L’année s’achève et il est temps d’en faire un bilan, ou plutôt de prendre du recul sur ce qu’est une année scolaire d’enseignant.e du premier degré, comment la traverser jusqu’à ce jour où le portail se referme pour ne s’ouvrir qu’après les vacances d’été.
« Savoir gérer son effort »
Mieux vaut ne pas démarrer tambour battant ce marathon pour réussir à jouer chaque jour une nouvelle pièce, et arriver au bout de cette série de représentations. Chacune apportant son lot de surprises, entre la planification essentielle de sa journée et une part d’improvisation inévitable qui constitue une particularité de cette profession.
Il faut savoir gérer son effort, profiter en partie des temps de ravitaillement que sont les vacances scolaires pour se ressourcer et recharger les batteries.
L’appui d’une équipe de collègues
Cela ne serait pas possible sans l’appui d’une équipe de collègues qui savent conseiller, écouter, motiver et remotiver dans les moments de doute, mais aussi partager leur vécu et leur expérience. Des compagnons de route essentiels, que j’ai eu la chance de côtoyer pendant ces deux premières années de carrière, et dont la bienveillance et la bonne entente jouent une part majeure dans le bien-être au travail. C’est également un rouage essentiel pour éviter l’isolement et la sanctuarisation de sa classe, écueils qui nous guettent plus qu’ailleurs[1], afin que chacune et chacun puisse conserver la lucidité et la sérénité qui serviront chaque jour aux élèves.
L’énergie des élèves
Les élèves, ce groupe qui vous accompagne, et qui sont toujours là pour vous donner l’envie de les guider sur ce bout de chemin afin qu’ils en ressortent grandis. Leur énergie est un flot continue d’encouragements et leurs sourires sont des raisons supplémentaires de créer et inventer des séances, des projets, pour lesquels ils montreront le plus grand intérêt possible tout en apprenant au quotidien. Dès le premier jour, ils conditionnent l’année, laissent entrevoir le nouveau parcours qui vous attend. Rarement une ligne droite dans une étape de plaine, ceux-ci vous offrent souvent des routes sinueuses de montagnes au sommet desquelles on est heureux d’arriver, ensemble, avec le sentiment du travail accompli.
Les 850 000 réalités de l’école
L’école a ce don d’offrir autant de scénarios qu’il y a de classes. Ainsi, chacune et chacun la vit à sa manière. Sûrement donc que la réalité que je décris ici n’est pas exactement similaire à la vôtre, tout comme les près de 850 000[2] réalités que vous pourrez croiser sur l’ensemble du territoire. On a tendance à désigner le métier d’enseignant.e comme un seul et unique corps, jusqu’à les rassembler parfois de la petite section au doctorat, laissant penser que le vécu, mais aussi les compétences attendues ou encore les revendications, sont les mêmes.
Or il est parfois difficile de comparer un.e enseignant.e à un.e autre, tant la réalité de classe, de territoire, de moyens, n’est pas la même d’un établissement à l’autre. Le vécu de ce métier peut être totalement opposé selon que vous soyez dans une école rurale ou urbaine, dotée d’un budget conséquent ou non, entourée par les moyens humains nombreux ou absents, dans une équipe soudée ou bien polarisée, face à des élèves imprégnés ou éloignés de la culture scolaire…etc. Ainsi, deux personnes exerçant dans le même département, la même commune, ou parfois la même école, peuvent avoir l’impression d’exercer un métier différent l’un de l’autre. Chacune et chacun a sa méthode, qui, ne l’oublions pas, est en grande partie le résultat de sa construction personnelle et de son rapport à l’école depuis son plus jeune âge. Chacune et chacun dessine sa propre image d’Epinal de l’école, plus ou moins contemporaine, qui l’accompagne et façonne sa vision de l’enseignement.
Et pourtant un commun
Cependant, il semble qu’un commun subsiste, la poursuite d’un objectif de bien-être et de réussite de tous les élèves. Un commun qui nous pousse à nous dépasser chaque année, donner le meilleur de nous-même pour donner envie d’école, ce lieu où chaque enfant se déplace chaque matin simplement parce qu’on lui a dit qu’il fallait y aller. Il s’agit de convaincre ceux qui y vont à reculons, afin qu’ils entrent pleinement dans les apprentissages.
C’est ce commun qui nous pousse à continuer malgré les difficultés, qui nous pousse à repartir pour une nouvelle aventure en septembre alors que l’on se posait peut-être la question du changement de profession. Malgré les jours d’automne rallongés par la pluie, malgré le manque de valorisation du métier par le monde des adultes, malgré les instants de stress et de tensions qui peuvent se présenter, l’enseignant.e a cette faculté à faire le dos rond pour rebondir perpétuellement en faisant preuve de patience. Une patience qui, paradoxalement, amène vers la fin de l’année, souvent un moment de reconnaissance de la part des élèves et de leurs parents dont peu de métiers peuvent se vanter.
Les derniers jours ensoleillés vont rapidement laisser place à la nostalgie de cette année dont on retient les bons souvenirs. Quelques semaines de récupération dans la descente et déjà il faut se projeter vers la nouvelle ligne de départ, préparer l’arrivée de nouveaux élèves, avec toujours cette part d’appréhension dont l’imagination de l’inconnu a le secret.
Boris Chiron
[1] Cherkaoui, M. (2010). Le corps enseignant. Sociologie de l’éducation (p. 70-94). Presses Universitaires de France. https://shs.cairn.info/sociologie-de-l-education–9782130575436-page-70?lang=fr.https://shs.cairn.info/sociologie-de-l-education–9782130575436-page-70?lang=fr.
[2] Enseignants du premier et du second degré en 2023-2024 | Insee. (s. d.). https://www.insee.fr/fr/statistiques/2012662#tableau-TCRD_078_tab1_regions2016
