La nouvelle Secrétaire Générale de la FEP-CFDT, Valérie Ginet répond aux questions du Café pédagogique. Dans le contexte des révélations des violences dans les établissements catholiques privés et d’une libération de la parole des victimes, Valérie Ginet pointe les freins et « les écueils pré-existants de la voie hiérarchique. Selon le climat social ou une gestion parfois paternaliste par les chefs d’établissements, les personnels qui sont témoins ne vont pas forcément faire remonter leur témoignage parce que cela signifie s’exposer ou être incompris ou considéré comme un danger pour la réputation de l’établissement. Les enseignants, souvent précaires, et les personnels de droit privé dont le turn-over est important, au contact des élèves et donc légitimes à repérer des violences, ne sont pas interpellés par le plan Brisons le silence. C’est un frein. »
Est-ce que vous avez été associés à l’élaboration du guide de contrôle des établissements privés par le ministère et à l’extension de l’application « Faits établissements » ?
Nous n’avons pas du tout été associés au guide de contrôle. Nous avons été informés, et nous avons demandé une présentation par le ministère, mais cette réunion a été annulée suite aux (nombreux) changements de ministres et nous en avons eu connaissance de façon indirecte. Le secrétariat de l’enseignement catholique a pu, de son côté, être consulté et proposer des modifications à ce processus de contrôle, sans toutefois avoir pu faire valoir toutes ses demandes. Une grande opacité, donc, même si nous avons toujours défendu le principe de contrôler les établissements, tant sur l’utilisation des fonds publics, que sur le respect des valeurs de la République et de la liberté de conscience.
Quels sont les freins et obstacles d’après vous au signalement ou aux procédures existantes ? Comment améliorer la situation ?
Les procédures annoncées, renforcées par l’élargissement du contrôle au climat scolaire, nous semblent aller dans le bon sens. Le déploiement de la procédure « Faits établissements » et du plan Brisons le silence également. C’est un progrès parce que cela décentre l’enseignement privé d’une gestion totalement interne qui a montré ses limites, malgré il faut le reconnaître de bonnes intentions ces dernières années.
Pourtant, tout dépend de la façon dont ce dispositif sera effectif. On a entendu dire que les signalements remonteraient aux directions diocésaines et pas aux rectorats, ce qui pour la Fep n’est pas acceptable. A vérifier. Le chef d’établissement sera à la manœuvre pour signaler des faits de violence. Cela ne prévient pas les écueils pré-existants de la voie hiérarchique. Selon le climat social ou une gestion parfois paternaliste par les chefs d’établissements, les personnels qui sont témoins ne vont pas forcément faire remonter leur témoignage parce que cela signifie s’exposer ou être incompris ou considéré comme un danger pour la réputation de l’établissement. Les enseignants, souvent précaires, et les personnels de droit privé dont le turn over est important, au contact des élèves et donc légitimes à repérer des violences, ne sont pas interpellés par le plan Brisons le silence. C’est un frein.
Pour améliorer la situation, il faudrait selon nous, former tous les acteurs des établissements à être vigilants, à se sentir impliqués et autorisés, à repérer les signaux d’une situation potentiellement dangereuse pour les enfants. Nous préconisons également de libérer la parole des élèves, qu’ils puissent trouver des adultes de confiance à qui parler ; qu’ils soient formés sur la notion de consentement et qu’ils s’émancipent suffisamment pour prévenir les abus qu’ils pourraient sinon subir. L’EVARS et sa mise en place de façon satisfaisante pourrait y contribuer.
Vos établissements font-ils l’objet de contrôle, à quelle fréquence et selon quelles modalités ?
Depuis la mise en place du plan de contrôle, certains établissements ont été contrôlés, et nous nous basons sur les déclarations de Mme Borne, de contrôler 40% des établissements en 2 ans, dont la moitié en présentiel ; reste à savoir si les moyens dédiés seront suffisants. Les contrôles sont d’abord administratifs, et portent sur le respect du contrat d’association, le respect des programmes, des horaires et des lois et valeurs de la République. Il est financier et contrôle la bonne utilisation des moyens alloués par l’Etat. Le climat scolaire touche au caractère propre de l’école, c’est-à-dire ce qui se fait en dehors de la classe. Et c’est un point de friction entre le ministère et les établissements, car l’interprétation du caractère propre diffère.
Avez-vous connaissance de nombreux faits de violences, physiques, morales ou sexuelles, est-ce que la parole se libère également suite à l’affaire Bétharram?
Des faits tels que ceux révélés à Betharram, il faut le dire, ne sont pas communs et appartiennent à un passé douloureux. Il n’y a plus, à ma connaissance, d’établissements où la violence physique est un mode d’éducation. Pourtant, dans de nombreux établissements, nous recueillons des situations de discrimination, d’influences religieuses sur les enfants, sans respect de leur liberté de conscience, d’interventions d’associations discutables qui tiennent des discours intenables sur l’homosexualité ou la sexualité par exemple. En ce qui concerne les violences sexuelles, on a pu voir une libération de la parole, mais le traitement de ces plaintes est très différent selon le chef d’établissement. Dans un établissement, la personne mise en accusation a été suspendue immédiatement après la plainte d’élèves. Dans un autre, la présomption d’innocence est invoquée pour laisser la personne dans l’établissement pendant qu’une enquête est déclenchée.
Propos recueillis par Djéhanne Gani
Bétharram et commission d’enquête : le dossier du Café pédagogique
