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Vaste question que celle que posait cet atelier, chaque intervenant l’a abordée sous un angle particulier mais pertinent, et elle a permis de bien faire émerger à la fois la diversité de l’école, et l’absence de recette toute faite et de solution simple …

Pour faire démarrer la discussion, Patrick Picard, responsable du Centre Alain Savary à l’Ifé (Institut français de l’éducation) a envoyé quelques questions préalables aux quatre-vingts inscrits à cet atelier, et présente un florilège des réponses.
Que ce soit sur les constats ou les propositions de solutions, la palette de réponses est plus que large, qui montre bien le « grand écart » entre des conceptions très différentes. Dans la discussion qui s’installe, le débat accueille lui aussi toute la diversité des acteurs de l’école. Éducateur, enseignante, directrice d’école, inspectrice, CPE ou parent, psychologue ou militant de mouvement pédagogique, chacun a des points de vue fort différents sur la question, pas si loin de la diversité qui irrigua les séances de la « concertation » ministérielle.

« Doit-on uniquement chercher uniquement là où on voit clair, « au pied du réverbère » dans l’enseignement initial ?, se demande le premier intervenant qui invité à penser l’Éducation tout au long de la vie. Pourquoi les expériences des innovateurs ne se répandent-elles pas plus dans l’institution ? Est-ce à cause des concours et des diplômes qui mettent la pression sur l’enseignement ? ». Un éducateur témoigne de ses trente ans d’expérience d’accompagnement d’élèves avec des troubles du comportement dans des collèges. Une directrice d’école entend centrer le débat sur les pratiques sociales des enseignants : « Avant, si on ne réussissait pas à l’école, on était quand même intégré dans la société. Aujourd’hui, non… Les pratiques pédagogiques des enseignants ne sont pas neutres. Je regrette qu’on ne les amène pas à réfléchir sur leurs pratiques pour mieux comprendre ce qui fonctionne, du point de vue de l’égalité… Quand les enseignants réfléchissent, ils pensent surtout à leur classe, peu au fonctionnement de l’École. Tant que les enseignants n’auront pas cette réflexion, on n’avancera pas ». Une de ses collègues, retraitée, réclame des « agents de liaison entre des personnes » pour construire des « plurielles et combinées », du haut en bas. ».
Une principale de collège réclame de la continuité dans les politiques : « Le socle, les compétences, c’est un levier pour agir, on y travaille depuis sept ans. Il faut se poser les questions du pilotage partagé, de la formation, des moyens aussi… ». Une personne travaillant dans une MDPH (maison départementale des personnes handicapées) réclame qu’on ne se contente pas d’accueillir ces élèves, mais qu’on parvienne à les scolariser. « Scolariser les élèves handicapés amène peu à peu à faire évoluer leurs pratiques, à travailler en partenariat avec d’autres professionnels, à rendre les savoirs accessibles à tous les élèves. ». Un militant du GFEN (groupe français d’éducation nouvelle) revient sur le titre de l’atelier, ambigu à ses yeux « accueillir pour pacifier n’est pas un objectif. Le « ensemble » de l’école est-il apprendre à vivre ensemble ou modifier son rapport au social ? L’école établit un « rapport instruit au monde », permet de comprendre le monde, par le savoir, pour agir sur lui. Elle permet aussi de se comprendre soi, parce que l’identité de chaque sujet prend appui sur l’altérité, la confrontation à l’autre dans le collectif. Et l’école est aussi vecteur de transmission culturelle, si elle parvient à donner saveur au savoir, désir d’apprendre… »
Une personne de l’AGSAS (Association des groupes de soutien au soutien) raconte son expérience de rencontre les enseignants ou les élèves exclus, orientés par défaut… « Quand ils n’ont pas compris ce qu’ils font là, ils s’excluent eux-mêmes. Quand on peut leur montrer quelle est leur place, qu’ils peuvent apporter aux autres, qu’ils peuvent se sentir « apportant », ils arrivent alors se sentir « important »…
Une responsable de l’ICEM (Institut coopératif de l’école moderne-pédagogie Freinet) note, entre autres, la différence qu’elle fait entre parcours individualisé (qui serait décroché de celui des autres) et parcours personnalisé (dans lequel on articulerait le « projet spécifique de l’élève » et le parcours collectif). Elle vante les mérites de la classe coopérative et de la notion d’école bienveillante. Une jeune enseignante demande des aides concrètes. « On a beaucoup de connaissances sur tous ces sujets. J’attends que la hiérarchie me dise concrètement comment faire… ». Une inspectrice lui répond que la meilleure aide, c’est de « faire confiance aux enseignants pour qu’ils trouvent les moyens pour accueillir tous les élèves » Une psychologue syndiquée décrit sa vision de l’école « accueillante » : de l’hétérogénéité, pas de filières, des personnels soutenus, du travail en équipe, une école plus juste et bienveillante. « Tous ces points qui ont été malmenés ces dernières années… ». Une autre intervention réclame un meilleur accueil des parents, des transitions plus fluides… Un responsable de l’OZP (Observatoire des zones prioritaires) se demande « comment espérer que l’éducation prioritaire produise tout ce qu’on en attend sans AIDE aux enseignants ? ».

Que retenir ?
Les participants ont-ils réellement débattu entre eux ? Pas sûr… Difficile d’écouter l’autre, d’entrer dans son point de vue, d’avancer avec lui quand tant de focales différentes tentent de discuter ensemble… Patrick Picard tente une conclusion : « A ceux qui réclament des solutions rapides, la recherche ne permet pas de construire des recettes toutes faites pour la classe. Elle focalise sur des petits bouts de choses, sans forcément s’emparer des situations globales avec lesquelles doivent composer les enseignants. Pour qu’ils deviennent encore davantage des experts des apprentissages, la piste la plus féconde -mais pas la plus simple- est sans doute que des collectifs d’enseignants s’emparent ensemble de leurs problèmes de métier, avec l’appui des savoirs de recherche. Mais il faut pour cela que de meilleures articulations soient construites entre l’enseignement, la formation, le pilotage et la recherche. »

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