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 » Il ne faut pas accorder autant d’importance aux gains en langage oral pour l’apprentissage de l’écrit ». Professeur de psychologie cognitive à l’Université Lyon 2, Bernard Lété réagit à la « recommandation » sur le langage en maternelle.

Quelle est votre impression sur l’ensemble de ce texte ?

C’est bien de faire travailler le langage oral dès la maternelle. Mais ça ne suffit pas. IL y a dans le texte cette idée d’une espèce de mécanique de cause à effet qui voudrait qu’automatiquement le travail sur le langage oral ait un effet bénéfique pour l’apprentissage de l’écrit. Mais il y a une grande différence entre l’oral et l’écrit. Travailler le lexique à l’oral est bien. Mais celui-ci est plus pauvre que celui de l’écrit.

Les répétitions pour apprendre le vocabulaire sont importantes : c’est comme cela qu’on apprend. Mais ce qui facilite la mémorisation c’est le contexte dans lequel on apprend.

Vous craignez les leçons de vocabulaire ?

C’est sur qu’elles ne servent pas à grand chose. Mais on trouve aussi dans le texte des aspects sociaux : écouter les autres par exemple. Le déficit de vocabulaire est important pour les problèmes de compréhension de l’écrit.

Mais c’est une conséquence de la non pratique de la lecture beaucoup plus qu’une cause. Enrichir le vocabulaire est bien. Mais si l’enfant lit il va forcément enrichir son vocabulaire. Ce qui compte c’est la pratique de la lecture. La tâche des enseignants c’es de faire entrer les enfants dans la pratique de la lecture. Par comparaison avec le langage écrit, le langage oral est beaucoup plus pauvre. L’idée présentée par ce texte qu’on va faire travailler l’oral pour favoriser l’apprentissage de la lecture me semble simpliste.

Il faut voir l’écrit et l’oral comme deux compétences qui se rejoignent. Mais il ne faut pas accorder autant d’importance aux gains en langage oral pour l’apprentissage de l’écrit. Si on s’arrête au travail oral on aura des déceptions.

Un autre point me parait curieux. Je n’ai jamais compris à quoi sert de faire apprendre les noms des lettres. Cela ne sert pas à la lecture.

La recommandation met aussi l’accent sur l’apprentissage de la compréhension. Qu’en pesnez vous ?

Les processus de compréhension du langage oral et du langage écrit ne sont pas les mêmes. Le marquage social est très fort dans la pauvreté du langage oral. Je ne vois pas comment l’école maternelle peut y remédier. Faire raconter l’enfant pourrait être fructueux. Mais ça risque d’être difficile de faire parler tous les enfants quand ils sont 28 par classe. Dans les activités d’apprentissage du langage, l’enfant ne parle pas seul.

Propos recueillis par F Jarraud