1 psy-En pour 1600 élèves « assez de blabla », c’était le mot d’ordre partagé par les infirmier·ères, psychologues, assistant·es de service social de l’Éducation nationale lors de la mobilisation de mardi 10 juin. En moyenne, ils estiment qu’il faudrait doubler les effectifs des personnels médico-sociaux, « complémentaires mais pas interchangeables » précisent-ils. Sans moyens suffisants ni prise en compte des réalités du terrain, les personnels mobilisés dénoncent une politique de façade en rappelant les chiffres criants de la pénurie et des besoins. Ce même-jour, l’assistante d’éducation Mélanie était poignardée par un collégien.
Les personnels médico-sociaux dénonçaient mardi 10 juin à l’appel de la FSU les dégradations des conditions de travail et les attaques contre les métiers du soin et du lien que représentent pour eux les Assises de la Santé scolaire de la ministre Borne. Les professionnels dénoncent une réforme déconnectée du terrain.
Des équipes exsangues et surchargées
Le constat est implacable pour tous les personnels médico-sociaux, les effectifs de santé scolaire sont dramatiquement insuffisants. Les personnels ne peuvent plus faire face à la charge de travail : accompagnement des élèves en difficulté, prévention, dépistage, soutien aux équipes pédagogiques, liens avec les familles, avec les services de soin… Le manque de reconnaissance institutionnelle et salariale accentue une crise d’attractivité déjà bien installée.
Le désert médico-social : 1 psy-EN pour 1600 élèves en moyenne
Les psy-EN sont 1 pour 1 600 élèves en moyenne, si tous les postes étaient pourvus. En réalité, il y a 1 000 postes vacants de titulaires en moyenne dans le premier degré et second degré. 1/3 des personnels ne sont pas titulaires. Selon Géraldine Duriez, psychologue de l’Education nationale, il en faudrait au moins le double pour être à la hauteur des recommandations européennes.
7 800 postes d’infirmier·es scolaires couvrent aujourd’hui l’ensemble des niveaux, de la maternelle à l’université. La FSU estime les besoins à 15 300 postes, soit un effectif doublé.
2700 assistantes sociales quand près de 20 000 seraient nécessaires
Les Assistant·es de service social (AS) présentes essentiellement dans le second degré sont quant à elles seulement 2 700 sur le terrain, là où 20 000 seraient nécessaires. Une assistante sociale couvre parfois 3 à 5 établissements, soit une simple demi-journée de présence par lieu. Elles sont 96% de femmes. Elles craignent un redéploiement du second vers le premier degré suite aux annonces de la ministre Borne.
Une réforme loin des besoins et des réalités
Pensée pour renforcer la prévention en santé scolaire, la réforme concentre l’essentiel des moyens sur la visite médicale des enfants de 6 ans. Cette visite ne concerne aujourd’hui que 20 % des élèves, là où le dépistage était systématique dans les années 1980.
Pour les autres tranches d’âge, aucun redéploiement des moyens n’est prévu, malgré des besoins bien identifiés. « Les moyens sont concentrés sur une tranche d’âge, mais les besoins sont massifs et partout », s’indigne Saphia Guereschi, secrétaire générale du SNICS-FSU. Loin d’un renforcement, les professionnel·les ont dénoncé une logique de saupoudrage, dans un contexte de suppressions de postes et de tensions croissantes dans les établissements.
Un besoin urgent d’approche globale : « Saucissonner les enfants, c’est passer à côté de leurs besoins »
Les professionnel·les insistent sur la nécessité de travailler en équipes pluridisciplinaires. « Saucissonner les enfants, c’est passer à côté de leurs besoins, on a besoin de croiser les regards » rappelle la PSY-EN. Les approches, les outils et les expertises diffèrent selon les métiers, et c’est précisément cette complémentarité qui permet une réelle prise en charge des élèves. Géraldine Duriez souligne qu’il faut du temps et des postes. « On est complémentaires, mais pas interchangeables » dit-elle au Café pédagogique. Sur les mesures de la ministre quant au suivi des élèves avec les CMP, elle glisse que c’est déjà le cas : « On prend contact avec les CMP, mais encore faut-il qu’il y ait des places, le suivi ne se décrète pas comme ça, il faut aussi faire accepter à l’adolescent qu’il a besoin de thérapie pour trouver de la sérénité. C’est aussi tout un travail, un suivi ».
« À l’école, les psychologues ne sont pas là seulement pour faire du soin », explique-t-elle, poursuivant « ils accompagnent les adolescents, les aident à raccrocher au savoir, à se projeter. Ils évaluent, orientent, éclairent les équipes. Ce travail, il faut des professionnel·les formé·es pour le faire. Pas un·e référent·e bricolé·e en quelques jours de formation. »
« La santé à l’école, c’est avec nous »
Les personnels médico-sociaux dénoncent une réforme « descendante », « sans co-construction » avec les professionnel·les de terrain, et sans volonté politique réelle de donner les moyens nécessaires. Ils critiquent aussi la bureaucratisation croissante, et les menaces de départementalisation avec la loi Gatel qui renforceraient les inégalités territoriales.
« On ne peut pas prétendre prendre soin des élèves sans prendre soin des personnels qui sont auprès d’eux », résume Brice Castel, le secrétaire général du SNUAS-FSP. En moyenne, la FSU estime qu’il faudrait une hausse de 100 points d’indice, soit environ 400e net par mois.
« Il faut une reconnaissance statutaire, salariale, mais aussi de notre rôle. Nous portons un enjeu immense : celui de la santé des jeunes, de leur avenir, de leur place dans la société. »
Professionnels et syndicats sont clairs : il y a urgence à agir. Plus que jamais, les personnels demandent des actes politiques concrets pour la santé scolaire, pas des effets d’annonce. Ils partagent une certitude : la santé des élèves se construit à l’école,mais pas sans les professionnel·les. « Il n’y a pas d’exemple de confiance. Mais nous savons ce que nous faisons, et les élèves ont besoin de nous. Il faut nous redonner du pouvoir d’agir » affirment-ils.
Des mots qui résonnent bien fort aujourd’hui.
Djéhanne Gani
