Partant du constat d’ « une très grande insatisfaction concernant leur évolution professionnelle notamment sur les possibilités de mobilité interne et externe (entre 70% et 80% des catégories de personnels concernés) », Georges Fotinos fait une proposition « expérimentale » sur les composants de l’avenir professionnel des Personnel d’Encadrement des Etablissements scolaires. « C’est d’une véritable culture de l’auto-évaluation des établissements, en lien avec un accompagnement bienveillant par des cadres, dont notre système éducatif a besoin » juge l’ancien chargé d’Inspection Générale de l’Education nationale (Etablissements et Vie Scolaire). Sa proposition d’une profession, trois métiers ? C’est « la direction, l’accompagnement, l’évaluation des établissements ».
Les résultats successifs des enquêtes PISA, TIMSS, PIRLS, l’attractivité des métiers proposés par l’Education nationale, notamment, montrent les limites du fonctionnement de notre système éducatif et de son organisation hypercentralisée.
Les résultats des enquêtes menées auprès des personnels d’encadrement I.E.N, IA-IPR, PERDIR (2) concernant leur évolution professionnelle se révèlent de forts indicateurs d’un besoin de mobilité. A noter que ce dernier fait partie d’un modèle de stress au travail -très étudié- provoqué par le déséquilibre effort/récompense. «L’opportunité de carrière fonctionne comme un tampon entre l’effort et le stress ».
Ces deux constats issus d’évaluations internationales et d’études nationales sont à l’origine de cette note : le premier concerne la situation inquiétante et récurrente de l’état de notre de notre système scolaire, et le second l’évolution déclinante du moral et de la qualité de vie au travail des personnels en charge de l’encadrement de nos établissements scolaires.
Une très grande insatisfaction concernant leur évolution professionnelle
Satisfaction | IEN | IA-IPR | PERDIR | ||
Pas du tout | Assez peu |
Assez peu Pas du tout |
Pas du tout | Assez peu | |
Evolution professionnelle | 23,5 % | 52 % | 76 % | 21 % | 46 % |
Mobilité interne | 26 % | 46 % | 72 % | 27 % | 47 % |
Mobilité externe | 41 % | 46 % | – | 34 % | 49 % |
De ce tableau comparatif inédit ressort le fait majeur commun aux trois catégories de Personnels : une très grande insatisfaction concernant leur évolution professionnelle notamment sur les possibilités de mobilité interne et externe (entre 70% et 80% des catégories de personnels concernés). Le caractère « tubulaire » de ces métiers est ici (si besoin était) fortement confirmé.
Ces chiffres (recueillis entre 2016 et 2021) sont des points de repères. Il semble toutefois au regard des informations recueillies auprès des intéressés, des publications syndicales, de santé au travail, d’associations et d’organisations spécialisées dans l’écoute et l’aide aux personnels de l’EN, que ce type de « récompenses » soit considéré comme encore moins présent.
Un changement du « logiciel » d’organisation de notre système éducatif « axé » sur son moteur vital : l’Etablissement
Face à cette situation et après analyse il est apparu que l’intrication de ces 2 constats ouvrait des pistes inédites d’évolution fondées sur le changement du « logiciel » d’organisation de notre système éducatif qui serait désormais « axé » sur son moteur vital : l’Etablissement.
Et pour ce faire – tant pour garder et développer les principes et les valeurs de l’Ecole de la République que pour aider, accompagner, évaluer, promouvoir ce changement « Copernicien » – une des voies possibles conduit à recentrer les missions des corps d’Inspection et de Direction sur l’Autonomie des Lycées, Collèges et Ecole.
Dans cette optique, il nous est apparu opportun de faire connaître plus largement une proposition d’évolution professionnelle convergente de ces métiers. Proposition issue d’un groupe de travail de personnels d’encadrement (IEN, IA-IPR- PERDIR) réuni par l’auteur pour prendre en compte les résultats des travaux sur le moral, la qualité de vie au travail, l’avenir professionnel de ces personnels et réfléchir aux pistes d’amélioration possibles.
Soulignons ici que la proposition qui suit est considérée comme nécessairement expérimentale et n’écarte pas une progression plus mesurée par la mise en place de passerelles accompagnées de formations pertinentes entre les corps existants.
Une profession, trois métiers : la direction, l’accompagnement et l’évaluation de l’établissement
La proposition est de regrouper trois métiers pour la profession : la direction d’établissement, la supervision d’établissements : accompagnement, conseil et formation des équipes, l’évaluation des établissements et de leurs personnels, le tout, favorisant une mobilité des différents corps actuels. Précisons que dans une telle hypothèse, il y a lieu d’étudier soigneusement les impacts statutaires, de carrière, les conditions de mobilité fonctionnelle ainsi que les impacts en matière de formation initiale et continue de ces cadres.
Un trio vertueux
Si la direction d’établissement et leur accompagnement ne constituent pas dans cette évolution des fonctions nouvelles – mais nécessitent toutefois des adaptations portant sur la construction de l’autonomie en lien avec les nouveaux « métiers » concernés – l’affichage institutionnel et le renforcement d’une évaluation externe des établissements sont une nécessité nouvelle, appuyée sur les quelques expériences antérieures ou en cours dans les académies.
La combinaison pilotage – accompagnement-évaluation externe des établissements par un même corps dont les personnels pourraient occuper l’une de ces fonctions à différents moments d’une même carrière devrait permettre la constitution d’une culture commune au service de la performance des établissements et de la dynamisation de leurs équipes autour de leurs projets et de leur contractualisation.
Plus que d’une hypothétique Agence d’évaluation externe, qui n’est pas dans la culture pédagogique et administrative française et dont le principal défaut serait d’être totalement externe, hors du trio vertueux d’évaluation entre pairs, c’est d’une véritable culture de l’auto-évaluation des établissements, en lien avec un accompagnement bienveillant par des cadres, dont notre système éducatif a besoin.
L’auto-évaluation et l’évaluation externe des établissements
L’auto-évaluation des établissements est assurément l’objectif à atteindre prioritairement. Elle assure, en effet, un regard évaluatif et dynamique sur la mise en œuvre des projets que les équipes se sont donnés, notamment le projet d’établissement et les éléments de la contractualisation. L’auto-évaluation permet également une régulation, constante ou régulière, aux besoins des élèves, identifiés localement par les équipes au regard des objectifs académiques et nationaux. Il faut, en outre, souligner la dimension formative et dynamisante de cette démarche pour les personnels. Dans cette optique, elle sert à la fois à fédérer les équipes et à créer chez elles une attente favorable à l’accompagnement. Elle constitue ainsi une excellente préparation à l’évaluation externe.
L’évaluation externe, pratiquée par des cadres ayant exercé les missions de direction et/ou d’accompagnement d’établissement, permettrait tout à la fois : de renforcer la dimension d’auto-évaluation (préalable à la réalisation de l’évaluation externe), de vérifier la pertinence de l’accompagnement réalisé par d’autres cadres, de réaliser une évaluation régulière des établissements, tous les cinq ans par exemple, de faire des préconisations et des propositions constructives.
Mise en œuvre, une proposition en vue d’une expérimentation
Afin de préparer la mise en œuvre de telles propositions qui correspondent aux missions de directeurs d’administration ou d’établissements publics il y a lieu d’opérer de premières définitions des référentiels des trois rôles identifiés : directeur d’établissement, en charge de la direction, un ingénieur-conseil, en charge de l’accompagnement, un évaluateur, en charge de l’évaluation externe.
In fine, ce sujet qui est considéré comme un « serpent de mer » au MEN depuis quasiment la création de la Direction du Personnel d’Inspection et de Direction( DPID) de 1988 suivie de celle de la Direction de l’Encadrement et des statut des personnels d’inspection et de direction peut trouver dans cette tribune – au regard de la situation décrite en préambule – des éléments propices à sa « réactivation ». Evolution qui il faut le rappeler a pour objet de considérer que la réussite de notre système éducatif est en lien direct avec la qualité de vie et le bien être des personnels et des élèves dans leur établissement .
Georges Fotinos
(1) Texte publié comme annexe dans les deux études concernant les Personnels de Direction citées ci-après. Présenté en conférence de presse suivie d’une table ronde Administration MEN (Centrale et déconcentrée) /Syndicats . Etudes diffusées aux Recteurs et Dasen dans le cadre de l’Accord-cadre MENJ/CASDEN .
(2) Etudes
LE MORAL DES INSPECTEURS : I.E.N, IA-IPR
Qualité de vie au travail et épuisement professionnel
Georges Fotinos, José Mario Horenstein
Vitruvian-Consulting CASDEN (2017)
*LE MORAL DES PERSONNELS DE DIRECTION
DES LYCEES ET COLLEGES EN 2017
Conditions de travail , qualité de vie professionnelle, burnout
Autonomie de l’Etablissement
Georges Fotinos, José Horenstein
Vitruvian-Consulting CASDEN(2017)
*LES PERSONNELS DE DIRECTION A BOUT DE SOUFFLE
En demande d’Avenirs
Georges Fotinos, José Mario Horenstein
Vitruvian-Consulting, SNPDEN/UNSA CASDEN (2021)
