
« Récolter des données sur le financement public des établissements privés dans le département, alerter sur ces derniers et enfin apporter une réflexion collective pour faire cesser ce financement [du privé] et prioriser celui de l’école publique » : dans la continuité du collectif national pour l’école publique laïque « Maintenant, l’école publique ! » huit organisations syndicales et six associations intervenant dans le domaine de l’éducation ont décidé d’agir ensemble pour faire toute la lumière sur le sujet.
Le Conseil Régional PACA, le Conseil Départemental et de nombreuses municipalités du département vont souvent bien au-delà des obligations réglementaires issues de la loi Debré de 1959
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est la décision prise par le Conseil Départemental des Bouches du Rhône de financer partiellement à hauteur de deux millions d’euros (sur les 12 au total) la construction dans les quartiers nord de Marseille, du futur collège (jésuite) privé Loyola qui doit ouvrir ses portes en septembre prochain et scolariser à terme 500 élèves. Le Conseil Départemental a par ailleurs voté une garantie d’emprunt couvrant les 100 % du prêt demandé par le groupe privé sous contrat École de Provence.
Cette construction se fait en lieu et place d’un établissement public dont le terrain avait été réservé par Euroméditerrannée et dont la finalité a été modifiée par le Conseil d’Administration de cet Établissement public d’aménagement.
L’objectif affiché par la majorité départementale présidée par Martine Vassal (divers droite) est de renforcer « la mixité sociale d’origine et de confessions ». L’argumentation avancée pour justifier cette décision prêterait à sourire si la situation dans les établissements publics n’était pas aussi préoccupante.
À Marseille, 23 collèges sont classés REP+ et 6 sont en REP (sur les 56 collèges publics) soit la majorité des collèges publics de la ville. Dans ces établissements, le taux de réussite au DNB (Brevet) est de plusieurs points inférieur à la moyenne académique et justifierait à lui seul une intensification de la politique de l’Éducation Prioritaire.
Comment parler de mixité sociale dans ce contexte ?
Quand il est devenu évident que l’école privée, parce qu’elle est ségrégative, qu’elle n’est soumise à aucune carte scolaire, que l’on y retrouve majoritairement des enfants issus de catégories sociales de rang plus élevé… concourt à la ségrégation scolaire.
Et que signifie la référence à « une mixité confessionnelle ». Depuis quand, en France, l’appartenance ou pas à une religion est un élément déterminant une politique publique ?
Tout cela se passe dans un territoire abandonné par les services publics, « dans un quartier qui attend 30 000 nouveaux habitants, et où il est nécessaire de construire un collège public soumis à la carte scolaire ». L’État (le Rectorat) a soutenu cette démarche en intégrant ce futur collège dans le plan « Collège réussite », permettant ainsi de réduire le temps nécessaire à la signature du contrat d’association. Cette signature induit la prise en charge des salaires d’enseignant par le Ministère de l’Éducation Nationale. L’établissement doit ouvrir ses portes au mois de septembre prochain.
La logique voudrait qu’il en soit tout autrement. L’école publique et laïque est la seule capable de garantir une égalité de traitement et la réussite de tous les enfants de notre pays, à condition que le pouvoir politique lui en donne les moyens humains et financiers. Il est évident que ce n’est pas la direction prise. Cet exemple le démontre une nouvelle fois s’il le fallait.
L’action entreprise à Marseille réunissant enseignants, parents d’élèves, associations de défense des droits humains est exemplaire de ce point de vue et appelle nécessairement à une réplique à l’échelon national. Au temps des Stanislas, Betharram et autres institutions opaques de l’enseignement privé, qu’il soit catholique ou pas, la défense du service public d’éducation est encore plus d’actualité.
Alain Barlatier
