L’Expresso du 12 décembre 2022
- Le fait du jour -
Ni la question du statut des directeurs d’école, ni la réforme du lycée professionnel ont entrainé de modification notable des équilibres syndicaux, explique Laurent Frajerman, chercheur associé au Cerlis. Cependant, il note le recul du taux de participation et la baisse des syndicats « de service » au profit d’organisations davantage dans le conflit d’idées.…
À quoi sert le CNR Éducation ? E. Macron préside aujourd’hui la deuxième session plénière du Conseil National de la Refondation (CNR) en présence de la 1ère Ministre et de plusieurs ministres. À cette occasion, un premier « état des lieux » sur le CNR Education, considéré comme un des « vaisseaux amiraux » du…
- Les disciplines -
Comment enseigner le français à des élèves qui, avec une histoire douloureuse et dans une situation précaire, arrivent en France pour en découvrir la langue, la culture, les valeurs et les codes scolaires ? C’est le défi que tentent de relever Laurence Kanouté au lycée Fernand Léger à Ivry-sur-Seine et Eloïse Pierrel au lycée Eugène…
- Le système -
Coincé par la remarque d’une journaliste de France info lui disant, le 9 décembre, que Brigitte Macron est opposée à la pédagogie mixte pour l’apprentissage de la lecture, Pap Ndiaye a répondu : « Elle a du métier et j’échange régulièrement avec elle… Il y a des règles et les règles s’apprennent ». Ces propos…
Selon le ministère de l’Éducation nationale, on compterait 353 signalements d’atteintes à la laïcité dans les écoles et établissements en novembre, soit moitié moins qu’en octobre. Rappelons que cela concerne plus de 12 millions d’élèves et un million de personnels. 39% concerneraient le port de signes et tenues, 12% des provocations verbales et 12% des…
Le décret portant extension de la prime Rep est paru au JO du 9 décembre. Il étend le bénéfice de l’indemnité de sujétions aux psychologues de l’éducation nationale de la spécialité « éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle » (PsyEN-EDO), aux personnels sociaux et de santé (corps des assistants de service social,…
« Les accès internet sont pour le moment suspendus sur les sites administratifs régionaux de Caen et Rouen, dans les lycées, ainsi que dans certains des satellites de la collectivité », annonce la région Normandie. La région a été victime d’une cyberattaque le 9 décembre. La région « travaille avec une société spécialisée en cyberattaque…
Au lycée Emile James d’Etel (Morbihan) des enseignants interpellent leur député, maire de la ville, sur les menaces pesant sur le lycée et l’avenir des élèves, raconte Ouest France. Ils mettent en avant la question du doublement des stages en entreprises : « c’est moins d’enseignement en lycée, une poursuite d’études compromises ». La réforme…
« Préparer tous les enfants et les jeunes au dérèglement climatique, améliorer la connectivité des écoles et l’accès des apprenants aux contenus numériques sont des objectifs cruciaux. Nous demandons aux dirigeants mondiaux d’accélérer les progrès dans ces domaines, conformément aux accords conclus lors du Sommet sur la Transformation de l’Éducation », a déclaré Audrey Azoulay…
- La classe -
« Mais l’emploi du temps n’est pas seulement affaire de chronologie ; il définit aussi les modalités d’occupation de l’espace scolaire et la structuration des enseignements. Il s’inscrit dans un système de normes, arrêtées nationalement de façon (beaucoup trop) rigoureuse. Il incarne une forme scolaire qui, dans sa définition « classique », répond comme la…
- L'élève -
Jeudi 15 décembre 2022, l’Institut du monde arabe célèbre la journée mondiale de la langue arabe instaurée par l’UNESCO en 2012. À cette occasion, de 10h à 20h, toutes les expositions sont en accès libre : « Sur les routes de Samarcande, merveilles de soie et d’or », « Baya, icône de la peinture algérienne…
- Les disciplines -
« Le Bain de 8 heures » est celui du cours de français dans lequel chaque jour plonge l’enseignante Nina Blanchot. Dans une bande dessinée au graphisme coloré, créatif, et séduisant, elle éclaire nos fragments de vie avec un humour et une sensibilité qui permettent d’échapper à la satire facile : les cauchemars de prérentrée,…
En 2020 paraissait une grammaire officielle cherchant à établir une terminologie « fiable » et « partagée ». Dans son prolongement est publiée « une approche didactisée des contenus grammaticaux à enseigner aux élèves des cycles 2 et 3 ». Le but affiché est d’apprendre aux élèves à « catégoriser » les « cas prototypiques…
Professeure de français au collège Saint-Exupéry à Ermont, Elodie Gaden amène ses 3èmes à mettre « l’écriture au service d’une parole engagée ». Les élèves analysent d’abord un discours de Barack Obama pour saisir ses stratégies corporelles et vocales, « les enjeux de l’action de la rhétorique antique ». Puis, ils travaillent à mettre en…
L'édito
Amélie, merci !
Alors que les enseignants entament un mouvement social de longue durée, il faut rendre sa part de mérite à Amélie Oudéa-Castéra. Pour avoir incarné aussi visiblement les non-dits du projet éducatif d’Emmanuel Macron, elle mérite un remerciement. Et elle nous donne l’occasion de revenir sur ce projet et ce combat. Depuis 2017, Emmanuel Macron a fait de l’éducation « le combat de notre siècle ». Et, depuis 2017, les enseignants bloquent le projet. Un long septennat de luttes qui nécessite maintenant une réponse de la société.
L’Ecole et Ibiza
A quoi pense Emmanuel Macron ? D’année en année, son choix semble moins sur. Jean-Michel Blanquer avait su déguiser la politique éducative d’Emmanuel Macron sous le masque de la République et de la science. En 2018-2019, au moment de la loi Blanquer, sous la poussée des enseignants, son siège vacillait. Mais, avec l’aide de la droite sénatoriale, il avait réussi à se maintenir en usant de son image de défenseur de l’Ecole. Il fallut Ibiza pour qu’il tombe. Le ministre faisait passer ses vacances avant son travail, la jet-set avant la République.
Avec Amélie Oudéa-Castéra, Ibiza est arrivé dès le premier jour. Mieux que ses prédécesseurs elle affichait sans vergogne ses choix de caste et revendiquait ses privilèges. De déclaration maladroite en formule malheureuse, la ministre a fini par incarner la grande bourgeoisie séparatiste, plutôt VIIème que 6ème. Ce choix, malheureux pour E. Macron, met en évidence les décisions anti sociales de la politique éducative d’E. Macron.
Une seule politique depuis 2017, celle de Macron
Car, depuis 2017, c’est bien la même politique éducative qui essaie de s’installer. On peut même remonter à 2016, où le futur ministre d’Emmanuel Macron, membre de l’Institut Montaigne, la définit. Dans « L’école de demain« , JM Blanquer en fixe les bases. C’est l’autonomie d’établissements scolaires mis en concurrence, dirigés par des chefs managers. C’est la fin du collège unique remplacé par des établissements à autonomie pédagogique. C’est l’éducation réduite aux fondamentaux dans le premier degré et pliant sous leur poids dans le second. Ce sont des enseignants dont les pratiques pédagogiques sont dictées et dont le mérite est estimé annuellement grâce aux évaluations nationales. Cette privatisation de la gestion de l’éducation nationale est proclamée par les gouvernements d’E. Macron. En février 2018, E Philippe promeut l’individualisation des salaires et la libération des managers dans toute la fonction publique. Quelques mois plus tard, E. Macron fait de la transformation de l’Ecole « le combat de notre siècle ». En aout 2022, il revient sur les fondamentaux de 2016 : autonomie des établissements, contractualisation générale des établissements et des enseignants. Cela nous donne le Pacte, le CNR.
Les enseignants sont seuls à faire reculer Macron
Si E. Macron se répète depuis 2018, si ses gouvernements fixent le même cap depuis 2017, c’est que la politique éducative du président peine à s’installer. Certes la loi de transformation de la fonction publique est passée. La loi Blanquer aussi. Le Pacte est mis en place. Mais la grande libéralisation de l’Ecole promise depuis 2016 n’a toujours pas eu lieu.
Les enseignants ont fait reculer Blanquer et sa loi en 2019. Il a fallu la désorganisation issue du confinement pour que la loi Rilhac passe. La transformation radicale du lycée professionnel a été freinée par des années d’opposition réussie des enseignants des L.P. Ils ne s’en rendent pas forcément compte. Mais les macronistes le savent. Les enseignants ont réussi, et eux seuls, à bloquer Jupiter.
Au point de bascule
Aujourd’hui, alors qu’Amélie Oudéa-Castéra entame sa mission ministérielle, les syndicats enseignants sont presque unanimes à écrire que « nous sommes à un point de bascule pour l’Ecole publique« . Sud, Unsa, Fsu, Sgen Cfdt et Cgt appellent ensemble à « une réponse forte qui passe par une action dans la durée« . Ils rejettent la politique présidentielle, jugée « passéiste et conservatrice« . Ils dénoncent « une école du tri social » marquée par la disparition du collège unique et l’affectation des jeunes élèves à des filières séparées. Ce tri social est particulièrement visible au collège et au lycée professionnel.
Particularité française
Alors que, chez nos voisins, la révolution libérale de l’Education a pu se mettre en place, la France résiste. C’est grâce aux enseignants. Mais leur action est possible par l’écho qu’elle rencontre dans la société. Dans un numéro de la Revue de Sèvres consacré à la privatisation de l’Ecole, Xavier Pons relevait cette spécificité française. » Les Français sont pour le libre choix de l’Ecole… Mais une fois mis devant le choix ils se posent des questions », écrivait-il. Parce que la privatisation menace les communs, encourage la fragmentation de la société, colporte des valeurs qui s’opposent aux valeurs collectives. A ce titre, le « nouveau pacte » et la transformation du collège sont une « révolution culturelle » dans la mesure où il attaque les bases de l’école publique.
Puisque nous atteignons le point de bascule, les Français peuvent encore s’opposer à ce projet et défendre leur école. Les enseignants ont besoin d’eux.
François Jarraud