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La suppression du redoublement va-t-elle combler les voeux intimes des enseignants ? Le colloque sur le redoublement organisé par le Cnesco et l’IFé s’est terminé le 28 janvier par des questions sur l’utilisation des moyens libérés par une suppression du redoublement. Depuis des années des chiffres circulent sur le coût du redoublement. Pour le colloque l’Institut de Politiques Publiques (IPP) a réalisé une étude précise qui tente de modéliser les effets financiers de la suppression du redoublement. Et d’anticiper sur sa gestion.

Le travail d’Asma Benhenda et Julien Grenet est novateur car il tente une véritable simulation d’un phénomène complexe. En effet il ne suffit pas de multiplier le coût de la formation des élèves par le nombre de redoublants pour évaluer le « revenu » de sa suppression. A. Benhenda et J Grenet montrent par exemple qu’il faut retrancher du nombre des redoublants ceux qui sont en classe d’examen. Car la suppression du redoublement ne peut pas interdire de repasser un examen. D’autre part le redoublement a un effet sur les trajectoires scolaires : les redoublants ont plus tendance que les autres à être orientés vers la voie professionnelle. Or celle ci est plus coûteuse que la voie générale.

En tenant compte de tout cela, A Benhedna et J Grenet arrivent à évaluer le profit d’une suppression du redoublement à environ 2 milliards dont 1 pour le lycée, 0,6 pour le collège et 0,4 pour l’école. C’est une estimation car une partie du coût est financé par les collectivités locales et l’éducation a des frais fixes incompressibles (équipements scolaires par ex.). Les deux milliards sont donc une borne supérieure.

Un autre apport important de l’étude c’est de montrer que l’effet n’est pas immédiat. Dans l’immédiat la suppression du redoublement augmente le stock d’élèves et coûte environ 20 millions durant sa première année. Les premières économies d’une suppression en 2015 ne se verraient qu’en 2017 où on pourrait réaliser 240 millions d’économies. C’est seulement en 2027 que l’on atteindrait 2 milliards d’économie.

Oui mais que faire de cet argent ? Que représente-t-il dans le budget de l’éducation nationale ? Le jury de la conférence multiplie les questions. Pourrait on augmenter les salaires des enseignants ? Julien Grenet recadre les questions. Quel usage l’État ferait-il de ces économies ? La suppression du redoublement correspond à terme à une baisse de 3% du nombre d’élèves. A partir de là l’État peut supprimer des postes ou les réaffecter. S’il supprime il bénéficie des 2 milliards. S’il maintient les moyens enseignants le ministère pourrait diminuer le nombre d’élèves par classe : en moyenne cela ferait 5,4 élève en moins par classe au primaire. Un véritable rêve des enseignants qui se réaliserait ! On pourrait aussi diminuer plus fortement encore le nombre d’élèves en zone prioritaire et le laisser stable en zone non prioritaire. Depuis les travaux de Valdenaire on sait que cela aurait un effet important pour diminuer l’échec scolaire. Autre possibilité avancée par J Grenet, la création de « summer schools » pour le quart des élèves le plus en difficulté.

Finalement la conférence se termine sur cette perspective d’une éducation nationale qui retrouverait des marges de manoeuvre pour agir pour réduire les inégalités et en même temps améliorer le travail enseignant. Alors que depuis des années les injonctions venues du sommet ont plutôt dégradé le métier enseignant, la suppression du redoublement permettrait-elle de réconcilier les enseignants avec la politique ministérielle ?

François Jarraud