité de l’État en matière de santé des agents comme des élèves après la diffusion de la série de reportages documentaires Vert de rage » en juin 2023 et mars 2024 sur France 5. Une enquête nationale a été lancée au printemps 2024 et présentée en décembre 2024 à la formation spécialisée santé et sécurité au travail (F3SCT) du ministère.
20 ans après le premier plan amiante et l’auto-questionnaire envoyé aux agents, 10 ans après la première et seule enquête jusqu’à celle-ci, mais aussi 5 ans après la suppression de l’observatoire national de la sécurité scolaire en charge de ce dossier par le premier gouvernement du président Macron, cette enquête va-t-elle bouger des lignes ?
Djéhanne Gani
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