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Par Françoise Solliec

Passant d’un lycée à un autre, le chef d’établissement abandonne son implication dans une vie qu’il a souvent largement contribué à construire, pour entrer dans une autre. Mais, si les contextes changent, les besoins des élèves sont identiques et l’objectif d’un meilleur accompagnement reste une constante dans les préoccupations d’un(e) proviseur.

Dans le lycée d’Arsonval de Saint-Maur, un meilleur accompagnement des élèves est inscrit dans le projet d’établissement, nous explique son ex-proviseur, Donatelle Pointereau. Ainsi, un tutorat a été mis en place pour des élèves volontaires de terminale « pour leur soutenir le moral ». Certains élèves de terminale sont eux-mêmes tuteurs d’élèves de 2nde, accompagnés par des enseignants volontaires, qui ont bénéficié d’une formation. Il ne s’agit pas de soutien disciplinaire, précise notre interlocutrice, mais d’une aide méthodologique, de médiation avec les autres enseignants, d’un travail sur les perspectives d’avenir, la motivation, etc. Le fonctionnement n’a pas toujours été également satisfaisant, car les relations établies à la demande de l’élève, n’étaient pas très codifiées. Mais l’expérience a changé les enseignants qui y ont participé.

L’an dernier, une option polyvalente de découverte des sciences a été ouverte en 2nde, impliquant des enseignants de maths, sciences de l’ingénieur, sciences physiques, SVT. Il s’agissait de faire aimer les sciences aux élèves en les entraînant dans la production d’un objet concret. Les enseignants étaient tous très motivés pour travailler ensemble, certains des inspecteurs ont mis un peu plus de temps avant d’être convaincus de l’intérêt de ce module. La démarche adoptée s’est appuyée sur notre expérience des TPE et les résultats ont été suffisamment positifs pour demander à ce que le lycée renouvelle cette action, dans le cadre de la préfiguration de la réforme. Deux enseignements d’exploration ont ainsi été définis, méthodes et pratiques scientifiques et sciences et laboratoire. Le lycée, qui dispose d’une option théâtre, va aussi mettre en place un enseignement d’exploration correspondant. Enfin, les nombreuses actions culturelles, notamment lycéens au cinéma qui a permis à une classe de l’établissement de participer au festival de Cannes, devraient favoriser une ouverture supplémentaire.

La situation est relativement différente au lycée Ravel, Paris, dont Donatelle Pointereau a pris la direction à la rentrée. « Il s’agit d’un très gros établissement, qui a mené une action pédagogique de pointe pendant des années, mais aujourd’hui les enseignants impliqués sont partis et il va falloir mettre la réforme en place à partir d’un existant qui y est peu préparé. Il me semble qu’il faut surtout ne pas louper l’accompagnement personnalisé et ne pas retomber dans les travers liés à la mise en place des modules et de l’aide individualisée. Une solution pourrait être de travailler sur 2 classes pour avoir plus de souplesse et ne pas être obligé de se cantonner dans le disciplinaire ». Selon Donatelle Pointereau, les enseignants sont très inquiets et ne savent pas vraiment comment aborder le problème de l’accompagnement personnalisé.

En réponse à cette inquiétude, l’académie de Paris, comme d’autres, a décidé de mobiliser les IPR pour organiser des formations sur ce thème. Pour alimenter la réflexion générale, un document revenant sur les concepts fondant l’accompagnement personnalisé a été mis en ligne sur le site de l’académie, car, comme l’écrit François Muller de la mission innovation, « Il est toujours utile de revenir sur les concepts et principes qui fondent cette approche: sans être nouvelle en elle-même, elle requestionne les compétences des enseignants et mobilise l’attention des équipes ».

Au niveau du lycée, Donatelle Pointereau entend inscrire cette politique d’accompagnement dans le projet d’établissement. « Il sera mis en place sur les 3 niveaux, même si je considère qu’il est plus particulièrement indispensable en 2nde et en 1ère. Les élèves manquent de maturité et les conseils donnés par l’école se perdent pour eux dans le bruit ambiant. Il faut insister sur le apprendre à travailler, car il y a de gros enjeux à réussir une approche réelle des difficultés des élèves et avoir un regard sensible à leurs projets. L’idée qu’on ne va pas se situer que dans le présent, mais travailler dans une perspective d’orientation à long terme est intéressante, bien que souvent les élèves ne veuillent pas discuter avenir avec nous. La liaison orientation accompagnement personnalisé est peut-être susceptible de les mobiliser davantage».

Selon Donatelle Pointereau, « le tutorat est intéressant, mais à prendre avec beaucoup de précautions. Il faut savoir où il commence et où il s’arrête. Il ne s’agit pas de résoudre tous les problèmes avec le tutorat». Elle entend bien utiliser tous les moyens pour diversifier les actions proposées (stages de langue, par exemple), car « même si elles n’ont rien de particulièrement novateur, la diversité et l’ouverture changent le regard des élèves vis-à-vis de l’école et c’est cela qui compte ».

Pour Nora Machuré, qui a pris à la rentrée la tête du lycée général et tertiaire Albert Einstein de Sainte-Genviève-des-Bois, la première priorité porte aussi sur l’accompagnement personnalisé des élèves de 2nde. Une centaine d’entre eux, environ le tiers, se trouvent en grande difficulté et bénéficient dès cette année d’un encadrement de 2h par semaine, assuré par des enseignants du lycée et des professeurs des écoles, tous volontaires. Il s’agit d’établir un diagnostic des difficultés, puis de proposer une aide méthodologique et un soutien dans les contenus.

Le lycée accueille aussi de très bons élèves potentiels, une centaine également, qui manquent souvent d’ambition dans leur projet de formation. Un tutorat est également organisé pour eux, avec l’aide des Cordées de la réussite, pour leur ouvrir d’autres horizons et les attirer vers des filières plus prestigieuses.

L’an prochain, un travail mené dans le cadre du projet d’établissement devrait aboutir à des modalités de mise en évidence de lacunes dans les compétences de base (maths, français notamment) et à la mise en place de groupes de compéternces, avec 3h en tronc commun et 2h de décloisonnement total. Il s’agit ici d’amener les élèves les plus faibles au niveau du baccalauréat, de les outiller pour qu’ils soient plus autonomes et puissent s’orienter de manière plus claire et plus réfléchie.

Par ailleurs, il est important de valoriser la filière spécifique du lycée, le commerce international. Une licence professionnelle a été mise en place avec l’université d’Evry et une classe préparatoire HEC est en projet.

Dans un tel cadre, il s’agit aussi, précise Nora Machuré, de rassurer les enseignants sur leur espace de liberté et de les laisser élaborer leurs solutions en toute autonomie. « Comment, en termes de pilotage, trouver la bonne démarche et le bon rythme pour que les enseignants puissent être responsables et autonomes dans leurs projets ? »