Deux professeurs mutés d’office, un enseignant accusé de comportements discriminatoires toujours en poste, un personnel éducatif controversé malgré des avertissements… La situation qui secoue actuellement le collège François Mitterrand de Noisy-le-Grand (93) soulève une question de fond : les lanceurs d’alerte sont-ils aujourd’hui victimes d’un système dysfonctionnel ?
Depuis l’annonce de ces mutations « dans l’intérêt du service », les interrogations se multiplient. Le syndicat SNES-FSU 93 dénonce une gestion autoritaire et l’instrumentalisation de procédures disciplinaires pour réduire au silence ceux qui alertent sur des abus internes.
Deux poids deux mesures dans la remontée des faits
Dans l’affaire des cinq professeurs mutés d’office dans l’intérêt du service dans l’académie de Créteil ce printemps, un article publié mardi 27 mai 2025 dans Le Parisien a ravivé la polémique en relayant des témoignages accablants d’élèves et de membres du personnel. Ils évoquent des propos à caractère raciste, sexiste, homophobe et humiliant tenus par un enseignant. Déjà visé par des signalements et écarté de son établissement précédent, cet enseignant serait pourtant protégé par la direction et toujours présent dans l’établissement, contrairement aux deux professeurs mutés d’office.
L’article pointe également la situation d’un assistant d’éducation (AED) dont le comportement avec les élèves est jugé problématique. Il aurait été recruté malgré l’opposition de la conseillère principale d’éducation (CPE). Il s’agissait du fils de la principale adjointe du collège, aujourd’hui écarté du collège et objet d’une enquête.
Ces éléments viennent éclairer les récentes mutations des deux enseignants. Tous deux dénonçaient les agissements de leur collègue et avaient transmis des signalements à la DSDEN. Depuis trois ans, les signaux d’alerte se multipliaient : management autoritaire, licenciements d’AESH, propos sexistes, homophobes, humiliations… ces comportements étaient régulièrement signalés sans donner lieu à de sanction. Si ce n’est la mutation des deux professeurs « mutés d’office » « dans l’intérêt du service ».
« On déplace les victimes, les agresseurs restent »
« Celui qui nous a calomniées, agressées verbalement et par mail n’a jamais été convoqué », s’indignait Catherine auprès du Café pédagogique, l’une des enseignantes mutées.
Tony Tremblay, co-secrétaire départemental du SNES 93, s’indigne : « Factuellement, ce que l’on sait, c’est que deux collègues irréprochables sont mutés dans l’intérêt du service, tandis que ce professeur, pourtant dénoncé, est toujours là. On déplace les victimes et les collègues dysfonctionnels restent dans l’établissement. » Selon lui, cette affaire révèle un mode de gestion et un système en place particulièrement toxique : « Il y a un management brutal et autoritaire qui discrédite les victimes et protège ceux qui soutiennent la direction. C’est un système où les collègues qui dénoncent les abus sont sanctionnés, et ceux qui les commettent, maintenus. »
Cette situation pose la question de la remontée et traitement des faits à la hiérarchie par les directions d’établissement.
Vendredi 23 mai 2025, le management toxique et la brutalité administrative était dénoncés par les personnels présents lors du rassemblement en soutien. La procédure expéditive suscite colère, incompréhension et un vaste élan de solidarité contre une dérive autoritaire jugée inquiétante.
« On justifie en partie leur mutation par les propos de ce professeur »
« On déplace les victimes, deux professeurs syndiqués irréprochables et on laisse en place les agresseurs » constate Tony Tremblay. Il rappelle qu’« on justifie en partie leur mutation par les propos de ce professeur » et poursuit : « je ne pense pas avoir vu scandale plus grand dans le département. On se serre les coudes entre agresseurs, et un système de décrédibilisation des victimes se met en place. Le plus grave, c’est qu’il aboutit à des mutations imposées, justifiées par des arguments fallacieux. »
Les professeurs dénonçaient une enquête administrative, jugée partielle et partiale : pour le syndicat, c’est une preuve de plus d’une enquête biaisée et à charge. Est-ce que ces révélations vont changer le cours de l’enquête et la décision de mutation et les professeurs reconnus comme des lanceurs d’alerte.
Alors que l’Éducation nationale prône la bienveillance et la protection des élèves – une question éminemment d’actualité aujourd’hui-, cette situation soulève une question cruciale : dans quel intérêt agit-on réellement lorsqu’on évoque « l’intérêt du service » ?
Djéhanne Gani
Dans Le Café pédagogique
5 professeurs mutés d’office dans l’académie de Créteil
Management toxique et professeurs mutés : unité et résistance du 93
