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Pour mieux comprendre ce qu’est pour une région le programme pluriannuel d’investissement et de rénovation, le PPI-PPR, qui détermine les constructions nouvelles et les rénovations des lycées, nous avons demandé à Ariane Azema, directrice générale adjointe, directrice de l’unité lycées, de répondre à quelques questions.

Sur quels critères se définissent concrètement les constructions de nouveaux lycées (démographie, transports, demande des familles, etc) ? Qu’est ce qui pèse le plus lourd ? Comment se mènent les discussions avec les collectivités concernées ?

Les évolutions démographiques et les besoins pédagogiques d’un bassin de formation constituent le premier critère d’appréciation régionale. Ils font l’objet d’un suivi et d’études, en lien étroit avec les autorités académiques. Entrent par ailleurs en ligne de compte les enjeux d’aménagement du territoire et d’accessibilité en transports en commun. Dans la mesure où la création de places nouvelles s’inscrit dans la durée, nous tenons compte également des programmes de construction de logement, une question centrale pour l’évolution de la métropole francilienne que les services de l’aménagement régionaux et l’IAURIF suivent à une échelle très fine.

Une fois le besoin précisé, nous entrons en discussion avec les communes et les intercommunalités pour identifier le terrain foncier le plus propice à la construction d’un nouveau lycée.

Mais, après une décennie de constructions nouvelles, il faut bien comprendre que désormais nous devons en priorité intervenir sur le patrimoine existant pour l’adapter ou l’étendre en termes de capacités d’accueil. C’est pourquoi, depuis 2006, le Plan prévisionnel d’investissement adopté par la Région, dont dépend légalement toute mise en chantier d’un projet, articule lycées neufs et rénovations globales. Aux critères précédemment énoncés, s’ajoute pour les rénovations des enjeux d’urgence patrimoniale, une caractéristique francilienne très forte.

Pouvez-vous décrire le processus de réalisation d’une construction ? (décision de l’assemblée, budget, concours d’architecture …)

Il s’agit d’un processus long, visant d’une part à garantir l’adéquation entre offre de formation et patrimoine et dépendant, d’autre part, du cadre posé par la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique (MOP). Au démarrage, il y a nécessairement différentes études préalables : la programmation pédagogique et fonctionnelle permettant de traduire le programme pédagogique de l’établissement (PPL) en autant d’aménagements de locaux à prévoir et de surfaces nouvelles ou complémentaires à construire ainsi que l’étude de faisabilité technique et financière. C’est sur la base de ces études que l’assemblée régionale décide, ou non, par un vote en commission permanente, de mettre en œuvre ce qui était jusque là seulement inscrit dans le Plan prévisionnel. Ensuite l’opération peut-être véritablement engagée en suivant cinq étapes : la sélection du mandataire, la sélection du maître d’œuvre, les études de maîtrise d’œuvre, la sélection des entreprises, le chantier-livraison. Du vote de l’opération à sa livraison, 5 ans seront nécessaires pour un lycée neuf et généralement au moins 7 pour une rénovation d’ensemble.

Quelles ont été selon vous les priorités du PPI précédent ?

Pour ce qui concerne les nouvelles constructions, quatre grandes priorités avaient été définies :

– Anticiper l’arrivée en lycées, vers 2015, de générations nombreuses nées autour de 2000. Depuis le baby-boom de l’année 2000, le niveau des naissances s’est stabilisé à un niveau élevé en Ile de France. Ce constat a amené la Région à prévoir plusieurs établissements nouveaux ou des extensions de capacités des lycées existants.

– Accompagner la densification de la proche couronne : La tendance de l’urbanisme régional était à la densification du centre. La Région devait donc assumer la part d’équipement public qui lui incombe à savoir la réalisation de plusieurs lycées (ex : Robert Schuman à Charenton, lycée neuf de Chevilly…).

– Améliorer l’offre d’enseignement et les conditions de scolarisation : Le besoin quantitatif n’a pas été le seul élément de décision, plusieurs investissements visaient à améliorer l’accès aux formations (un rééquilibrage est-ouest, des investissements en grande couronne pour réduire les temps déplacements, des places pour améliorer les conditions de scolarisation, le renforcement de pôles professionnels – ex : le lycée à vocation internationale de l’est parisien, nouveau lycée de Dammartin en Goêle…).

– Développer la construction d’internats : Le PPI a affiché sa vocation de construire des internats pour ‘’les jeunes voulant suivre des formations professionnelles éloignées de leur domicile ou ayant passagèrement des difficultés sociales ou familiales’’. L’objectif était de soutenir l’enseignement professionnel, comme à Savigny-le-Temple pour les jeunes en formations hôtellerie-restauration ou à Cerny pour y établir le pôle régional de la maintenance aéronautique. Un effort particulier visait la Seine-Saint-Denis très peu pourvue alors en internat. Ainsi, l’Assemblée Régionale a décidé alors de ne pas accroître prioritairement le nombre de places en classes préparatoires aux grandes écoles.

Quelles sont les raisons qui font que certaines opérations traînent en longueur comme par exemple le lycée du Gué à Tresmes à Congis ?

Il faut avoir à l’esprit qu’un lycée est un ensemble patrimonial complexe à construire avec non seulement ses lieux d’enseignement, parfois des ateliers techniques très sophistiqués, mais aussi des lieux de vie, de restauration, d’hébergement (logements de fonction des personnels et parfois internat) et d’administration ; qu’il doit être parfaitement sûr, énergétiquement économe, permettre des flux pour en moyenne 1200 à 1500 personnes et offrir un cadre à la fois agréable et propice à la formation tout en étant parfaitement intégré dans le territoire et le paysage qui l’entourent.

Ceci étant rappelé, il y a schématiquement trois grandes raisons qui peuvent venir compliquer et donc retarder une opération apparemment non problématique. Tout d’abord, ce qui concerne le foncier et la nature du terrain (sols pollués, découverte de carrières, etc.). Ensuite, les aléas de chantier et d’intervention des entreprises (depuis des problèmes avec les riverains jusqu’à la découverte d’amiante dans les lycées en rénovation). Enfin, compte tenu du temps long de construction, il nous faut intégrer, et ce de plus en plus souvent, des changements réglementaires, qu’ils concernent le bâtiment (réglementation thermique, sécurité, etc.) ou les normes pédagogiques. On soulignera qu’en ce qui concerne les rénovations, celles-ci se font en site occupé et qu’il est constamment nécessaire d’adapter les conditions et le calendrier des chantiers à la vie scolaire.

Toutefois, précisons que plus des deux tiers de nos chantiers se déroulent dans le temps prévu.

La révision 2012 s’engage sur des modalités de concertation innovantes. Qu’en attendez-vous par rapport aux modalités des années passées ?

La révision du PPI-PPR 2012 va effectivement prendre une nouvelle forme cette année. En amont de la consultation légale auprès des collectivités concernées, la Région a décidé d’organiser une très large concertation au travers de réunions organisées dans les 12 secteurs territorialisés. Cette concertation a été lancée le 27 juin par le Président Jean-Paul Huchon et de la Vice Présidente Henriette Zoughebi, en présence des trois Recteurs d’Ile de France, avec l’ensemble de nos partenaires (Collectivités territoriales, chambres de commerce, syndicats et fédérations représentants les communautés scolaires). Cette concertation sera le préalable d’un rapport d’étape présenté à la séance du conseil régional de novembre 2011 en vue d’une adoption définitive à l’automne 2012.

Il s’agit d’associer l’ensemble des acteurs à une démarche d’intérêt régional qui doit aller au-delà du devenir de l’établissement de chaque communauté scolaire prise séparément. Améliorer la diversité et la qualité de l’offre de formation dans son ensemble, garantir son accessibilité à tous les lycéennes et lycéens, trouver les modalités d’une meilleure qualité de vie et d’études tout en changeant assez radicalement les impacts énergétiques et environnementaux des lycées, tels sont les enjeux que nous voulons poser pour mieux débattre des modalités et des configurations territoriales qui doivent les accompagner.

Avec, en définitive, un objectif : contribuer à la réussite des lycéennes et des lycéens dont différentes études nationales montrent qu’elle demeure très contrastée et même fortement inégalitaire en Ile de France.

Entretien : Françoise Solliec