Constat et recommandations
Fruit de plusieurs mois d’auditions, d’investigations et de témoignages, ce rapport publié mercredi 2 juillet 2025 tire la sonnette d’alarme : le système éducatif français est défaillant face à des violences exercées par des adultes sur des élèves. Le rapport dénonce des dysfonctionnements et en analyse des rouages. Il formule 50 recommandations.
Axe 1 : Reconnaître les victimes et la responsabilité de l’État
Le premier défi mis en lumière par les rapporteurs est la reconnaissance des faits et des victimes. Les violences infligées par des adultes – qu’elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles- sont encore trop souvent ignorées, minimisées ou tues. En cause : l’absence de culture du signalement, la peur des représailles, et parfois l’inertie de l’administration.
« L’État ne peut plus se défausser. Il doit reconnaître sa responsabilité dans les carences qui ont permis la perpétuation de ces violences », écrit la commission.
Les députés proposent ainsi :
- La création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes (recommandation n°2) ;
- L’allongement du délai de prescription pour les faits de non-dénonciation (n°32) ;
- Une réflexion sur l’imprescriptibilité de certaines infractions commises contre des enfants (n°1) ;
- Et surtout, la publication annuelle de données chiffrées sur les violences en milieu scolaire (n°4), aujourd’hui largement absentes du débat public.
Axe 2 : Protéger les élèves, prévenir les violences
Pour éviter la répétition de ces drames, la commission plaide pour un renforcement des mécanismes de prévention et de suivi administratif. Elle propose une clarification des interdits (comme les châtiments corporels), des temps de sensibilisation obligatoires pour tous les élèves, et une traçabilité stricte des faits commis par les adultes.
« Les sanctions disciplinaires liées à des faits de violences doivent être conservées dans les dossiers, même en cas de mutation ou de changement de statut » (recommandation n°44).
Parmi les recommandations clés :
- Un suivi administratif renforcé avec l’outil RenoiRH (n°45), garantissant la continuité des informations en cas de mobilité ;
- L’échange automatique d’informations entre les services de l’Éducation nationale et ceux de la Justice (n°42) ;
- La levée du secret de la confession pour les faits de violences sur mineurs de moins de 15 ans (n°34), considérée comme un impératif de protection ;
- Et enfin, la mise en œuvre de mesures conservatoires immédiates, sans attendre l’issue d’une procédure judiciaire, si les faits sont jugés plausibles (n°43).
Axe 3 : Soutenir les personnels et créer une culture du signalement
Le rapport ne vise pas à accabler les équipes éducatives, souvent elles-mêmes démunies. Au contraire, il propose de renforcer leur capacité à agir face aux situations à risque.
Il recommande :
- Un plan pluriannuel de recrutement de personnels médico-sociaux (infirmiers, psychologues, assistants sociaux) ;
- Des formations continues spécifiques pour les enseignants et encadrants ;
- Et la création d’une cellule nationale indépendante, baptisée Signal Éduc, permettant aux personnels et aux représentants de parents de signaler des faits hors de la voie hiérarchique, souvent vécue comme un obstacle.
Cette culture du signalement vise à protéger les enfants tout en soutenant les adultes bienveillants dans leurs responsabilités.
Axe 4 : Lever le tabou sur le contrôle des établissements privés
La commission fait un focus sur le cas des violences dans les établissements privés sous contrat. Bien que financés par l’État, ces établissements échappent souvent à un contrôle rigoureux de l’administration. « L’inspection générale doit pouvoir s’autosaisir et étendre ses investigations, y compris en s’appuyant sur d’autres corps de contrôle » (recommandation n°50).
Axe 5 : Refonder les inspections pour garantir la protection des élèves
Le rapport recommande :
- D’accorder à l’Inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche (IGÉSR) un pouvoir d’autosaisine ;
- Et de créer un comité de suivi permanent, chargé d’évaluer l’application des recommandations et de conseiller l’administration sur les mesures conservatoires à prendre.
Une exigence de transformation systémique
Ce rapport se veut bien plus qu’un simple état des lieux. Il exprime une volonté de transformation profonde : faire de l’école un lieu réellement protecteur, pour tous les enfants, dans tous les établissements. « Il est temps de faire de l’école un lieu véritablement protecteur, pour tous les enfants. » Il reste maintenant à savoir si le gouvernement et les administrations traduisent ces recommandations en actes.
Djéhanne Gani
Bétharram et commission d’enquête : le dossier du Café pédagogique
