Fabrice Dhume-Sonzogni, sociologue de l’éducation, s’attache dans son dernier livre à mettre en perspective les connaissances actuelles en sciences humaines et sociales sur Les discriminations scolaires. Pourquoi cette question a-t-elle mis autant de temps à s’imposer dans le champ politique, scolaire et scientifique ? Quels sont les lieux et les formes de la discrimination scolaire ? Sur quelles logiques repose-t-elle ? Quels en sont les effets ? … sont autant de questions que va aborder l’ouvrage.
Un système inégalitaire…
Le constat est désormais sans appel, tous les chiffres le montrent, et mêmes les politiques le reconnaissent : l’Ecole reproduit les inégalités sociales contre lesquelles elle ne parvient pas – mais le cherche-t-elle vraiment ? – à lutter. Toutefois, cette prise de conscience semble le plus souvent s’arrêter aux portes de l’institution, qui tient ces inégalités comme extérieures à elle-même, et ne s’estime pas comptable de ce qui se passe en dehors de ses murs.
Or considérer que les inégalités sociales ne trouvent leur origine que dans le contexte familial et le manque de familiarité de certains publics avec les normes scolaires, c’est oublier, explique Fabrice Dhume-Sonzogni, que ce sont justement CES normes, ces « attendus et prescriptions scolaires », qui sont sources d’inégalités, et que c’est l’Ecole qui les fait sien·nes. Si l’on veut aller vers une école plus égalitaire, cet « ethnocentrisme institutionnel » doit être interrogé.
… et discriminatoire
Mais, poursuit le sociologue, il faut aller plus loin, et l’interroger dans « une perspective plus large », en questionnant aussi la manière dont le système scolaire produit lui-même « des rapports de domination », « des hiérarchies et des ségrégations », autrement dit non seulement de l’inégalité, mais aussi de la discrimination raciale, sociale, sexuelle.
C’est cette responsabilité systémique de l’institution scolaire dans l’inégal traitement de ses publics, que l’ouvrage va mettre à jour, appelant in fine à une « politique publique enfin antidiscriminatoire », c’est-à-dire à une politique qui ne se contente pas de « professer des grands principes d’éducation civique aux élèves ». Combattre les discriminations ne peut se faire sans « changement radical des normes », sans « logique transformative de l’ordre scolaire ». Mais, conclut l’auteur, « n’est-ce pas là une belle utopie mobilisatrice ? »
Claire Berest
