Alors que les critiques sur le système d’orientation s’accumulent, la ministre Borne dévoile un « plan » censé transformer l’accompagnement des élèves. Mais derrière les mots et les annonces, peu de nouveautés et aucun moyen à la hauteur. Réforme ou recyclage ?
Quelques jours seulement après les premiers résultats de Parcoursup – et au moment où un jeune sur deux regrette son orientation –, la ministre de l’Éducation nationale a présenté un nouveau plan pour l’orientation scolaire. Une tentative de réponse aux critiques répétées de la Cour des comptes et de la Défenseure des droits, qui dénoncent un système « peu lisible, morcelé et inégalitaire ».
Mais ces annonces, faites au lycée Joséphine Baker à Hanches (Eure-et-Loir) le sont-elles vraiment ? Car si le vocabulaire de la réforme est bien là, ni les moyens, ni la vision globale ne suivent. Au point qu’on peut se demander : réforme, vraiment ? Ou simple opération de communication ?
Des annonces… pas vraiment nouvelles
Le catalogue de mesures présenté évoque davantage une mise en scène qu’une transformation profonde. Parmi les principales propositions :
- Une demi-journée de formation pour les 30 000 professeurs principaux de 3e dès l’automne prochain.
- Quatre demi-journées par an dédiées à l’orientation pour les élèves de la 5e à la terminale, avec des compétences à acquérir.
- La plateforme avenirs pour accompagner les élèves.
- La promotion de l’année de césure post-bac pour s’engager, voyager, prendre le temps de réfléchir.
- La désignation de professeurs référents qui suivraient les mêmes élèves en 1re et terminale dans les lycées volontaires.
Mais ces dispositifs, pour beaucoup, existent déjà sous d’autres formes ou sont en cours d’expérimentation depuis des années. Ce qui manque ? Des moyens concrets, du temps, notamment de formation (autre que sur temps personnel) et surtout une reconnaissance réelle du rôle crucial des enseignants. La charge de travail d’un professeur principal a beaucoup augmenté ces dernières années. D’après nos informations, de nombreux établissements peinent à trouver des enseignants qui acceptent la mission si faiblement rémunérée via la part modulable ISOE (indemnité de suivi et d’orientation des élèves).
Du neuf en STI2D et SNT
La ministre a annoncé une modernisation des programmes pour les enseignements technologiques en STI2D et en SNT à la rentrée 2026, un accompagnement renforcé en BTS et la possibilité de le faire en trois ans. Une mesure du plan Filles et maths a été rappelée : l’expérimentation des classes à horaires aménagés en 4e et en 3e en mathématiques et en sciences (Chams), composées au moins pour moitié de filles.
Du flou
Rien non plus, ou presque, sur la voie professionnelle, qui reste le parent pauvre des politiques d’orientation et qui ont vu le mois de juin disparaître avec la mise en œuvre du Parcours Y et les épreuves du baccalauréat au mois de mai. Rien sur les propositions de la Cour des comptes, qui appellent à un lycée plus intégré, moins ségrégué. Rien non plus sur les conséquences de Parcoursup, qui poussent de plus en plus de familles vers des coachs privés ou des écoles supérieures privées, faute d’accès à une université publique déjà saturée.
Et à qui s’adresse vraiment cette « césure post-bac » ? Aux jeunes les plus précaires ? Aux lycéens professionnels ? L’annonce semble faite pour une élite déjà informée et soutenue ou pour désengorger des universités.
Fatigue des enseignants, stress des élèves : « Les professeurs principaux devront être les premiers acteurs de l’orientation »
La ministre Borne a annoncé un programme à l’éducation à l’orientation, mais sans heures et moyens, ni contenu.
L’État mise sur les professeurs principaux pour être les « premiers acteurs de l’orientation ». Mais à quel prix ? Beaucoup d’enseignants renoncent à cette fonction, faute d’accompagnement, de reconnaissance et de temps. On leur promet une demi-journée de formation ? Ce n’est une réponse ni à leur épuisement, ni à la complexité croissante du système.
Quant aux élèves, beaucoup n’ont tout simplement pas le choix. Pas de place en université, pas de solution locale, pas d’accompagnement individuel. Que leur dit-on ? Que l’on fera « découvrir des métiers » en quatre demi-journées ? Le décalage est immense.
Une orientation à refonder… pas à recycler
L’orientation ne peut plus être une variable d’ajustement ni un terrain d’annonces sans lendemain. Elle mérite une politique claire, financée et pas un patchwork de mesures recyclées. Aujourd’hui, cette réforme annoncée ne semble être qu’un effet de langage de plus, dans un flot institutionnel qui use les acteurs de terrain et renforce la défiance. L’orientation ne se décrète pas : elle se construit, collectivement, avec du temps, des outils, et des moyens. Sans budget, pour l’orientation comme pour la santé scolaire, la ministre se borne à quelques annonces ou effets d’annonce.
Djéhanne Gani
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Elisabeth Borne : des mesurettes sans moyens sur l’orientation ?
