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Contrôle continu, attention danger ! Jean-Louis Auduc rappelle les résistances à al démocratisation du bac. Diminuer le caractère national du diplôme pourrait bien se retourner contre les jeunes des lycées populaires.

Près de 70% des parents des élèves passant actuellement un baccalauréat ne sont jamais arrivés au niveau du baccalauréat. ! Il est fondamental d’avoir ce chiffre présent à l’esprit pour analyser ce qui se dit ici ou là concernant le baccalauréat… Il y a 27 ans ( ce qui correspond à l’âge moyen du premier enfant en France ), comme le montre ce tableau, extrait de l’Etat de l’Ecole 2012, , les bacheliers représentaient moins de 20% d’une génération.

On confond bien souvent le niveau des jeunes sortant du système et celui de l’ensemble de la population adulte. Or, dans les années 1960, moins d’un jeune sur dix était bachelier. On dénombre 18 % de diplômés de l’enseignement supérieur chez les 55-64 ans, quand la moyenne des pays de l’OCDE atteint, sur cette tranche d’âge, les 22 % (chiffres 2009). Les Français qui sortaient du système scolaire il y a une trentaine d’années étaient largement moins formés que les habitants d’autres pays comparables. Chez les 25-34 ans, en revanche, 43 % ont décroché un diplôme du supérieur, contre 37 % dans l’OCDE.

Quand on regarde l’histoire du baccalauréat, on s’aperçoit qu’à chaque moment d’ouverture de ce diplôme, les critiques des « héritiers », des « nantis » ont toujours eu à peu près le même contenu.

• En 1902, une réforme du lycée vise à l’ouvrir quelque peu. Quelles réactions peut-on lire lorsque les premières générations issues de cette réforme passent le baccalauréat ? De nombreux articles de presse évoquent« la baisse de niveau catastrophique des lycéens » à cause de la « masse » (sic) de jeunes étant scolarisée !!!…… Le pourcentage des bacheliers par rapport à la classe d’âge s’élève au chiffre « énorme » de 1% !! « Conçu pour une élite, l’enseignement secondaire est donc inadapté à cette masse qui nous vient précisément de milieux sociaux, de familles dans lesquelles on n’a jamais possédé ou jamais ouvert un livre, en dehors de quelques ouvrages d’actualité. » ( L’enseignement du français. Imprimerie Nationale. 1909)

• En 1947, arrivent au baccalauréat les jeunes issus des formations dites modernes ( sans latin) . Le pourcentage de bacheliers va atteindre les 3%….Un certain Gilbert Gadoffre écrit dans le journal « Le Monde » le 16 mai 1947: « Tout serait simple si le bachot remplissait encore sa fonction. Mais, submergé sous le nombre des candidats qui s’est accru prodigieusement, le baccalauréat a vu son niveau baisser d’une façon constante, au point qu’il ne suffit pas actuellement à qualifier pour l’enseignement supérieur. »,

Alors que des générations d’élèves dont les parents n’avaient jamais atteint ce niveau arrivent par des voies diversifiées (générale, technologique, professionnelle) à ce diplôme, vouloir supprimer le caractère national du baccalauréat pour donner plus d’importance à un contrôle continu piloté par établissement risquerait, avec les ségrégations territoriales des établissements de préserver des privilèges acquis . Un 12 à Henri IV ou Louis Le Grand aurait-il la même valeur qu’un 12 à Clichy sous Bois ou Aulnay ?

Beaucoup d’enseignants de ces communes ont, comme moi, connu des refus de dossiers d’élèves avec des 18 de moyenne que les commissions « d’experts des établissements de centre-ville » avaient rejetées , jugeant ces élèves « sur notés » parce que venant d’établissements « non renommés » et dont les élèves n’ont du leur salut qu’à la mention « très bien » obtenue au baccalauréat qui, elles, ne pouvaient être mise en cause…….

Est-ce cette situation que certains veulent conforter et développer ?

Toute réflexion, et elle est nécessaire, sur le baccalauréat doit avoir à l’esprit que cet examen doit, au maximum, gommer les établissements d’origine pour éviter tout au long de sa carrière des « assignations à résidence ».

Jean-Louis Auduc