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Comment tenir un cœur qui bat dans une main ? Quels sont les avantages d’un parcours virtuel ? Grégory Michnik, enseignant de SVT au lycée de l’Escaut à Valenciennes (59) décrypte les nouvelles applications utilisables en cours de sciences et propose des ressources. L’enseignant conseille « de commencer à utiliser la réalité virtuelle en séance par petites touches ». « Avec Google expeditions, les lycéens peuvent devenir eux-mêmes producteurs en réalité virtuelle », assure le fondateur du célèbre jeu Survive on Mars. Présent sur le web depuis 2002, Grégory Michnik, remarque que « les élèves ont hélas aujourd’hui pour la plupart une illusion de maitrise du numérique que l’enseignant doit d’abord déconstruire et contourner pour faire du numérique un véritable outil de travail ».

Quels sont les usages possibles du Merge Cube en SVT ? Quels avantages y voyez-vous ?

Le Merge Cube est un cube dont les 6 faces ont un motif différent. Avec des applications dédiées installées sur smartphone ou tablette, il devient possible d’y superposer un modèle 3D statique ou animé puis de le manipuler, le regarder sous différents angles, de focaliser sur des détails comme si on l’avait véritablement en main, un peu comme un hologramme. Il devient alors possible par exemple pour un élève de tenir un cœur qui bat dans sa main, d’en savoir plus sur son anatomie et de visualiser les mouvements intracardiaques et cela en parallèle d’une dissection d’un vrai cœur. On peut aussi importer ses propres modèles numériques en quelques clics et les mettre à disposition en ligne. L’effet de curiosité provoqué chez mes lycéens a été immédiat et durable.

Quels conseils donneriez-vous à un enseignant qui veut tester la réalité virtuelle cette année avec ses élèves ?

Il s’agirait d’abord de se familiariser avec les techniques de réalité virtuelle (RV) et augmentée (RA) pour acquérir une bonne expérience en tant qu’utilisateur. Ensuite, on peut commencer à utiliser la RV par petites touches au cours de séances pédagogiques en mettant à disposition un casque de réalité virtuelle ou un Merge Cube avec un smartphone que l’on sait performant. Google Expeditions est une bonne application orientée « enseignement » pour commencer à faire des visites virtuelles. Quand les élèves ont eux-mêmes acquis un certain niveau d’expérience, on peut passer à la phase où les élèves deviennent producteurs en RV-RA, avec des outils en réalité très simples à prendre en main.

Comment utilisez-vous les parcours virtuels en classe ?

Les parcours virtuels offrent la possibilité de visualiser une zone géographique qui sera visitée et de préparer en quelque sorte la sortie en s’y immergeant au préalable afin d’en faire un vrai moment de recherche sur le terrain. Ils peuvent être utilisés aussi pour voir des lieux autrement inaccessibles car restreints d’accès ou trop éloignés. Si ces parcours virtuels sont enrichis avec des ressources multimédia, ils peuvent être de bons outils d’exploration. Ils peuvent être utilisés aussi en retour d’une sortie scolaire sur le terrain, afin de revenir plus tard dans l’année sur le lieu qui a été visité afin d’améliorer la compréhension dans sa complexité d’un affleurement géologique grâce aux nouvelles connaissances acquises.

Les élèves peuvent facilement avec des outils numériques comme Tour Creator, Ocurus et Storysphère créer leurs propres visites virtuelles à partir de photographies sphériques prises sur le terrain avec leur smartphone ou une caméra 360 : cela permet de faire une production finale originale.

Vous avez testé aussi les visites virtuelles avec Google expéditions. Que peut faire un enseignant avec ce type de solution ?

Google Expeditions est une application pour smartphone et tablette orientée pour l’enseignement. Au lieu d’avoir des élèves isolés les uns des autres dans un espace virtuel sans communication, ils sont regroupés ici dans la même instance et peuvent être aidé dans leur exploration par le professeur ou un camarade qui aura le rôle de guide. Le guide peut ainsi focaliser l’attention des élèves explorateurs avec des repères ou des annotations en direct et savoir en temps réel ce qu’ils observent. Un article sur le site académique de Lille permet de comprendre le fonctionnement de cette application.

On peut ainsi imaginer comme activité qu’un parcours virtuel soit d’abord exploré par un élève chez lui, puis qu’il prépare une visite guidée qu’il fera avec d’autres élèves en classe

En 2017, vous receviez le prix du jury au 9ème Forum des Enseignants Innovants pour le jeu sérieux « Survive on Mars ». Quels sont les prolongements envisagés du jeu pour cette nouvelle année ?

Survive on Mars entame sa troisième rentrée. L’équipe s’est bien agrandie et de nouveaux auteurs nous proposent de nouvelles choses. Nous continuons donc à développer de nouvelles missions aussi bien en école, qu’en collège et lycée, en essayant toujours d’être le plus proche possible de la réalité scientifique et des véritables missions qui sont en cours comme Insight. Nous allons aussi diversifier les modes de jeu en insistant sur le jeu de rôle et les escape-games, ainsi que diversifier les supports (Genially, VTS Editor). Survive on Mars reste bien entendu libre et gratuit pour tous les enseignants et leurs élèves. Nous avons enfin commencé une bande dessinée qui pourra être utilisée librement par les enseignants pour servir de support de cours : il y aura une version numérique gratuite et une version papier pour un prix modique.

Que de chemin parcouru depuis août 2002, date à la laquelle vous ouvrez votre premier site de SVT… Quelle(s) évolution(s) voyez-vous de la relation prof-élèves avec le numérique ? Optimiste pour la suite ?

2002 c’était l’époque des pionniers, le début du web 2.0. Je garde encore aujourd’hui une excellente relation avec les élèves de cette époque. Le numérique nous avait rassemblé et on explorait ensemble, on débattait sur des sujets scientifiques sur un Chan et on essayait d’imaginer le futur de cette relation numérique Prof-Èlève. On apprenait vraiment les uns des autres.

Aujourd’hui, c’est très différent : la relation s’est formalisée, normalisée. On n’est plus dans une co-exploration ou alors très rarement. L’essentiel de la relation prof-élève dans le numérique passe dans la prévention, la mise en garde sur la protection de sa vie personnelle, l’affutage de l’esprit-critique, l’apprentissage de la vérification et de la recherche de la bonne information. Les élèves ont hélas aujourd’hui pour la plupart une illusion de maitrise que l’enseignant doit d’abord déconstruire et contourner pour faire du numérique un véritable outil de travail.

Entretien par Julien Cabioch

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