Comment réussir la végétalisation des cours d’école ? Après son livre sur le jardin scolaire avec Corine Martel , Sylvain Wagnon, professeur à l’université de Montpellier, propose un nouvel ouvrage intitulé Réussir la végétalisation des cours d’école, coécrit avec Romain Wagnon, architecte, et publié aux éditions Chronique Sociale. Dans cet entretien, Sylvain Wagnon revient sur plusieurs éléments clés de cette nouvelle étude, destinée non seulement aux enseignants, mais également aux parents, aux architectes, aux équipes périscolaires ainsi qu’aux services des collectivités locales.
Pourquoi avoir choisi d’écrire un ouvrage sur la végétalisation des cours de récréation aujourd’hui ?
La question aujourd’hui n’est plus « pourquoi végétaliser ? » mais bien « comment réussir cette transformation ? » La végétalisation des cours d’école incarne un changement profond de société : elle touche à l’écologie, à l’éducation, au vivre-ensemble, et à la manière dont nous concevons les lieux d’apprentissage. Même si les politiques nationales en la matière restent largement dans le déni, de très nombreuses collectivités locales ont engagé ce mouvement de végétalisation depuis plusieurs années, qui s’impose désormais comme une nécessité face aux défis climatiques et environnementaux. Il nous a donc semblé essentiel de proposer une synthèse, mais surtout des perspectives concrètes pour réussir cette transformation de manière collective et durable avec et pour les enseignants et les élèves.
En quoi consiste cette végétalisation ? Concrètement, que transforme-t-on ?
Végétaliser, c’est d’abord débitumer, désimperméabiliser et renaturer les cours. Cela signifie remplacer le béton et le bitume, qui se sont imposés dans la seconde partie du XXe siècle, par des éléments naturels : arbres, arbustes, prairies, jardins pédagogiques… Mais c’est bien plus qu’un simple aménagement paysager : c’est, à notre avis, une réinvention de l’espace scolaire, un changement écologique, éducatif et citoyen qui est possible. Créer des îlots de fraîcheur, de biodiversité, de jeu et d’apprentissage, cela s’apprend.
Quels sont les bénéfices concrets pour les enfants ?
Ils sont multiples. Sur le plan physique, une cour végétalisée offre un environnement plus sain, plus frais, plus propice à l’activité physique. Sur le plan émotionnel et cognitif, elle favorise le bien-être, réduit le stress et améliore la concentration. Sur le plan éducatif, elle peut devenir non seulement un espace de jeu, de re-création, son premier objectif, pour toutes et tous mais aussi un espace d’apprentissage à part entière : on peut y faire classe dehors, observer la nature, mener des projets scientifiques ou artistiques.
Pourquoi dites-vous que ce projet peut transformer l’École dans son ensemble ?
Notre ouvrage est le fruit de nombreuses observations réalisées dans des écoles du premier et du second degré, en France comme en Belgique. Les nombreux dessins et croquis de Romain Wagnon proviennent de ces visites, qui nous ont permis de percevoir la diversité des initiatives.
Un point commun ressort : la cour de récréation est un espace fondamental de la vie scolaire, un lieu où les élèves jouent, interagissent et se détendent. Elle offre l’opportunité de repenser l’école comme un écosystème vivant, capable de sensibiliser à l’environnement et d’éduquer de manière plus globale — en prenant en compte non seulement les dimensions intellectuelles, mais aussi physiques, sensorielles et émotionnelles des élèves.
Imaginer une école plus solidaire, que nous appelons depuis longtemps de nos vœux implique une réflexion approfondie sur la cour végétalisée, sur sa nature et sur ses potentialités : elle peut et elle est déjà parfois un espace d’apprentissages, de créativité, d’expression, mais aussi un lieu inclusif pour toutes et tous – loin d’un espace standardisé et uniforme. Les exemples, que nous développons, d’activités théâtrales, musicales, de jeux inclusifs et de parcours sensoriels dans les cours végétalisées sont des réalités grâce au travail phénoménal des enseignants en lien avec les services communaux et les architectes.
Vous proposez dans votre ouvrage de faire de la cour un espace de coéducation ouvert sur l’extérieur
En effet, nous tentons dans cet ouvrage d’explorer toutes les pistes pour réussir la végétalisation des cours sur le long terme. Les exemples concrets et pratiques que nous avons rencontrés nous ont permis de concevoir un véritable « vade-mecum de la végétalisation », afin d’en faire un projet commun impliquant les élèves, les enseignants, les architectes, les collectivités locales, les acteurs de l’éducation périscolaire, ainsi que l’ensemble des membres de la communauté éducative.
Les exemples des cours Oasis à Paris ou Aventure à Montpellier montrent bien l’intérêt de créer des espaces variés dans la cour : jardins, zones de jeux, mais aussi espaces calmes, de discussion et de repos. Il est essentiel que cette réflexion soit menée de manière collective, entre tous les acteurs éducatifs.
Par ailleurs, de plus en plus de collectivités locales perçoivent l’intérêt d’aménager les abords des écoles : rues scolaires piétonnisées, parvis réaménagés, jardins partagés où les parents peuvent venir à certains moments partager leurs savoir-faire et leurs compétences. Cette dynamique de coéducation prend ici dans la cour végétalisée une forme concrète, vivante, et particulièrement encourageante. Faire de la végétalisation des cours une réussite éducative mais aussi citoyenne est un enjeu pour l’école et la société d’aujourd’hui sans attendre demain !
Propos recueillis par Djéhanne Gani
