« C’est une honte pour la République, une trahison de la confiance accordée aux établissements privés » écrit Rodrigo Arenas au sujet du scandale Betharram. Le député insoumis de Paris dénonce « un système organisé, couvert, justifié au nom d’une autorité éducative dévoyée, où la peur remplaçait la bienveillance et l’obéissance écrasait la dignité ». Au lendemain de l’audition du Premier ministre, il dénonce dans cette tribune ses silences, sa complaisance et sa vision de l’éducation par la violence, évoquant la gifle comme « geste éducatif ».
« Une trahison de la confiance accordée aux établissements privés »
Ce qui s’est passé à Betharram n’est pas un fait divers. Bien sûr, il y a l’ampleur du scandale avec plusieurs centaines de victimes, et l’émotion de l’indignation qui saisit au récit des sévices subis. Mais comme pour Stan, ou Issoudun, c’est une révélation. C’est un rai de lumière supplémentaire sur les ténèbres où pleurent des enfants. C’est la manifestation de la vérité d’un système. C’est une honte pour la République, une trahison de la confiance accordée aux établissements privés, une condamnation morale pour tous ceux qui prétendent défendre les droits des enfants tout en regardant ailleurs quand les cris montent dans le huis clos d’une institution privée.
« C’est un système organisé, couvert, justifié »
A l’abri des murs de silence érigés par une Église trop habituée à dissimuler les turpitudes morales de ses serviteurs, des enfants ont, pendant des années, subi des humiliations, des violences physiques et morales, des abus sexuels, autant de pratiques que l’on croyait reléguées à un autre siècle. Tout cela, avec le complice assentiment de nombreux responsables. Et l’aveuglement, qu’on espère involontaire, de tant de familles.
Qu’on en soit bien conscient : il ne s’agit pas ici d’un simple dysfonctionnement. C’est un système organisé, couvert, justifié au nom d’une autorité éducative dévoyée, où la peur remplaçait la bienveillance et l’obéissance écrasait la dignité. L’éducation par la violence a longtemps été le credo des pédagogues à l’ancienne : l’enfant est un petit sauvage qu’il faut civiliser à coups de ceinture et de châtiments corporels. Héritier du paterfamilias romain, le bon père de famille règne en maître absolu sur la maisonnée – et s’il n’a plus heureusement le droit de vie et de mort, il reste autorisé à discipliner sa progéniture, comme on dresse un animal.
« Le Premier ministre ne pouvait ignorer »
Mais à Bétharram, le pire, c’est que des alertes ont été lancées, des voix se sont élevées – mais elles n’ont pas été écoutées, encore moins entendues, étouffées par le soutien des notables locaux comme François Bayrou, élu le plus puissant du territoire, président du conseil départemental, député puis ministre, et chantre autoproclamé de la morale publique.
Ses dénégations multiples et sa mémoire sélective l’incriminent : le Premier ministre ne pouvait ignorer, au moins toutes ces violences éducatives ordinaires. Son silence, sa complaisance, voire son appui à cette institution religieuse, posent une question grave : celle de la responsabilité politique face à la maltraitance. On ne peut se réclamer des Lumières et de l’humanisme, et couvrir un tel obscurantisme éducatif. On ne peut faire la leçon à la République et fermer les yeux quand l’intolérable se produit sur son territoire.
« Deux claques et au lit »
Mais au fond, peut-on demander à François Bayrou de se renier complètement ? N’est-ce pas lui qui après avoir giflé un gamin qui tentait de lui faire les poches avait justifié ce « geste éducateur ». N’est-ce pas lui encore qui prenait la défense des propos du préfet de l’Hérault appelant à calmer les jeunes émeutiers par « deux claques et au lit » ? Il a beau s’en défendre, mais l’indulgence de François Bayrou pour ces « gestes éducatifs » violents trahit une conception surannée de l’école. Et elle met en danger le bien-être des enfants.
Je le redis clairement : aucune école, aucune congrégation, aucun élu n’est au-dessus des lois. La parole des victimes doit être entendue, respectée, et traduite en actes. À Betharram, ce n’est pas seulement l’enfance qui a été blessée. C’est notre conscience collective. Il est temps de la réveiller.
Rodrigo Arenas
Bétharram et commission d’enquête : le dossier du Café pédagogique
