Suite à la publication du rapport de la cour des comptes sur l’éducation prioritaire, l’Observatoire des Zones Prioritaires (OZP) souligne la rupture idéologique de ce rapport « l’absence d’un pilotage ministériel récurrent depuis des années qui n’a pas permis à la politique d’éducation prioritaire refondée en 2014 de se développer et de se réajuster ». L’OZP conclut par un appel : « Il serait temps que l’ensemble des forces progressistes se revendiquant de l’égalité des droits et de la justice sociale engagent leurs forces pour assurer et développer l’éducation prioritaire ».
Dans un rapport publié mercredi 7 mai 2025 à la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes estime que la politique de l’éducation prioritaire est, aujourd’hui, « complexe et peu lisible » et qu’au vu de l’augmentation des moyens accordés ses impacts sur la réussite des élèves sont limités, En conséquence, la Cour des comptes appelle à » réformer sans délai » cette politique.
Le rapport de la Cour : une analyse tendancieuse de la réalité de l’éducation prioritaire.
En octobre 2018, la Cour des comptes présentait dans un rapport précédent l’éducation prioritaire comme la seule politique publique de lutte contre les inégalités scolaires. Cette affirmation n’est plus reprise. En introduction, le nouveau rapport présente l’éducation prioritaire comme « un dispositif conçu comme transitoire et qui s’est sédimenté au fil des années. » Cette évolution d’analyses mérite attention : la Cour des comptes parlait en 2018 d’une politique et en 2025 évoque un dispositif : ce n’est pas du tout la même chose et l’on ne saurait prêter à la Cour un lapsus ou une ignorance des termes utilisés. C’est donc bien d’une rupture idéologique qu’il s’agit.
Cette rupture se situe notamment dans l’analyse du pilotage politique de l’éducation prioritaire. En 2018, nous étions quelques années seulement après la refondation de l’éducation prioritaire. Les projets des réseaux et la carte devaient être évalués en 2019. Rien de tel ne fut réalisé. Le programme présidentiel prévoyait les classes dédoublées. Leur mise en place liquida de fait le
« plus de maîtres que de classes » et l’accueil des deux ans en maternelle.
En 2025, le rapport déplore un enlisement, une sédimentation de cette politique sans à aucun moment remettre en cause le pilotage ministériel ou son absence depuis 8 ans, Cela s’illustre très clairement dans le paragraphe intitulé : « Un effet modélisateur à géométrie variable. » Le rapport pointe notamment « un laboratoire potentiel d’innovations pédagogiques », « une dynamique qui tend à s’essouffler », « une mise en synergie inaboutie des réseaux », « en Rep+ des temps libérés mais diversement investis », l’insuffisance des moyens en personnels éducatifs, de santé, sociaux… Ces constats sont justes mais les pointer ne suffit pas. C’est bien l’absence d’un pilotage ministériel récurrent depuis des années qui n’a pas permis à la politique d’éducation prioritaire refondée en 2014 de se développer et de se réajuster.
A partir de ce refus de situer les responsabilités ministérielles dans le portage politique de l’éducation prioritaire, le rapport de la Cour des comptes reprend à son compte des opinions bien connues venant depuis des années des adversaires de toujours de l’éducation prioritaire : actualiser la carte de l’éducation prioritaire en utilisant les IPS (ce qui est nécessaire) pour beaucoup mieux prendre en compte les besoins de la ruralité, remettre en question le coût de l’éducation prioritaire au motif qu’elle ne parvient pas à résorber les écarts de résultats entre ses élèves et les autres, inscrire donc la politique éducative dans une logique de moyens et, dans cet esprit, augmenter le nombre d’élèves des classes dédoublées en passant de 12 à 15 élèves – ce qui n’est plus dédoubler – sans s’interroger sur la pertinence pédagogique des dédoublements.
Les orientations du Sénat, comme d’habitude : opposer urbain et rural, faire des économies sur le dos des pauvres et liquider en conséquence les acquis de l’éducation prioritaire dans la lutte contre les inégalités.
La commission des finances du Sénat s’est empressée de reprendre à son compte le rapport pour présenter, le 6 mai ses propres recommandations, notamment :
– refonder l’ensemble des dispositifs (Cités éducatives, Contrats locaux d’accompagnement, Territoires éducatifs ruraux, Rep+ et Rep) dans un seul continuum de moyens alloués par le recteur aux établissements ;
– passer d’une logique de réseau à une logique d’établissements ;
– revoir les effectifs des classes dédoublées en passant de 12 à 15 élèves ;
– abonder la liste des postes à profil.
Ce projet révèle en fait une volonté de démanteler l’éducation prioritaire, d’effacer une politique nationale essentielle dans la lutte contre les inégalités. Deux ans après le rapport de la mission parlementaire sur les missions et l’avenir de l’éducation prioritaire, dont nul ne connaît les suites, voilà une nouvelle offensive des partis de la majorité sénatoriale et de certains économètres.
Cette réforme doit s’appliquer sans délai, préconise la Cour des Comptes, à l’ heure où la chasse aux milliards du secteur public est ouverte, Une simple coïncidence sans doute…
Bref, Bercy et la Cour des comptes redéfinissent la politique éducative. Mme Borne est-elle out ?
Il serait temps que l’ensemble des forces progressistes se revendiquant de l’égalité des droits et de la justice sociale engagent leurs forces pour assurer et développer l’éducation prioritaire.
L’Observatoire des Zones Prioritaires (OZP)
Dans le Café pédagogique
La Cour des comptes veut-elle enterrer l’éducation prioritaire ?
