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Avec un budget qui triple en 2018 et un nouveau conseil d’administration, du changement s’annonce pour l’association Inversons la classe. Sa présidente actuelle, Héloïse Dufour, dresse le bilan du congrès CLIC2018 et évoque la redéfinition engagée au sein de la structure. Un nouveau nom pour l’association est envisagé et la plate-forme collaborative CLI-P est attendue pour septembre 2018. Le financement conséquent de la fondation Fontaine permet un développement rapide de l’association. « Nous avons accompagné plus de 13 000 enseignants depuis 2014. On estime que dans chaque établissement scolaire en France, on a désormais au moins quelques enseignants qui s’identifient à ces pratiques », livre Héloïse Dufour.

Quel bilan dressez-vous de cette 3ème édition du congrès ?

Ce congrès est une vraie réussite. On reste une structure associative récente, organiser un événement de cette ampleur est une gageure. Nous avons 550 personnes qui sont passées par le Clic2018. En termes de contenu, la vraie différence cette année par rapport aux clics précédents est la formalisation des classes inversées dans des courants pédagogiques plus larges. Ceci est évident pour les inverseurs mais pas pour les gens extérieurs. Encore aujourd’hui, on voit malgré le travail de l’association, une réduction de la classe inversée au numérique et à la capsule. On est davantage dans une philosophie de la redéfinition du rôle de l’enseignant en tant que guide plutôt que transmetteur du savoir. Tout cela s’inscrit dans des pédagogies actives et des pratiques collaboratives entre élèves. Au Clic2018, on a d’ailleurs invité différents partenaires pour montrer ces pratiques.

Que représente aujourd’hui l’association Inversons la Classe ?

L’association regroupe 500 adhérents et a accompagné plus de 13 000 enseignants depuis sa fondation en 2014. L’association est, depuis le départ, ancrée dans des pratiques de classes inversées diverses qui sont inscrites elles-mêmes dans une tradition plus ancienne de pédagogie active. L’association n’est pas dans la prescription. 95% des adhérents sont des enseignants du primaire au supérieur, partout en France et avec des représentants dans 12 pays. Ce collectif développe et prône des pratiques de socialisation professionnelle qui s’appuient sur la co-formation et l’horizontalité. On estime que dans chaque établissement scolaire en France, on a désormais au moins quelques enseignants qui s’identifient à ces pratiques.

Quels sont les futurs développements d’Inversons la classe ?

Il y a une vraie réflexion qui est en place actuellement. Nous sommes en transition de gouvernance qui coïncide avec un moment plus fort. Suite à l’assemblée générale de l’association, un nouveau conseil d’administration a été élu.

Ce temps de réflexion et de redéfinition porte sur notre ancrage sur les classes inversées. Cela fait longtemps que l’on se pose la question du nom « Inversons la classe ». Est-ce que ce nom n’envoie pas un message trop réducteur par rapport à ce que l’on porte ?

D’un autre côté, on va avoir une continuité de l’action. Ce n’est pas une rupture mais une transition. On aura une CLISE en 2019 (semaine de la classe inversée). La plate-forme CLI-P va sortir à la rentrée 2018. Elle permettra l’hébergement de vidéos, le partage de quiz, la production de mini-sites et aura aussi une option de mise en relation entre les enseignants selon plusieurs critères. On est en phase de recrutement d’un chef de projet ; l’architecture est prête, les tests sont faits.

Des entreprises sont présentes cette année au congrès. Pourquoi ? Quels sont les liens avec l’association ?

Tout simplement, je dirai qu’il y a des industriels depuis le premier clic. Il n’y a pas de changement de positionnement, il y en a toujours eu. Ils sont là pour plusieurs raisons.

D’abord, on ne pourrait pas organiser un événement de cette taille avec des participations aux frais aussi basses si nous n’avions pas de partenaires financiers. Sans eux, chaque participant devrait contribuer au double des frais demandés actuellement. C’est une vraie volonté de l’association d’avoir un coût d’entrée très faible. Les subventions publiques ne suffisent pas.

D’un autre côté, les besoins des enseignants peuvent être efficacement transmis aux industriels. Enfin, ils présentent aussi des ressources pour les enseignants. Lors du Clic, on a fait très attention à bien séparer les ateliers sélectionnés par le comité scientifique avec les ateliers techniques. Enfin, les ateliers des industriels sont identifiés différemment sur le programme. Nos intervenants des ateliers techniques ne sont pas des représentants des industriels.

On peut avoir des participants qui animent des ateliers des industriels parce qu’ils ont des liens avec eux. Mais tous les gens qui interviennent dans les ateliers techniques du clic n’ont pas de lien avec les industriels des solutions qu’ils proposent. Par exemple, s’il y a un atelier Genially, ce n’est pas un ambassadeur Genially qui va présenter l’atelier.

Côté financement, le budget de l’association est multiplié par 3 en 2018 avec un apport de 100 000 euros de la fondation Fontaine du groupe Mulliez (groupe Auchan, Décathlon…).

Pourquoi avoir recherché ce type de financement ? Quelles en sont les conséquences pour l’association ?

Il y a une discussion qui a été menée en amont au sein d’Inversons la classe. Qu’est-ce qu’on accepte quand on va chercher des financements et qu’est-ce qu’on n’accepte pas ? Nous avons un consensus sur la non-remise en cause de notre indépendance. Nous avons demandé à la fondation ce financement. La discussion avec eux portait sur l’importance d’aider à faire un système éducatif où les élèves sont acteurs et où on n’en laisse pas toute une partie sur le bord de la route. C’est avec ça que nous avons demandé de l’aide pour développer nos actions. La fondation ne nous demande rien en retour.

Quand on fait une clise avec 5000 participants, nous n’avons pas assez d’un seul permanent à Inversons la classe. On a besoin d’engager d’autres permanents pour soutenir l’action des bénévoles. On va donc engager prochainement deux personnes : une pour la plateforme CLI-P et une pour la semaine de la classe inversée.

Et le financement public ?

L’argent public n’abonde pas. On est soutenu par le ministère depuis 2016. C’est de l’argent que nous avons cherché. C’est un soutien qui n’est pas suffisant pour répondre aux besoins qu’a généré l’association. On est toutefois ravi de ce soutien de 35 000 euros.

Finalement, le projet de l’association tendrait-il davantage désormais vers les pédagogies actives plutôt que la classe inversée stricto-sensu ?

Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation. Nous avons toujours parlé que de pédagogies actives. On a parlé d’une manière de faire la pédagogie active mais nous n’avons jamais parlé d’autres choses. Au clic 2015, on parlait déjà de plans de travail et de Freinet 2.0. Ce ne sont pas des choses neuves de 2018, mais on a besoin désormais de le mettre en avant. Beaucoup de gens à l’extérieur continuent d’identifier la classe inversée avec les capsules.

Notre entrée n’est pas l’outil mais la posture. Ce n’est pas une redéfinition de ce que nous faisons. Nous voulons travailler sur notre façon de faire comprendre au plus grand nombre ce que nous savons, soit une redéfinition du « comment on en parle ? ». La classe inversée est une des manières de faire de la pédagogie active et est une porte d’entrée vers toutes les autres.

Propos recueillis par Julien Cabioch

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