« La reconquête du mois de juillet »… mais pas pour tout le monde. Tandis que le gouvernement affiche sa volonté de débattre du temps à l’école, les élèves de la voie professionnelle voient, eux, leur année amputée. Dès mi-mai, place aux épreuves anticipées du bac 2025, avant de basculer vers un stage rémunéré de six semaines ou un parcours encore flou. Une réforme dénoncée par de nombreux enseignants, qui pointent l’année rabotée, une formation au rabais pour les lycéens professionnels et une mise en œuvre précipitée, dictée depuis l’Élysée. Ce deux poids deux mesures n’est-il pas un des marqueurs d’une école séparatiste, à deux vitesses, entre les filières générales et professionnelles ?
Des examens anticipés du baccalauréat, une formation « sabordée »
Les élèves de terminale bac professionnel ont débuté les épreuves écrites du baccalauréat ce 12 mai avant une différenciation des parcours : six semaines de stage ou de poursuite d’études selon les projets des élèves. C’est ce changement de calendrier que les syndicats et professeurs critiquent. Olivier, professeur en lycée professionnel, compare désormais la formation du bac un « gros BEP », dénonçant la perte d’heures. Le bac en mai, les stages, grignotent du temps de formation, réduite à l’équivalent de deux années et demi.
« Les premières victimes, ce sont les élèves »
La nouveauté 2025 est la différenciation des parcours durant 6 semaines, « 1 mois et ½ c’est gigantesque, c’est 24h de travail en moins pour le travail en atelier, rien que pour mon cours » déplore Olivier. Il poursuit, déplorant le manque de temps : « on a fait moins de projets sympa, moins de sorties et les élèves ne partent pas avec le même bagage que les années précédentes. Les premières victimes, ce sont les élèves ». Même constat du côté du SNUEP-FSU, qui dénonce une réforme imposée « sans possibilité pour les enseignants de terminer les programmes ». Pour la CGT Éduc’action et le SNUEP-FSU, c’est un « sabordage » de la formation et une rupture d’égalité entre élèves avec « une vision utilitariste de la voie professionnelle ».
Une désorganisation généralisée dans les établissements
Les organisations syndicales et personnels pointent également le flou dans la mise en œuvre du « parcours différencié », censé accompagner les élèves après les épreuves de mai. La CGT Éduc’action évoque « un véritable casse-tête » pour les enseignants, « sommés de les organiser sans cadre clair ». Elle dénonce « la recomposition des groupes classes, des emplois du temps mouvants, et l’absence de précisions sur les disciplines à enseigner ». La SNUEP-FSU évoque une « confusion totale » : « Injonctions à enseigner une autre discipline, groupes classes non déterminés, emplois du temps non connus… Les PLP (professeurs de lycée professionnel) considèrent que leur métier est remis en cause. » Pour le syndicat, cette désorganisation est symptomatique d’une réforme précipitée et mal pensée, qui met en péril la cohérence pédagogique de l’année de terminale.
Inégalités entre élèves et mépris pour la voie professionnelle et la jeunesse populaire
Au-delà des aspects pratiques, les deux organisations pointent une atteinte au principe d’égalité entre candidats avec un système où « les élèves suivant le parcours poursuite d’études n’auront pas 30 heures de cours hebdomadaires » et où « ceux en insertion n’auront aucune période de révision avant les dernières épreuves de fin juin ».
Les syndicats dénoncent la casse de l’enseignement professionnel scolaire et « un mépris envers la jeunesse des lycées professionnels, issue en majorité des classes populaires ». Ils défendent « une formation professionnelle ambitieuse », loin des logiques d’adaptation rapide au marché du travail. Leur message est clair : les élèves de la voie pro ne doivent pas être relégués au rang de main-d’œuvre bon marché. On notera également que les élèves de la voie professionnelle sont exemptés de cours et d’épreuve de philosophie. Deux poids deux mesures.
Djéhanne Gani
Bac pro 2025 : « Un décalage criant entre les annonces politiques et la réalité »
