« Il faut maintenant des réponses du ministère et notamment de la ministre elle-même ». Cinq enseignants de collèges en Seine-Saint-Denis ont été mutés d’office « dans l’intérêt du service ». Une mesure rare, qui suscite une vive contestation dans les établissements, et surtout un front syndical uni qui dénonce une dérive managériale inquiétante dans l’académie de Créteil. Ce mercredi, une délégation intersyndicale a été reçue rue de Grenelle par le ministère de l’Éducation nationale. A proximité, des personnels mobilisés arboraient leurs pancartes de soutien.
Espoir et détermination sur les visages des personnels mobilisés
Mercredi 4 juin 2025, l’intersyndicale du 93 nie – SNES-FSU, CGT Éduc’action, SUD, FO et des enseignants s’étaient rassemblés devant le ministère de l’Éducation nationale pour soutenir les professeurs mutés d’office « dans l’intérêt du service ». À l’issue de l’audience, la secrétaire nationale du SNES-FSU Sophie Vénétitiay interpelle la ministère de l’Education nationale : « Mais nous ne pouvons en rester là. Il faut maintenant des réponses du ministère et notamment de la ministre elle-même, assume-t-elle de telles méthodes dans son administration ? »
Un dossier biaisé et à charge contre des professeurs mutés d’office
Au cœur de la contestation, deux établissements : le collège François Mitterrand de Noisy-le-Grand et le collège Jean Lolive à Pantin. Dans les deux cas, les mutations ont été prononcées sans procédure contradictoire ni justification claire, selon les syndicats.
Au collège François Mitterrand, le SNES 93 dénonce « des mutations punitives » à l’encontre de professeurs « irréprochables » qui ont osé s’opposer à des pratiques de management jugées brutales. « Ce sont des personnels engagés dans la vie de l’établissement, qu’on écarte pour leur militantisme », affirme Tony Tremblay, secrétaire départemental du SNES-FSU 93. Le syndicat dénonce des témoignages « biaisés et à charge », émanant de personnels dysfonctionnels, utilisés pour justifier des décisions disciplinaires déguisées. Il condamne fermement le recours à la mutation d’office, qualifiée de « procédure d’exfiltration » visant des collègues ayant contesté un management jugé brutal.
Même climat tendu au collège Jean Lolive, où un conflit interpersonnel aurait dégénéré, sans qu’aucune enquête formelle ne soit menée. La mutation d’office de trois enseignants, décidée unilatéralement par le rectorat, est vécue comme un choc par leurs collègues.
Interrogé par la délégation sur la procédure et l’absence de dialogue du rectorat, le ministère a répondu « se tourner » vers le rectorat de Créteil. Pour Sophie Vénétitiay, la secrétaire nationale du SNES-FSU, c’est « à suivre car on ne s’arrêtera pas là ! »
Des précédents porteurs d’espoir
« On ne lâchera pas, et on sait qu’à la fin, on gagnera » lance Tony Tremblay, secrétaire départemental du SNES 93. Zoé Butzbach, co-secrétaire de la CGT Educ’action 93 fait le parallèle avec le cas de Kai Terada dont la mutation d’office dans l’intérêt du service a été annulée par le tribunal Administratif : « Pour nous ça fait système, il y a vraiment des formes de répression syndicale qui s’abattent en particulier sur les personnels qui ont respecté toutes les règles du dialogue pour justement faire évoluer les choses. »
Une crise des ressources humaines
Au-delà des cas individuels, la mobilisation prend une portée plus large : celle d’une lutte pour dénoncer une logique de gestion autoritaire, pour le respect du dialogue social et contre les décisions arbitraires.
Alors que le rectorat de Créteil reste silencieux, le ministère de l’Education nationale a accueilli une délégation intersyndicale. C’est déjà un désaveu pour la GGT 93 « et des premières fissures dans des mesures scélérates ». Le gel des postes concernés à Pantin alimente d’ailleurs les spéculations : pour l’intersyndicale, cela pourrait indiquer que le rectorat craint une future défaite judiciaire. Pour les collègues des trois professeurs du collège Jean Lolive présents au rassemblement, il y a de l’espoir que les lignes bougent
Marie*, une ancienne collègue des professeurs mutés d’office du collège François Mitterrand exprime sa colère. Pour elle, « c’est un choc de plus » que le professeur dont le comportement est critiqué soit toujours en poste. Elle constate la dégradation du climat dans le collège et l’impossible dialogue : « maintenant les collègues sont épuisés et stressés. Je n’en reviens pas, tout se passait si bien avant » explique-t-elle.
Catherine, l’une des deux professeurs mutés du collège François Mitterrand, reste combative : « J’espère vraiment qu’une issue favorable sera proposée aux collègues de l’intersyndicale reçus ce jour au ministère, et que le rectorat reconsidérera sa décision incompréhensible de nous muter au vu de l’ensemble des éléments concernant la situation au collège. »
Djéhanne Gani
*Le prénom a été modifié
Management toxique et professeurs mutés : unité et résistance du 93
