« Nous avons tous compris la chose suivante c’est que notre rôle à tous et d’être des passeurs de mémoire et ne jamais oublier » dit Sarah Magne. Cette professeure a convoqué l’art pour parler d’histoire. Elle enseigne l’histoire-géographie au lycée agricole d’Aurillac depuis 2020 après avoir obtenu un master MEEF lettres et histoire en 2018. Elle a organisé une lecture chantée et présente au Café pédagogique ce projet entre histoire et théâtre sur le sujet de la déportation.
Vous avez organisé une lecture chantée au lycée d’après l’oeuvre de Germaine Tillion. Pouvez-vous présenter le projet ?
En décembre, nous avons organisé une lecture chantée au lycée G. Pompidou d’Aurillac d’après l’œuvre de Germaine Tillion par la Compagnie de Nosferatu. Ce projet est né d’une étroite collaboration avec Monsieur Jean Bourgoignon, président des Amis de la fondation pour la mémoire et la déportation mais également notre médecin scolaire à la retraite. Depuis plusieurs années déjà, nous répondons mutuellement présents dès qu’un événement en lien avec la déportation a lieu sur Aurillac ou dans notre établissement. Le 4 octobre 2023, Jean est venu se joindre à nous, au lycée, pour écouter le témoignage poignant de Ginette Kolinka, une des dernières déportées d’Auschwitz. En retour l’an dernier, il a invité une de mes classes à découvrir une exposition sur le camp de concentration Dora-Mittelbau en Allemagne où son père fut déporté.
En bref, Jean m’a contacté en juin pour savoir si j’étais intéressée pour mes classes de terminales d’accueillir la compagnie de théâtre Nosferatu pour le spectacle Chanter, Rire et résister à Ravensbrück en fin d’année 2024. Évidemment, ma réponse fut un grand OUI !
Ce spectacle me tenait vraiment à cœur. En effet lorsque j’étais étudiante en Master MEEF Lettres et Histoire à l’INSPE Clermont-Auvergne, j’ai eu la chance de réaliser mes stages obligatoires au lycée professionnel Germaine Tillion à Thiers (63). Ma tutrice de l’époque, Joëlle Sauvade, avait monté un projet autour de l’œuvre de Germaine Tillion le Verfügbar aux enfers ou Opérette de Ravensbrück. Cela avait abouti à l’époque à une représentation en fin d’année – j’avais eu la chance de voir pendant mes différentes semaines de stage l’évolution du projet, les répétitions et la mise en scène de l’œuvre avec deux classes de CAP. Donc, partager cette lecture chantée en 2024 avec mes terminales était comme un retour aux sources, à mes débuts dans l’enseignement avec cette œuvre qui fait vibrer tant de choses en moi tant sur le plan personnel que professionnel.
Qu’apporte le théâtre à l’enseignement de l’histoire?
Je pense que le théâtre est essentiel à l’enseignement et notamment en Histoire. D’abord, parce que par le spectacle vivant, les élèves peuvent se représenter des évènements historiques, même si ce ne sont que des interprétations, et surtout cela nous fait ressentir un panel important d’émotions. Ensuite, je pense que le théâtre peut être un facteur de motivation pour les élèves car il permet de sortir du cadre strict des apprentissages en classe. Le fait qu’une autre personne intervienne génère de l’intérêt pour eux, c’est en ce sens que cela créait une ouverture du milieu scolaire vers l’extérieur. Enfin, au niveau des apprentissages, le théâtre peut permettre aux enseignants de vérifier dans un premier temps ce qui est acquis ou pas, compris ou pas, car nos élèves peuvent acquérir des choses sans forcément les avoir comprises en amont en classe.
Comment ont réagi les élèves ? Quelles questions avaient-ils ?
Dans un premier temps, mes élèves étaient plutôt surpris par le choix de la compagnie Nosferatu de mélanger le chant (de vieilles chansons/ balades des années 40) et les lectures de certains passages de l’œuvre de Germaine Tillion. Ils étaient un peu déstabilisés, mais une fois la surprise passée, la majorité s’est laissée transcender par le spectacle.
Ensuite, lors du temps d’échange avec la compagnie, mes élèves ont surtout fait remonter leur étonnement sur le choix de chansons souvent joyeuses ou les textes de Germaine Tillion truffés d’humour et de dérision sur un sujet aussi grave que la déportation. Les deux comédiennes ont su leur expliquer que le « RIRE » est une arme puissante et surtout que l’on peut rire de tout. C’est d’ailleurs ce que défendait Germaine Tillion. Finalement, nous avons tous compris la chose suivante c’est que notre rôle à tous et d’être des PASSEURS DE MEMOIRE ET NE JAMAIS OUBLIER !
Ensuite, les questions de mes élèves ont surtout porté sur le choix de la Compagnie Nosferatu de mettre en scène l’opérette de Germaine Tillion, sur les autres thèmes de spectacles de la compagnie, sur les costumes, la musique, le parcours des comédiens, comment se monte un spectacle etc. Ce temps d’échange fut de manière générale très plaisant et enrichissant.
Comment avez-vous travaillé avec cette pièce en classe en amont ou aval ?
Le positionnement de la lecture chantée en décembre m’a permis de clôturer ma séquence avec mes différentes classes de terminale, comme un point final, sur le thème 1 en Histoire : « Fragilités des démocraties, totalitarisme et Seconde Guerre mondiale ».
Quelques semaines avant le Jour J, j’ai demandé à ma classe de terminale générale de faire un portrait sur Germaine Tillion ainsi que son œuvre et sa déportation (avec le choix du support libre). Et pour mon autre classe, en terminale STL, avec laquelle je pratique la classe flexible et autonome, ils devaient réaliser un exposé explosif sur les différents camps de concentration ou d’extermination pendant la Seconde Guerre mondiale et y insérer un témoignage – évidemment le camp de Ravensbrück était l’un d’entre eux. La compagnie a pu découvrir ces boîtes.
Propos recueillis par Djéhanne Gani
