L’affaire Bétharram ne finit pas de libérer la parole, surtout dans les établissements catholiques. C’est de nouveau le cas dans le lycée Notre-Dame du Kreisker situé à Saint-Pol-de-Léon dans le Finistère. Dans cet article de Splann!, publié aussi par Médiapart et par France 3 Bretagne, sont décrites avec précision les violences sexuelles, brimades et violences physiques subies par de nombreux élèves passés dans l’établissement. L’enseignant et prêtre Jacques Choquer est cité de nombreuses fois. « Il aurait ainsi eu la manie d’interroger les élèves – qu’il pouvait recevoir individuellement dans sa chambre située à l’étage du bâtiment principal du Kreisker – sur leurs pratiques masturbatoires ». Pour l’heure, ces informations n’ont pas été relayées par les deux journaux locaux très influents dans le Léon.
D’après les informations recueillies par le Café pédagogique, d’autres anciens élèves confirment « ces gestes qu’ils avaient oubliés de leur mémoire ». « Choquer ne mettait jamais de bonnes notes aux filles. Il convoquait régulièrement des garçons dans sa chambre », confirme une ancienne élève du lycée. « Il se frottait tellement sur le coin du bureau avec son sexe que nous y mettions de la craie », nous raconte un autre, scolarisé dans les années 80. « En suivant l’actualité de Bétharram, je savais que ce qui c’était passé au Kreisker pendant de nombreuses années allait sortir « , confie comme soulagé cet ancien élève.
Oreilles tirées puis décollées
Le « Kreisker » seul lycée à 20 km à la ronde bénéficie d’un monopole sur la capitale du pays léonard. Tous les enseignants cités dans l’article de Splann! ont fini leur carrière soit au sein du lycée soit au collège Sainte-Ursule situé à quelques enjambées de celui-ci. Les enseignants peuvent ainsi être déplacés d’un établissement à l’autre ou même aller dans les deux.
« Nous avions peur du directeur à l’époque », note un élève présent dans ce collège au milieu des années 90. « Le collège public de Saint-Pol avait mauvaise réputation. Mes parents m’ont mis à Saint-Ursule ». Dans l’enquête de Splann, l’ancien directeur du collège André Guéguen est aussi mentionné plusieurs fois dans l’article. Nos témoins rapportent « qu’il tirait très fort les oreilles des élèves. Certains ont eu des décollements. Ces faits avaient été remontés au rectorat à l’époque ». Un ancien élève confirme aussi avoir reçu une forte gifle d’un enseignant de français, latin, grec « pour avoir éteint la lumière. Je m’en souviens encore ! ». Cet élève qui a aujourd’hui la soixantaine évoque aussi la pratique de claque avec une bague. « C’était très douloureux. On n’osait rien dire à l’époque ».
Ces violences physiques étaient ainsi approuvées tacitement par une partie des parents et de la communauté éducative. D’ailleurs, l’ancien directeur, aujourd’hui diacre à la paroisse de Saint-Pol-de-Léon, assume ses raclées. « La pression était assez forte. Donc, il y avait de la discipline, je le reconnais ». La direction actuelle de l’établissement met désormais en avant « le cadre bienveillant » de ses établissements. Le directeur actuel invite aussi les enseignant.es et personnels de l’établissement à ne pas parler à la presse. « Il est essentielle que nous gardions une parole institutionnelle unique sur ce sujet sensible », peut-on lire dans un courriel transmis à ses équipes.

« Ils ont gâché ma vie de la 6ème à la 3ème »
En attendant, sur les réseaux sociaux, les langues se délient. « Quand Bétharram s’est dévoilée je n’étais pas insensible . Si j’ai passé au travers des différents trous de raquette, j’ai été témoin de certaines scènes« , écrit Jean-René sur Facebook.
De même pour Patrick, « 3 ans d’une période de stress post-traumatique, j’ai mis des années à me reconstruire, on parle de gifles, plutôt des raclées d’une violence inouïe, jusqu’au jour où je suis rentré avec un cocard dû à une violence physique infligée par André Guéguen, ma tête raisonne encore… J’avais 12 ans ». Et Loïc « C’est la trouille au ventre que j’allais à ses cours lorsque j’étais élève en 5éme D. Nous étions tous terrorisés. 50 ans plus tard je ne l’oublie pas, cet homme est un monstre »
Franck « ils ont gâché ma vie de la 6ème à la 3ème et j’ai préféré partir en apprentissage plutôt que de poursuivre mes études…. J’en garde une énorme rancœur et une grande colère 50 ans après. Heureusement j’ai su rebondir et faire ce que j’aimais de ma vie même si j’aurais pu faire autre chose ».

