Qu’est ce que la pause numérique ?
Annoncée au printemps 2024, la « pause numérique » (qui sera renommée à la rentrée « portable en pause ») a été mise en œuvre dans plusieurs établissements (écoles et collèges), plus d’une centaine semble-t-il. La ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche souhaite généraliser la pause numérique dans les collèges dès la rentrée scolaire 2025.
Mais avant de généraliser, il faut peut-être tenir compte de ce qui s’est passé, évaluer l’impact de cela. En effet instituée en 2018, l’interdiction du téléphone portable dans les écoles et les collèges ne semble donc pas avoir été réellement suivie, malgré la publication en 2018 d’un vademecum pour la mise en oeuvre dont on attend la mise à jour. C’est pourquoi en 2024, suite aussi aux textes de loi votés sur le contrôle parental (LOI n° 2022-300 du 2 mars 2022), le gouvernement a relancé et mis en place cette expérimentation.
Pour en savoir plus, nous avons interrogé deux établissements et une société (Tiriad Editions) qui fabrique et diffuse des « sacs à portables sécurisés ». Ces témoignages sont d’autant plus intéressants qu’ils ont rassemblé des élèves, CPE et chefs d’établissement de deux collèges en milieu rural, l’un dans la Vienne, l’autre dans la Marne.
Mise en place de la pause numérique
Le quotidien de la pause numérique
Pour les élèves, la pause numérique, c’est ne plus avoir de téléphone portable au collège, ne pas utiliser les réseaux sociaux, c’est aussi éviter les perturbations pendant les cours, etc…. A la maison, certains ont un contrôle parental qui encadre leurs usages. Les réseaux sociaux utilisés par les collégiens interrogés sont snapchat pour les échanges, instagram et tik tok pour se divertir un peu. En arrivant au collège on met le téléphone dans la pochette, on le verrouille et quand on sort on le déverrouillé.
Au collège Arthur Rimbaud, les élèves ont cherché des solutions et on a présenté la pochette aux élèves. Dans le collège de La Source à Rilly-la-Montagne, près de Reims, dans la Marne (Académie de Reims), situé en zone rurale et viticole, et en zone blanche pour le wifi, cela a été discuté avant la sortie. Les parents achètent la pochette verrouillable. Sur 400 élèves 150 ont pris la pochette au collège Arthur Rimbaud. Plusieurs élèves ont trouvé le dispositif un peu lourd, mais dans l’ensemble c’est accepté et respecté.
Pour les CPE, au collège La Source, il y avait des questions sur la modalité pratique : boite, charriot, pochette. C’est cette dernière solution qui a été retenue parce que plus facile à mettre en place. Le règlement est plus strict depuis la mise en place de la pochette. Ce moyen est devenu symbolique et visible, donc cela a aidé à l’acceptation de l’interdiction. Au collège de Latillé, il y a beaucoup moins de comportement néfastes ou interdits (photos, diffusion sur les réseaux etc…). Cela se gère sur la confiance : les élèves connaissent la règle du jeu, la pochette est une dissuasion supplémentaire.
Il y a aussi un travail fait en lien avec l’infirmière si des élèves semblent perturbés par l’usage personnel des téléphones portables.
Avec la mise en place de ce projet, on observe des changements de pratique, basés sur une information large. Il y a très peu d’incidents. Ainsi, depuis le début de l’année scolaire 2024, il n’y a eu qu’un seul incident (un élève ayant deux téléphones portables) avec une exclusion acceptée par les parents.
Les chefs d’établissement
A Latillé, en septembre octobre, a été mis en place un comité de pilotage avec 15 élèves pour choisir la solution. La pochette associait souplesse et responsabilisation ce qui correspondait à notre projet d’établissement qui met en avant les compétences psychosociales et en particulier la responsabilisation. La clé de la réussite a été la participation des élèves qui ont été associés à tous les niveaux.
Par contre, les parents n’ont pas été associés au début, et ils ont été un peu difficile à convaincre, en particulier pour ce qui est des voyages scolaires. Mais aujourd’hui plus de 80% des parents sont favorables à la reconduction.
Les enseignants n’ont peut-être pas été associés suffisamment au pilotage, mais ils ont reconnu l’importance pour apaiser le climat scolaire. On repart pour l’année prochaine et les élèves de 3è pourront revendre leur pochette aux autres élèves.
A Rilly la Montagne, la DASEN a invité l’établissement à expérimenter la pause numérique au printemps 2024. En lien avec 3 autres établissements, « on a fait des réunions avec professeurs, CPE et parents ». On a cherché des solutions gérables. On voulait trouver une solution qui responsabilise les élèves.
Les premières pochettes coutaient 8 euros, les parents ont acheté les pochettes et l’établissement a acheté les bornes de verrouillage. Un courrier en juin 2024 (concernant les 6è, 5è) demandait aux parents de choisir. 70 parents n’ont pas acheté de pochette et ont choisi que leurs enfants n’amènent pas le téléphone au collège. Hormis les élèves de troisièmes qui se sont un peu interrogés. Les enseignants ont été partie prenante, les élèves ont joué le jeu. La pochette est marquée au logo de l’établissement qui renforce, pour les élèves le sentiment d’appartenance.
On a été dans l’éducation et pas dans la sanction. Pour l’année prochaine, Madame Secondé, principale, présente le projet aux parents des écoles primaires du secteur. Le recyclage des pochettes est prévu pour les élèves qui quittent l’établissement.
En conclusion
La pause numérique, au moins pour les établissements interrogés, semble être une réussite. Le dispositif mis en place est basé sur la responsabilité et la confiance. La volonté des personnels de ces établissements est avant tout éducative. L’adhésion des élèves et des parents s’effectue dans le dialogue d’une part et s’appuie sur la souplesse de la solution retenue. L’implication des enseignants est aussi un élément clé du dispositif pour appuyer le travail mené par les personnels d’éducation et les chefs d’établissement. L’ensemble des dispositifs présenté est complété par une mise à jour du règlement intérieur en lien avec le conseil d’administration de l’établissement.
Bruno Devauchelle
