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Comment les médias parlent-ils de l’école ? Comment aussi n’en parlent-ils pas, c’est à dire quelles différences entre l’image qu’ils en donnent et la réalité ? Quelles conséquences les médias ont-ils au final sur les politiques éducatives et sur l’école ? Ces questions se retrouvent dans le numéro 66 de la Revue internationale d’éducation de Sèvres. Dirigé par Xavier Pons, il fait le détour par l’Angleterre, le Sénégal, l’Allemagne, le Canada, l’Australie, les Etats-Unis et la Belgique pour décrypter les contes fantastiques des médias sur l’école. Alors que les médias sont souvent accusateurs envers l’école, cette fois ci c’est l’école qui médiatise les errances et les tares des médias.

Ce numéro, dirigé par Xavier Pons, s’intéresse d’abord aux sujets traités par les médias. On pense bien sur aux « marronniers » que peuvent être la rentrée, le budget, le bac par exemple. Il y a ensuite la façon dont les médias traitent les sujets inattendus comme la violence scolaire. Yann Forestier pour la France et Michelle Stack pour le Canada montrent comment l’évolution économique des entreprises de presse pousse les médias à aller au plus rapide et au plus simple. Les débats éducatifs finissent par échapper aux journalistes spécialisés et sortent simplifiés. Xavier Pons l’avait signalé il y a quelques années à propos de la lecture de Pisa. Des événements comme Pisa deviennent des prétextes pour mettre en avant des stéréotypes ou des politiques déjà construites indépendamment des résultats de l’évaluation internationale. Chaque publication de Pisa est utilisée dans chaque pays pour justifier de nouvelles mesures politiques, sans lien évident avec les résultats de l’enquête internationale. Branka Catttonar, Eric Mangez montrent dans ce numéro comment un véritable récit est construit à partir de Pisa en Belgique à l’appui des politiques officielles.

Car c’est sur le terrain du politique que la revue nous emmène le plus souvent. Les campagnes médiatiques ont-elles un impact sur l’école ? La réponse est évidemment positive. En France, Yann Forestier montre que le débat pédagogique se construit sur une opposition républicains / pédagogues qui s’est imposée aussi, sous d’autres épithètes, en Grande Bretagne. Cette opposition a beau être stérile sur beaucoup de points, elle organise le débat. Dans les deux pays cette opposition se fait au moment où les conservateurs utilisent l’école pour se maintenir au pouvoir et où la question scolaire se politise.

Le débat médiatique sur l’école finit par avoir un impact sur l’école. Les autorités éducatives finissent par décider en fonction des médias. Pas seulement au regard des campagnes médiatiques. Mais très en amont parce que les ministres consacrent parfois davantage de temps à leur stratégie médiatique qu’à l’approfondissement des dossiers. « Les politiques filtrent leurs idées en s’interrogeant sur leur réception sur les médias », estime Michelle Stack. Au final la campagne médiatique peut changer l’Ecole. Ainsi en Allemagne le « choc Pisa » appuyé sur une intervention des médias sur le déclin scolaire du pays non seulement amène un sursaut et une modification profonde de l’école mais aussi pousse un système très décentralisé à imaginer une politique nationale. Mais globalement, pour X Pons, le traitement médiatique de l’école tend à « stabiliser » les préjugés et un consensus sur l’école. il « conforte les présupposés ». Le débat sur l’école est pour lui un frein au changement.

Un sort particulier est réservé aux palmarès. Ils se sont imposés partout. Leur publication, par exemple celle du palmarès des lycées en France, met les établissements en concurrence et du coup influe sur la politique nationale mais aussi sur leur stratégie, leurs choix pédagogiques et le fonctionnement de l’établissement. Ainsi l’effet médiatique descend jusqu’au niveau de l’établissement. Finalement le budget de chaque établissement finit par dépendre du traitement médiatique de chaque établissement.

Les relations entre les médias et l’école ont toujours été complexes. L’école a pour mission de former les élèves à leur utilisation raisonnée. En même temps elle doit se préserver d’une emprise médiatique perçue depuis longtemps comme envahissante et néfaste par de nombreux enseignants. Le regard accusateur lancé par l’école sur les médias a commencé avec la télévision. L’arrivée d’internet a accru la méfiance au moment où les médias poursuivent le professeur jusque dans la classe grâce aux smartphones.

Alors ce qui manque dans ce numéro riche et original c’est l’impact de l’école sur les médias. Car l’Ecole sait se protéger davantage que n’importe quelle institution dans le pays. Si les questions scolaires sont souvent mal traitées c’est aussi que les médias ont du mal à avoir accès à l’information. Drapée dans sa culture de fermeture, l’école nourrit une méfiance palpable envers les médias. Celle-ci ne résulte pas que du mauvais traitement médiatique des questions scolaires. Elle est aussi la façon dont l’école maintient son pouvoir comme institution dans la société.

François Jarraud

L’école dans les médias. Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°66, septembre 2014, ISBN 978-2-85420-604-3

La revue internationale d’éducation de Sèvres

Y Forestier : 50 ans de débat médiatique

X Pons sur Pisa