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La journée du 16 avril a été marquée par deux ateliers scolaires, sur les pratiques du numérique dans la classe et l’évaluation et les usages, et par la table ronde finale des Assises.

Les pratiques du numérique dans la classe

Un équipement exponentiel. Pour Jean Bravin, chargé de la prospective e-enseignement au Conseil régional d’Ile-de-France et Pierre Marin, Conseil général de Seine-Saint-Denis, la demande de matériel numérique dans les établissements est « exponentielle ». L’Ile-de-France finance 150 000 ordinateurs dans es 471 lycées. Elle doit maintenant faire face aux demandes de tableaux blancs interactifs (TBI) et atteindre un seuil de 6 TBI par établissement. Elle a lancé Lilie, un espace numérique de travail (ENT),qui va relier enseignants, administration de l’éducation, parents et élèves. Avec des moyens plus modestes, le Conseil général de Seine-Saint-Denis équipe se s120 collèges. Concrètement la demande exponentielle l’amène à prévoir deux salles informatiques dans chaque collège, avec davantage de postes. Le département s’est aussi lancé dans une politique d’équipement des familles en proposant des portables pour ses collégiens à un prix variable selon les revenus des parents. La fracture numérique est en voie de disparition : 90% des ménages avec enfants en Zone Urbaine Sensible sont équipées d’un ordinateur. Pour les collectivités locales et les autres participants deux problèmes se posent.

Une maintenance insuffisante. D’abord la maintenance. L’Etat n’affecte pas à la maintenance les moyens nécessaires mais ne veut pas officiellement la déléguer aux collectivités locales. Dans le 93 on est passé de 19 emplois de gestionnaires de réseaux éducatifs à 2 depuis 2000 ! Tant que le partage des tâches entre Etat et collectivité locale ne sera pas résolu il n’y aura pas de solution durable à cette question. Concrètement c’est un problème de financement.

Le second problème c’est la formation des enseignants. Les collectivités locales se plaignent de sa pénurie. Cyril Michau, prof de maths dans un collège du 93; souligne « un manque cruel ». Il faudrait une formation au plus près, dans l’établissement. Pour Guy Touzé, du Sgen Cfdt, les enseignants « se sont autoformés ». Les évolutions actuelles de la formation des enseignants ne sont pas rassurantes. Mme Dupuis, représentant la FCPE, se plaint du manque de formation des élèves aux usages sociaux d’internet.

L’espoir porté par les ENT. Les ENT apparaissent comme un moyen d’améliorer les pratiques enseignantes en favorisant leur collaboration. Si les TBI permettent aussi bien le maintien de pratiques pédagogiques traditionnelles que l’innovation, l’ENT met de la communication dans le système éducatif. L’inquiétude est plutôt du coté des parents qui craignent que l’ENT renforce la communication unilatérale dans l’éducation nationale. Pour Emmanuel Vandroux, chef d’établissement (ND de Grandchamps, Versailles), l’ENT peut renforcer la communauté éducative et améliorer les liens entre parents et établissement. Mais il faut un effort de formation de tous, y compris des enseignants. Le CG 93 a entamé par exemple une formation des parents via les EPN.

La perche est donc tendue du côté de l’Etat : arrivera-t-il à mettre en place une formation des enseignants satisfaisante ? Soutiendra-t-il la maintenance comme elle devrait l’être ? Son engagement est nécessaire pour une généralisation des pratiques numériques et pour leur évolution vers un enseignement plus personnalisé. C’est l’attente des acteurs et des 80 personnes participant à cet atelier.

L’évaluation et les usages

Qui peut mieux parler des usages que Pierre-Louis Ghavam, chef du service des TIC au Conseil général des Landes et, à ce titre, animateur d’une expérience unique : le prêt à tous les collégiens d’un ordinateur portable. L’opération, lancée en 2001, a été poursuivie avec ténacité. Elle a été évaluée et permet donc d’avoir une vision unique sur les effets d’une arrivée massive de matériel. Dans les Landes, plus de la moitié (57%) des enseignants utilisent l’ordinateur en classe et près de 40% le font utiliser par leurs élèves. Les postures pédagogiques sont donc restées souvent traditionnelles, misant plus sur le frontal que sur l’autonomie des élèves. Les disciplines sont diversement impliquées. Plus une discipline a un rang élevé dans la hiérarchie disciplinaire, moins les enseignants utilisent l’informatique. Ainsi c’est en maths et français qu’il y a le moins d’enseignants utilisateurs et en musique qu’il y en a le plus.

La question de la formation des enseignants est réapparue dans cet atelier. PL Ghavam souligne son manque. Du coup les enseignants tâtonnent dans leurs pratiques. François Villemonteix, inspecteur et ctice adjoint à Créteil, souligne le rôle de l’inspection.

La question hiérarchique est en effet posée. On l’a vu à travers la hiérarchie des disciplines. Malik Khaneboubi (Paris Descartes), un chercheur qui a travaillé sur les Landes et l’Oise, souligne l’accueil différent fait par les IPR et l’encadrement en général. Il n’est pas toujours favorable aux TICE. Ils défendent parfois la tradition disciplinaire. Du coup les usages sont souvent en continuité avec les pratiques scolaires précédentes. On fait peu de recherche sur internet en maths. On utilise peu le traitement de texte en français.

C’est aussi l’efficacité des Tice qui est interrogée. F Jarraud (Café pédagogique) peut souligner les apports des travaux de Jean Heutte pour montrer le lien entre l’habituation aux tice et les résultats scolaires. D’ailleurs les usages sont plus répandus au primaire qu’au secondaire. Eric Bruillard, ENS Cachan, souligne la difficulté à évaluer les résultats des usages tice. Des études devraient être menées.

Un point important est soulevé par F Villemonteix : le caractère peu réversible des usages. Quand un enseignant a intégré les tice à sa pratique, il ne revient plus en arrière.