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Publié le 11/10/2015- 13h- Tout était réuni pour un vaste mouvement. Un doute sérieux ou une opposition franche majoritaires chez les enseignants des collèges, selon un sondage Ifop de juin 2015. Une opposition très majoritaire chez les parents, selon un autre sondage Ifop publié le 10 octobre. La mobilisation de 14 syndicats (SNES-FSU, SNEP-FSU, SNFOLC, SNETAA-FO, SFSDPEP-FO, CGT Educ’action, SNEIP-CGT, SNALC-FGAF, SIES-FAEN, SNCL-FAEN, CNGA et A&D CFE-CGC, SNUEP-FSU, SUNDEP Solidaires) et une organisation sans faille des transports vers Paris. Même le temps s’était mis de la partie avec un beau soleil d’automne. Pourtant la manifestation du 10 octobre n’a réuni que 8 000 (selon la police) ou 15 000 (selon le Snes) manifestants, plaçant l’événement très au dessus des cortèges de septembre (1 000 à 1 500 personnes à Paris) mais en dessous des attentes.

Des enseignants résignés ?

Dans le cortège parisien, trois syndicats réunissent les cortèges les plus nombreux : le Snes, le syndicat le plus important dans le secondaire, le Snalc et FO. Des enseignants de toutes les régions (Clermont-Ferrand, Toulouse, Montpellier particulièrement nombreux avec les franciliens), de tous âges sont là. Souvent on est venu en famille. A part ou mêlés à leurs collègues, les professeurs de latin grec se sont déguisés en toge ou en centurion romain. Vêtus des trois couleurs du drapeau allemand, les professeurs d’allemand étaient particulièrement nombreux à répondre à l’appel de l’ADEAF. Sous la banderole de la société des agrégés, une petite poignée seulement de manifestants. Enfin quelques parents de la Fcpe sont là. Mais ils sont eux aussi très peu nombreux.

Il y a là de 8 000, selon la préfecture de police , à 15 000 manifestants, selon le Snes. C’est nettement plus que le cortège de septembre qui réunissait les seuls opposants franciliens. Mais ce n’est pas le raz de marée que pouvait laisser espérer une manifestation nationale d’opposition à la réforme. Deux sondages IFOP ont montré en juin 2015 que 75% des professeurs du secondaire sont hostiles à la réforme et le 10 octobre que c’est le cas de deux parents sur trois. Entre ces deux dates, le ministère a publié les décret et arrêtés organisant la réforme du collège. Celle-ci est donc sur les rails. Florence Carnus est venue seule de son collège Mitterrand de Pessac (33), un établissement qui, selon elle, a connu 80% de grévistes en septembre. « Mes collègues ne sont pas pour la réforme mais ils sont résignés », nous a dit Aline Dupraz, professeure de maths dans un collège de Savoie.

Aline Dupraz proteste contre « la baisse des horaires » et le fait de devoir « faire des projets au cadrage flou ». « La vraie solution c’est moins d’élèves en classe sans prendre sur nos horaires », nous dit-elle.

Tirer les élèves vers le bas

Véronique Vion enseigne l’anglais dans un établissement Rep de Billy-Montigny (62) au coeur du bassin minier. « On se bat car on n’a pas l’intention d’appliquer la réforme », nous dit-elle. « On refuse les EPI et la baisse des heures de cours. On refuse aussi l’autoritarisme des chefs d’établissement qui vont pouvoir nous imposer des tas de choses, comme des horaires différents en 5eme et en 6ème. Nos élèves de Rep font du latin et vont en section européenne. La ministre les supprime. Elle les tire vers le bas ».

Juste avant le démarrage de la manifestation, Inhan Rahnani corrige des copies de français. « J’ai été 6 ans contractuelle dans le 93. Je passe le concours de lettres classiques et finalement je ne sais pas si je vais les enseigner », nous dit-elle. « Mes élèves du Raincy (93) m’interrogent et je ne peux pas leur dire s’ils auront l’année prochaine des cours de langues anciennes comme cette année (le ministère veut appliquer la réforme à tous les niveaux du collège à la rentrée 2016 NDLR). « Je me bats avec mes collègues pour les promouvoir mais le ministère casse ce travail ». « On ne sait pas ce que va donner cette réforme et d’ailleurs on nous réunit en établissement pour son application. Mais on va supprimer des dispositifs très intéressants pour les élèves comme les sections européennes. Pour moi le gouvernement veut juste faire des économies ».

Troisième tour en septembre ?

« On attend une manifestation plus importante que ces dernières années », nous a dit Roland Hubert, co-secrétaire général du Snes. « Le ministère peut prendre la mesure du mécontentement et de la volonté des enseignants de continuer à travailler sur les axes de la loi mais pas sur ce projet de réforme ». A preuve selon lui, les nombreux refus de participer aux formations de la Toussaint prévues pour fournir le vivier de formateurs qui encadreront les enseignants lors des stages du premiers semestre de 2016. Quand à la rémunération de ces stages, « il n’y a aucun flou », dit-il. « Le statut ne permet pas d’imposer des formations non rémunérées hors temps de travail au nom des 1607 heures car on a un décret dérogatoire sur ce point ». Pour R Hubert, il n’est pas trop tard pour le gouvernement pour prendre une bonne décision. « A l’approche des élections, le gouvernement devrait réfléchir en campant sur une position aussi contraire aux voeux des enseignants ».

« On ne peut pas faire une réforme contre la majorité des gens », nous a déclaré François Portzer, président du Snalc. « A un moment, ce sont les professeurs qui font la réforme. Ils peuvent bloquer le système ». Déjà l’amorce d’un troisième tour ?

François Jarraud

Sondage IFOP 10/10/2015

Sondage ifop juin 2015