« L’école française est formatée pour les enfants des parents diplômés » constate l’observatoire des inégalités dont le rapport 2025 constitue une nouvelle et énième alerte. « Ce qui coince, c’est l’écart entre la réalité vécue par les jeunes et leurs parents, notamment les moins diplômés, et ces discours sur l’égalité. Ce fossé est source d’une tension très forte dans la société » y lit-on. En somme, l’école française réussit aux plus favorisés, à ceux qui en ont le moins besoin. C’est peut-être cela, la véritable exception française : une école qui proclame l’égalité mais organise la reproduction sociale. Une école qui sélectionne, trie, évalue, dès le plus jeune âge. Le mérite ? Il s’hérite et dépend surtout du milieu social.
L’écart le plus important en mathématiques selon le milieu social
L’observatoire des inégalités rappelle dans son rapport publié le 3 juin 2025 que la France se hisse à la tête du palmarès des pays où l’écart de réussite entre les élèves de milieux sociaux favorisés et défavorisés est le plus important selon les comparaisons internationales. Les résultats des évaluations PISA montre cet écart de 113 points : les élèves français issus de milieux favorisés obtiennent en moyenne un score de 535 en mathématiques, au-dessus de la moyenne de 525 contre 422 pour les élèves issus de milieux défavorisés.
« L’école française est formatée pour les enfants des parents diplômés ».
Le rapport mentionne les facteurs explicatifs : « faible taux d’encadrement, des apprentissages très académiques, des évaluations à répétition, une dévalorisation des élèves qui échouent, etc. Les enquêtes de l’OCDE montrent que l’école française est formatée pour les enfants des parents diplômés ». Ce constat de l’observatoire des inégalités rejoint celui du sociologue Paul Pasquali qui parle d’ « héritocratie » comme celui de Jean-Paul Delahaye, ancien numéro 2 au ministère quand il écrit que « l’école n’est pas faite pour les pauvres ».
Les enfants de diplômés partent avec plusieurs longueurs d’avance et les conservent. Quant aux enfants issus de milieux défavorisés, ils ne parviennent pas à rattraper le retard au cours de leur scolarité. Aujourd’hui, l’élite scolaire dans les écoles normales supérieures recrute toujours plus de deux tiers de ses effectifs parmi les enfants de cadres supérieurs.
L’école française est pensée et structurée pour les enfants des milieux favorisés, souvent plus diplômés. Les autres se sentent illégitimes, voire exclus d’un système qui écrase plutôt qu’il n’élève. C’est une culture qui récompense ceux qui la comprennent et maitrisent. C’est une culture qui valorise ou intériorise la compétition dès l’école primaire et dévalorise, ignore ou méconnait des talents ou des savoirs notamment manuels.
La démocratisation, l’école pour toutes et tous, de toutes et tous les élèves reste un enjeu de taille, mais cela nécessite un changement profond de culture et de structure scolaire, et aussi de regard. Il faut moins d’élitisme, donc moins de séparatisme social, moins de violence symbolique, sociale, institutionnelle.
Tant que l’école française restera ce qu’elle est – un système au service des gagnants d’avance – elle ne sera pas un lieu d’émancipation. Elle restera une fabrique d’inégalités et d’humiliations aux effets durables à l’échelle individuelle comme collective.
Djéhanne Gani
