Trois axes d’action annoncés
Lors d’une conférence de presse tenue ce jeudi 19 juin 2025, ses représentants ont affiché une volonté claire : agir, sans attendre les conclusions du Parlement pour réaffirmer sa mobilisation. À l’approche de la publication du rapport parlementaire, l’Enseignement catholique dit accueillir positivement cette initiative, saluant le travail de la commission et la libération de la parole qu’elle a permise : « Nous pensons d’abord aux victimes. Celles qui ont parlé. Et celles qui, aujourd’hui encore, ne peuvent pas le faire. Nous vous entendons. Nous vous croyons. Et nous avons besoin de votre parole. »
L’institution a présenté trois priorités majeures : écouter davantage les victimes, sécuriser les internats via une certification avec des audits externes, et renforcer la formation des personnels, notamment par le lancement d’un MOOC à la rentrée 2025. Ces mesures s’appuient notamment sur les travaux de la CIASE, qui a révélé 216 000 victimes d’abus sexuels dans l’Église, dont un tiers dans les établissements scolaires. Philippe Delorme souligne : « Il faut aller encore plus loin pour renforcer ce qui rend possible la parole et l’écoute des victimes. C’est un besoin impératif. »
Une parole libérée… mais encore fragile
Un comité indépendant sera mis en place pour réfléchir aux meilleures conditions d’accueil de la parole. Il réunira notamment Alain Esquerré, Hélène Laubignat (APEL), Yann Raison du Cleuziou (sociologue) et Ségolène Moog. Sa mission est de créer un cadre sécurisant pour recueillir les témoignages des victimes: « Nous avons besoin d’un regard extérieur pour reconstruire une parole longtemps empêchée. »
L’APEL, un acteur clé sous tension
L’APEL (Association des parents d’élèves de l’enseignement libre) entend à présent jouer un rôle central dans l’accompagnement des victimes et la sensibilisation des familles. Hélène Laubignat, sa présidente, insiste sur la nécessité de « mettre en place une culture de vigilance partagée entre parents, personnels et institutions ».
Cependant, l’APEL doit faire face à une défiance persistante, liée notamment au fait que « pendant trop d’années, on a cherché à protéger les institutions plutôt qu’une personne », comme le reconnaît Hélène Laubignat. Cette défiance freine encore la remontée des témoignages, ce qui interroge sur l’efficacité réelle des dispositifs prévus.
Internats sous contrôle… à quel rythme ?
Un plan de certification des 596 internats de l’Enseignement catholique est lancé. Des audits externes et un cahier des charges rigoureux permettront de garantir des environnements sûrs et bienveillants, annonce Philippe Delorme : « Nos internats doivent devenir des lieux exemplaires de sécurité et de confiance. » Mais il reste vague sur les moyens et délais : « Nous construisons un cahier des charges précis pour garantir des audits rigoureux. » Reste à savoir quels critères (sécurité, santé) et quelles décisions ou sanctions seront prises en cas de non-conformité ?
ÉVARS, légitimité du contrôle et autonomie
Interrogé sur les dispositifs ministériels, Philippe Delorme a réaffirmé la pleine implication de l’Enseignement catholique dans le plan ÉVARS, notamment dans le premier degré : « Je pense notamment qu’ÉVARS va permettre de libérer la parole, tout en respectant les spécificités de nos établissements. »
Sur la question du contrôle, le secrétaire général s’est montré ouvert : « Nous n’avons jamais refusé que la question de la vie scolaire soit regardée. C’est la question du climat scolaire. » Il rappelle cependant : « La vie scolaire fait partie de la liberté d’organisation des chefs d’établissement. Que l’État vérifie le climat scolaire pour s’assurer que les enfants sont en sécurité, c’est légitime. ». Cette position traduit la tension entre l’autonomie des établissements et le contrôle étatique.
Un pas en avant… mais encore beaucoup à faire
L’Enseignement catholique affiche une volonté renouvelée d’agir, avec Philippe Delorme qui conclut : « Une trahison d’enfant est une perversion de notre projet éducatif. Nous devons être les acteurs d’un ‘plus jamais ça’. »
L’Enseignement catholique affiche sa volonté de changement, et d’autonomie par rapport au ministère. Les annonces restent en décalage avec l’ampleur des violences révélées. Sans mise en œuvre rapide, cadre juridique clair, le risque est grand que ces engagements restent symboliques.
Djéhanne Gani
