L’Expresso du 6 décembre 2022
- Le fait du jour -
Le ministère de l’Éducation nationale retire un projet de décret créant la première indemnité du Nouveau Pacte. Ce texte créant une indemnité pour mission d’innovation pédagogique devait être présenté en comité technique ministériel le 13 décembre. Les organisations syndicales ont obtenu son retrait. Elles se félicitent de ce recul ministériel. Et expliquent leur opposition. Le…
À quoi servent les évaluations nationales ? La question a souvent été posée par le Café pédagogique qui montre leurs limites. C’est aussi le résultat du travail de Nicole Raybaud-Patin, chercheuse à l’unité Éducation formation travail savoirs de l’Université Jean Jaurès. Ses observations d’enseignantes dans deux écoles (publiées dans « Appropriations de nouvelles prescriptions –…
- La classe -
Enseignante de SVT au collège Julien Lambot de Trignac (44), Ségolène Paris-Lefel met en ligne un calendrier de l’avent destiné à ses élèves. Chaque jour, ils trouvent une expérience réalisable à la maison. Et le lendemain, la suite de l’expérience. Une façon de rendre les sciences familières. Pourquoi ce calendrier de l’avent ? J’ai eu…
- Le système -
Interrogé par Kai Terada sur sa demande de recours hiérarchique, Pap Ndiaye avait répondu : « Ce n’est pas moi qui vais engager des répressions syndicales », lors du Forum organisé par le Café pédagogique et Libération au Salon de l’éducation. Secrétaire départemental du syndicat Sud, Kai Terada a été muté d’office par la rectrice…
Une bonne nouvelle dans les résultats des élections des représentants des parents d’élèves : la participation est un peu plus élevée cette année que l’année dernière dans le 1er degré. Les résultats montrent une grande stabilité. Dans le premier degré, les listes non associatives représentent 65% des suffrages et les associations non affiliées à une fédération…
« Lorsque l’électricité revient, il ne suffit pas de tourner un bouton pour que tout refonctionne », rappelle A&I Unsa, le syndicat des gestionnaires. « En conséquence, les notices à venir sur la conduite à tenir en cas de délestage devront bien être adressées aux « équipes » de direction, pas simplement aux « personnels…
Alors que l’intersyndicale de la voie professionnelle interpelle le ministre de l’Éducation nationale pour qu’il s’impose dans ce dossier, Pap Ndiaye fait des efforts. Les syndicats ont été reçus au ministère de l’Éducation nationale pour un point bilan. Et ce 6 décembre, Pap Ndiaye se déplace, avec C Grandjean, dans un lycée professionnel sur la…
- La classe -
Voilà un document à passer à la rue de Grenelle. Ce Guide du bien-être des enseignants en situation d’urgence convient parfaitement à l’état du système éducatif français, entre covid, démissions et black out. Réalisé par le réseau Inter-agency network for education in emergencies, un réseau international qui relaie les initiatives en éducation dans les situations…
« Nuance, nuance, nuance ! En éducation, il importe de cesser la hiérarchisation des approches de recherche et de distribuer des injonctions, surtout sur la base d’écrits scientifiques fragmentaires. Plutôt que de prétendre rendre compte de LA recherche, comme s’il s’agissait d’un bloc monolithique et qu’il y avait consensus absolu, demeurons transparents, critiques et humbles…
- L'élève -
Pour célébrer ses 30 ans, la Cité des enfants envahit tous les étages de la Cité des sciences et de l’industrie pour deux jours de fête ! Au programme de ce week-end exceptionnel, des ateliers, de la poésie, du sport, des ballades, des spectacles, de la musique et un programme spécial au planétarium. Des expériences…
- Les disciplines -
« La formule « ou bien… ou bien » reprend le titre d’un ouvrage publié en 1843 par le philosophe danois Kierkegaard. Ce philosophe, trop peu enseigné au lycée et peu connu du grand public, peut légitimement être considéré comme un pionnier de l’existentialisme. Contre la pensée abstraite et les grandes théories, contre les grands…
L'édito
Amélie, merci !
Alors que les enseignants entament un mouvement social de longue durée, il faut rendre sa part de mérite à Amélie Oudéa-Castéra. Pour avoir incarné aussi visiblement les non-dits du projet éducatif d’Emmanuel Macron, elle mérite un remerciement. Et elle nous donne l’occasion de revenir sur ce projet et ce combat. Depuis 2017, Emmanuel Macron a fait de l’éducation « le combat de notre siècle ». Et, depuis 2017, les enseignants bloquent le projet. Un long septennat de luttes qui nécessite maintenant une réponse de la société.
L’Ecole et Ibiza
A quoi pense Emmanuel Macron ? D’année en année, son choix semble moins sur. Jean-Michel Blanquer avait su déguiser la politique éducative d’Emmanuel Macron sous le masque de la République et de la science. En 2018-2019, au moment de la loi Blanquer, sous la poussée des enseignants, son siège vacillait. Mais, avec l’aide de la droite sénatoriale, il avait réussi à se maintenir en usant de son image de défenseur de l’Ecole. Il fallut Ibiza pour qu’il tombe. Le ministre faisait passer ses vacances avant son travail, la jet-set avant la République.
Avec Amélie Oudéa-Castéra, Ibiza est arrivé dès le premier jour. Mieux que ses prédécesseurs elle affichait sans vergogne ses choix de caste et revendiquait ses privilèges. De déclaration maladroite en formule malheureuse, la ministre a fini par incarner la grande bourgeoisie séparatiste, plutôt VIIème que 6ème. Ce choix, malheureux pour E. Macron, met en évidence les décisions anti sociales de la politique éducative d’E. Macron.
Une seule politique depuis 2017, celle de Macron
Car, depuis 2017, c’est bien la même politique éducative qui essaie de s’installer. On peut même remonter à 2016, où le futur ministre d’Emmanuel Macron, membre de l’Institut Montaigne, la définit. Dans « L’école de demain« , JM Blanquer en fixe les bases. C’est l’autonomie d’établissements scolaires mis en concurrence, dirigés par des chefs managers. C’est la fin du collège unique remplacé par des établissements à autonomie pédagogique. C’est l’éducation réduite aux fondamentaux dans le premier degré et pliant sous leur poids dans le second. Ce sont des enseignants dont les pratiques pédagogiques sont dictées et dont le mérite est estimé annuellement grâce aux évaluations nationales. Cette privatisation de la gestion de l’éducation nationale est proclamée par les gouvernements d’E. Macron. En février 2018, E Philippe promeut l’individualisation des salaires et la libération des managers dans toute la fonction publique. Quelques mois plus tard, E. Macron fait de la transformation de l’Ecole « le combat de notre siècle ». En aout 2022, il revient sur les fondamentaux de 2016 : autonomie des établissements, contractualisation générale des établissements et des enseignants. Cela nous donne le Pacte, le CNR.
Les enseignants sont seuls à faire reculer Macron
Si E. Macron se répète depuis 2018, si ses gouvernements fixent le même cap depuis 2017, c’est que la politique éducative du président peine à s’installer. Certes la loi de transformation de la fonction publique est passée. La loi Blanquer aussi. Le Pacte est mis en place. Mais la grande libéralisation de l’Ecole promise depuis 2016 n’a toujours pas eu lieu.
Les enseignants ont fait reculer Blanquer et sa loi en 2019. Il a fallu la désorganisation issue du confinement pour que la loi Rilhac passe. La transformation radicale du lycée professionnel a été freinée par des années d’opposition réussie des enseignants des L.P. Ils ne s’en rendent pas forcément compte. Mais les macronistes le savent. Les enseignants ont réussi, et eux seuls, à bloquer Jupiter.
Au point de bascule
Aujourd’hui, alors qu’Amélie Oudéa-Castéra entame sa mission ministérielle, les syndicats enseignants sont presque unanimes à écrire que « nous sommes à un point de bascule pour l’Ecole publique« . Sud, Unsa, Fsu, Sgen Cfdt et Cgt appellent ensemble à « une réponse forte qui passe par une action dans la durée« . Ils rejettent la politique présidentielle, jugée « passéiste et conservatrice« . Ils dénoncent « une école du tri social » marquée par la disparition du collège unique et l’affectation des jeunes élèves à des filières séparées. Ce tri social est particulièrement visible au collège et au lycée professionnel.
Particularité française
Alors que, chez nos voisins, la révolution libérale de l’Education a pu se mettre en place, la France résiste. C’est grâce aux enseignants. Mais leur action est possible par l’écho qu’elle rencontre dans la société. Dans un numéro de la Revue de Sèvres consacré à la privatisation de l’Ecole, Xavier Pons relevait cette spécificité française. » Les Français sont pour le libre choix de l’Ecole… Mais une fois mis devant le choix ils se posent des questions », écrivait-il. Parce que la privatisation menace les communs, encourage la fragmentation de la société, colporte des valeurs qui s’opposent aux valeurs collectives. A ce titre, le « nouveau pacte » et la transformation du collège sont une « révolution culturelle » dans la mesure où il attaque les bases de l’école publique.
Puisque nous atteignons le point de bascule, les Français peuvent encore s’opposer à ce projet et défendre leur école. Les enseignants ont besoin d’eux.
François Jarraud