« Le plus difficile, c’est de mesurer la difficulté de ce que l’on propose aux élèves. Quand on n’a jamais enseigné, on a du mal à imaginer quelles peuvent être les sources de blocages pour les élèves » explique Théo, professeur d’histoire stagiaire. Il revient sur ces premiers mois d’enseignement, après avoir accordé au Café pédagogique un entretien à la veille de la rentrée. Le professeur d’histoire nous invite aussi à un pas de côté : « L’école et les élèves changent beaucoup, mais je pense qu’on oublie aussi parfois de voir tout ce qui ne change pas ».
Comment se sont passés les premiers mois de professeur ?
Les premiers mois se sont bien passés, même si le rythme est intense. On a beau le savoir en s’engageant dans ce métier mais le temps de préparation des cours est considérable la première année : il faut à la fois préparer des cours et apprendre à les préparer en même temps. Il y a aussi toute une nébuleuse de micro-tâches en classe et hors classe qui se sont automatisées au fur et à mesure mais qui au début demandaient beaucoup d’attention (faire l’appel, donner les devoirs, remplir les cahiers de texte, saisir des notes…).
Vous rappelez-vous du premier cours ?
Le premier cours était une sorte d’accumulation de stress : même si l’on a visité l’établissement, que nos collègues nous ont briefés, on a l’impression de tout découvrir (et de fait c’est en grande partie le cas). On essaye de montrer autant d’assurance que possible devant les élèves et de faire avancer la séance exactement comme on l’avait prévue, en même temps on tente de mémoriser des prénoms, de jauger les élèves, de poser un cadre, sans oublier de gérer les aspects matériels du cours : le projecteur, les feutres, les photocopies… En le racontant, je me rends compte du chemin parcouru depuis : ça me paraît être lointain et pourtant ça n’était qu’il y a quelques mois.
Comment vous sentez-vous en salle des professeurs ? Comment ça se passe avec les collègues
Je pense que j’ai énormément bénéficié de la bonne entente entre collègues. Outre ma tutrice qui est toujours présente quand j’ai des questions et qui ne manque jamais de conseils ou d’idees, j’ai été très bien accueilli dès le début par tous les collègues. Dans les premières semaines, tout le monde me demandait régulièrement « comment ça se passe ? », « ça te plaît ? », chacun y allant de son petit conseil.
La salle des professeurs est un lieu où l’on communique énormément sur les élèves et sur les classes. On trouve toujours quelqu’un prêt à répondre à nos questions, et on a souvent l’occasion de discuter avec la plupart des collègues, enseignants ou AESH. Il y a plusieurs collègues avec qui je m’entends très bien, ce qui permet parfois de souffler et de se détendre entre deux séances où les élèves sont particulièrement dissipés. Par ailleurs, au sein de l’équipe d’histoire-géographie-EMC, nous travaillons beaucoup en équipe avec ma tutrice et mes deux autres collègues, ce qui est extrêmement enrichissant quand on débute.
Et la formation ? Une aide ? Des échanges entre pairs ?
La formation à l’INSPE m’apporte aussi beaucoup. Nos principales formatrices sont toujours de bon conseil. Par ailleurs, les journées de formation sont souvent l’occasion d’aller trouver de nouvelles idées pour améliorer ses séquences d’enseignement, que ce soit par des nouvelles techniques ou par des scénarios pédagogiques un peu différents. Par exemple, c’est au cours d’une formation sur l’utilisation de la bande dessinée en histoire-géographie que j’ai décidé de me lancer dans une séquence entière d’histoire utilisant la bande-dessinée comme support d’apprentissage.
La formation est aussi un espace où l’on échange avec des collègues avec beaucoup de bienveillance, pour avoir des retours d’expériences d’autres contextes scolaires, d’autres établissements. Ces discussions permettent aussi de se rassurer, de se rendre compte que l’on est plusieurs à faire face aux mêmes difficultés.
Le plus difficile ?
Le plus difficile, c’est de mesurer la difficulté de ce que l’on propose aux élèves. Quand on n’a jamais enseigné, on a du mal à imaginer quelles peuvent être les sources de blocages pour les élèves. Et une classe où les élèves « bloquent » (du moins une majorité), c’est une classe qui devient difficile à gérer. On s’en rend compte rapidement.
La plupart du temps néanmoins, les blocages ne concernent qu’une partie des élèves. C’est une autre difficulté majeure : gérer les écarts entre les élèves qui peuvent être considérables. Il y a toujours cette frustration latente de ne pas pouvoir passer plus de temps à aider certains élèves, a fortiori quand les élèves en question font preuve de beaucoup de bonne volonté.
Ce que vous aimez particulièrement ?
En même temps, c’est aussi de là que viennent les plus grandes satisfactions. Voir un.e élève qui a beaucoup de mal mais qui s’accroche et qui finit par décrocher une note honorable, qui s’investit dans une production de groupe ou tout simplement qui se met à participer activement en classe : ce sont autant de situations qui donnent vraiment plaisir à enseigner.
Une autre dimension vraiment plaisante, c’est d’avoir besoin constamment de réinterroger sa pratique pour l’améliorer. Se demander « Qu’est ce qui n’a pas bien fonctionné dans cette séance ? Comment je pourrais faire autrement la prochaine fois ? » est une démarche extrêmement stimulante.
Qu’est ce qui vous a étonné durant ces premiers mois ?
Quelque chose qui m’a beaucoup surpris c’est les fluctuations de l’ambiance au sein d’un même groupe classe : l’heure de la journée, le cours d’EPS juste avant, le retour de la cantine, le vendredi, la salle de classe, l’approche des vacances… On le sait avant de commencer mais on ne se rend pas compte à quel point ces variations peuvent être fortes avant de commencer. Et au sein même de l’année, l’attitude générale d’une classe fluctue énormément.
Comment trouvez-vous les collégiens version 2025?
Les collégiens version 2025… Difficile de répondre quand on vient de monter sur le navire. On se rend compte que l’école a beaucoup changé en une dizaine d’années (j’étais moi-même au collège il y a un peu plus de 10 ans) : un peu plus d’élèves par classe, des approches pédagogiques différentes (du moins pour ce que j’observe en histoire-géographie), une meilleure identification des élèves à besoin particulier…
Sur les collégiens eux-mêmes, j’ai du mal à répondre : ils sont tous très différents et on finit par constater que certains profils types sont toujours dans les classes aujourd’hui. L’école et les élèves changent beaucoup, mais je pense qu’on oublie aussi parfois de voir tout ce qui ne change pas.
Propos recueillis par Djéhanne Gani
Dans le Café pédagogique :
