1 000 contrôles en 2025, 200 inspecteurs, deux décrets, une circulaire… Mercredi 21 mai 2015, l’audition de la ministre de l’Éducation nationale a clôturé les travaux de la commission d’enquête parlementaire. Élisabeth Borne a répondu pendant plus de deux heures aux questions des députés. Elle a reconnu des manquements graves de l’État et défendu les mesures mises en place depuis 2023. Qu’a-t-elle dit ?
« L’État n’a pas été au rendez-vous »
C’est par ces mots qu’Élisabeth Borne a ouvert son audition, en soulignant la nécessité d’une “prise de conscience collective” face aux violences subies par les élèves dans certains établissements scolaires. La ministre de l’Education nationale a reconnu les manquements passés tout en répétant les mesures prises depuis 2023.
La ministre Elisabeth Borne est revenue sur le plan d’action lancé « Brisons le silence, agissons ensemble » dont elle a rappelé les trois axes de ce plan : faciliter le signalement des faits, mieux recueillir la parole des victimes, et renforcer les contrôles dans les établissements.
Avant 2023 : quasi zéro contrôle dans le privé
Il y avait moins d’une dizaine de contrôles par an dans les établissements privés avant 2023. La ministre promet désormais 1 000 contrôles en 2025, 200 inspecteurs, deux décrets, une circulaire… Tout y est. Ou presque. Car les recrutements ne sont pas finalisés, la formation reste floue.
Deux décrets ont été également annoncés : l’un impose aux établissements de signaler tout fait de violence, l’autre encadre les procédures de contrôle, avec la mise en place de fiches de procédures claires. Une circulaire suivra pour guider les rectorats.
Bétharram, Stanislas : cas emblématiques ou révélateurs ?
À Bétharram, les faits sont accablants : propos humiliants signalés, mises en demeure restées lettre morte, inspection sans suite concrète, 19 injonctions non respectées. Et pourtant, l’établissement continue de fonctionner sans sanction.
À Stanislas, le contrôle de l’État a été contourné. Des inspections ont révélé le maintien de stéréotypes de genre, la non-application des recommandations, et une conclusion du rapport d’inspection transmise au ministère, en contradiction avec les constats. Le co-rapporteur interroge la responsabilité de Caroline Pascal, numéro 2 du ministère, accusée d’avoir ajouté les phrases, en contradiction avec les constats du rapport. La ministre de l’Éducation nationale Elisabeth Borne temporise : « Seul le rapport signé fait foi », insiste-t-elle, tout en reconnaissant que la procédure sera clarifiée à l’avenir.
Ces cas ne sont pas isolés : ils illustrent un problème systémique de responsabilité, où l’influence et le statut d’un établissement peuvent peser plus lourd que la gravité des faits.
Stanislas, Averroès : deux poids, deux mesures ? une question qui dérange
L’audition a atteint son point de tension quand le co-rapporteur Paul Vannier a évoqué le traitement différencié entre l’établissement musulman Averroès à Lille et le collège catholique Stanislas à Paris. La ministre Élisabeth Borne s’insurge : “Il ne faut pas opposer les établissements.” La réaction de la ministre Borne est immédiate, tranchante : “C’est très grave ce que vous faites.” Mais au-delà de l’échange politique, une question subsiste : l’État applique-t-il les mêmes règles à tous ?
Responsabilité, préfets, et rôle des rectorats
Le rôle des préfets dans la signature et le suivi des contrats d’association est également questionné. La ministre Borne reconnaît qu’il faut mieux structurer la collaboration entre préfets et recteurs, et que des réunions systématiques avec les chefs d’établissement doivent être organisées. Sur Averroès, elle qualifie le refus de contrôle par le directeur comme « inexcusable » et informe avoir fait appel à la décision du tribunal administratif.
Signalement, article 40 : vers une culture à construire
La co-rapporteure macroniste Violette Spillebout souligne que la « culture du signalement », notamment via l’article 40 du Code de procédure pénale, reste faible dans les établissements scolaires. La ministre Élisabeth Borne affirme vouloir inscrire cette culture au cœur de la formation initiale des personnels. Une fiche de procédure claire est annoncée, avec un objectif : que chaque personnel sache exactement quoi faire en cas de violence. La présidente socialiste de la commission Fatiha Keloua Hachi a proposé qu’un temps dédié lors de la pré-rentrée soit envisagé pour uniformiser les pratiques.
La ministre Élisabeth Borne a déclaré « ma détermination est totale », sans un mot sur les contrôles de l’Etat dans le cadre de la loi Debré et de son caractère propre dont il a été beaucoup question durant les auditions.
Djéhanne Gani
Bétharram et commission d’enquête : le dossier du Café pédagogique
