Mutations inter acadĂ©miques, notation administrative ou pĂ©dagogique, promotion d’Ă©chelon, les motifs de recours sont multiples dans cette pĂ©riode de l’annĂ©e scolaire. C’est pourquoi, je vous propose ce mois ci d’Ă©tudier plus en dĂ©tail les divers recours administratifs possibles pour contester une dĂ©cision et demander au Chef de service ou au Ministre de bien vouloir la rĂ©viser.
Lorsquâune dĂ©cision a Ă©tĂ© prise par une autoritĂ© administrative, il vous est possible de lui demander de revoir sa position en usant de la voie du recours administratif.
I) Les divers types de recours
Ces recours sont au nombre de deux : le recours gracieux et le recours hiérarchique
a) Le recours gracieux
Il est transmis Ă l’auteur de la dĂ©cision. Ce dernier sera, en gĂ©nĂ©ral, l’Inspecteur d’AcadĂ©mie, pour les professeurs des Ă©coles, le Recteur pour les professeurs certifiĂ©s et les professeurs de lycĂ©e professionnel, le Ministre pour les professeurs agrĂ©gĂ©s.
b) Le recours hiérarchique
Il est effectuĂ© auprĂšs du supĂ©rieur hiĂ©rarchique de l’auteur de la dĂ©cision contestĂ©e, c’est Ă dire du Ministre.
II) La forme et le fond des recours administratifs
a) La forme
Le recours administratif est un document formalisé. Il doit comporter :
- Un rappel rapide de la situation et des faits ;
- Les raisons motivant la demande de révision ;
- La demande formelle de révision de la décision avec, éventuellement, évocation du sens dans lequel la révision est souhaitée.
b) Le fond
Tout d’abord, soyez clair, concis, sobre, et respectueux.
En effet, le recours gracieux ou le recours hiĂ©rarchique sont des documents que lâadministration va conserver en les dĂ©posant dans votre dossier administratif. Aussi, malgrĂ© la charge Ă©motionnelle qui peut lâaccompagner, Ă©vitez de tomber dans un rĂ©cit larmoyant ou dans des formules qui pourraient ĂȘtre mal perçues. Non seulement, cela ne vous servira guĂšre mais, au surplus, cela ne mĂšnerait Ă rien puisque lâAdministration agit, en principe, dans un cadre strictement rĂ©glementaire.
Ensuite, Ă©vitez de vous rĂ©fĂ©rer Ă des textes rĂ©glementaires si vous nâen maĂźtrisez pas les applications ou si l’application de ce texte ne correspond pas Ă votre situation. En revanche, si un article de dĂ©cret s’applique Ă votre particulier, n’hĂ©sitez pas Ă le citer in extenso dans votre recours, cela orientera les recherches de l’administration et lui permettra de revoir sa position plus rapidement.
Enfin, renseignez-vous sur la situation gĂ©nĂ©rale qui a conduit Ă votre situation particuliĂšre, ou sur le contexte budgĂ©taire ou politique qui entourent la dĂ©cision administrative. NâhĂ©sitez pas Ă contacter les dĂ©lĂ©guĂ©s syndicaux ou les commissaires paritaires qui, grĂące Ă leurs contacts privilĂ©giĂ©s avec lâadministration, sauront vous Ă©clairer sur les circonstances de la dĂ©cision.
III) Les dĂ©lais d’exercice des recours administratifs
a) Les délais généraux
En l’absence de signification des dĂ©lais sur la dĂ©cision, ceux ci ne vous sont pas opposables. Pour autant, ne tardez pas Ă exercer ces recours.
Si les dĂ©lais sont mentionnĂ©s sur la dĂ©cision, le recours doit impĂ©rativement ĂȘtre fait dans les deux mois qui suivent la date Ă laquelle la dĂ©cision a Ă©tĂ© portĂ©e Ă votre connaissance, c’est Ă dire la date de sa publication (dĂ©cision collective) ou de sa signification (dĂ©cision individuelle).
Si vous avez fait une demande de mutation, dĂ©tachement, congĂ©, etc., et que vous n’obtenez pas de rĂ©ponse, ce dĂ©lai court deux mois aprĂšs la date Ă compter de la date de rĂ©ception de la demande par l’administration ou de la date Ă laquelle l’administration est supposĂ©e se prononcer.
Une fois votre recours reçu, lâautoritĂ© administrative a deux mois pour vous rĂ©pondre.
Pendant ce dĂ©lais, ne vous mettez pas en situation irrĂ©guliĂšre au motif supposĂ© du caractĂšre irrĂ©gulier ou illĂ©gale de la dĂ©cision, vous forceriez lâadministration Ă en tirer les consĂ©quences et cela ne ferait que vous desservir lors de lâĂ©tude de votre recours.
Ainsi, rejoignez votre poste, mĂȘme si votre affectation ne vous convient pas, continuez Ă effectuer votre service ou vos heures supplĂ©mentaires, mĂȘme si votre traitement ou vos heures ne vous sont pas versĂ©s, exĂ©cutez lâordre Ă©crit ou oral mĂȘme sâil est contraire Ă votre statut par exemple.
Si l’administration vous rĂ©pond par Ă©crit, soit votre recours sera acceptĂ© et la dĂ©cision sera alors rĂ©Ă©tudiĂ©e avant de vous ĂȘtre Ă nouveau communiquĂ©e, soit il sera rejetĂ©. On parle dans ce cas dâun rejet explicite parce que formulĂ© par Ă©crit.
Mais il se peut aussi que lâadministration dĂ©cide de ne pas vous rĂ©pondre ce dont elle a parfaitement le droit. Ce silence sâapparente alors Ă un rejet de votre recours : c’est un rejet implicite. Il a juridiquement la mĂȘme valeur quâun rejet explicite et fait courir les dĂ©lais de la mĂȘme maniĂšre.
Si les dĂ©lais de recours vous ont Ă©tĂ© indiquĂ©s dans la dĂ©cision initiale ou qu’ils le sont sur la rĂ©ponse Ă votre recours gracieux, vous disposerez Ă partir de la date Ă laquelle la rĂ©ponse Ă Ă©tĂ© portĂ©e Ă votre connaissance ou Ă partir de la date de fin du dĂ©lai de deux mois accordĂ© Ă lâautoritĂ© administrative pour vous rĂ©pondre, dâun nouveau dĂ©lai de deux mois pour faire un recours hiĂ©rarchique ou pour porter lâaffaire devant le Tribunal administratif.
Si vous faites un recours hiérarchique, le Ministre disposera de deux mois pour vous donner satisfaction ou pour rejeter implicitement ou explicitement votre recours.
Et vous disposerez Ă nouveau dâun dĂ©lai de deux mois Ă partir de la date Ă laquelle la rĂ©ponse Ă Ă©tĂ© portĂ©e Ă votre connaissance ou Ă partir de la date de fin du dĂ©lai de deux mois accordĂ© au Ministre pour vous rĂ©pondre, pour exercer un recours devant le Tribunal administratif.
Dans tous les cas, si les délais ne vous ont pas été indiqués, ce délai de deux mois ne vous est pas opposable. Mais, une fois encore, ne tardez pas pour introduire votre nouveau recours.
A propos des dĂ©lais, il faut savoir qu’ils sont francs et qu’ils commencent Ă courir le lendemain de la publication ou de la signification de la dĂ©cision. Ainsi, une dĂ©cision rendue le 1er fĂ©vrier verra un dĂ©lai franc de recours se terminer le 2 avril Ă minuit.
Enfin, n’attendez pas le dernier jour du dĂ©lai pour exercer votre recours. En effet, c’est la date de rĂ©ception de votre recours par l’administration qui compte et non celle de son envoi.
Pour rĂ©sumer, dans le cas oĂč les recours vous sont indiquĂ©s sur la dĂ©cision administrative, les dĂ©lais sont, au plus, de deux mois Ă partir du lendemain de la publication ou la signification de cette dĂ©cision pour faire un recours gracieux, deux mois pour la rĂ©ponse du Chef de service, deux mois pour faire un recours hiĂ©rarchique, deux mois pour la rĂ©ponse du Ministre et enfin deux mois pour le recours contentieux, soit dix mois au plus.
Attention, un deuxiĂšme recours de mĂȘme type n’interrompt pas les dĂ©lais et est donc totalement inutile.
b) La prescription quadriennale
Aux termes de l’article 1er de la loi n°68-1250 du 31 dĂ©cembre 1968, sont prescrites, au profit de l’Etat, sous rĂ©serve des dispositions de cette loi, toutes crĂ©ances qui n’ont pas Ă©tĂ© payĂ©es dans un dĂ©lai de quatre ans Ă partir du premier jour de l’annĂ©e suivant celle au cours de laquelle les droits ont Ă©tĂ© acquis. Aux termes de l’article 3 de la mĂȘme loi, la prescription ne court ni contre le crĂ©ancier qui ne peut agir, soit par lui-mĂȘme ou par l’intermĂ©diaire de son reprĂ©sentant lĂ©gal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut ĂȘtre lĂ©gitimement regardĂ© comme ignorant l’existence de sa crĂ©ance.
Ainsi donc, si vous dĂ©tenez, au cours de l’annĂ©e 2005, une crĂ©ance sur l’Etat, vous aurez la facultĂ© de demander son paiement jusqu’au 31 dĂ©cembre 2009.
Toute demande de paiement avant la date limite interrompt ce dĂ©lai de quatre ans Ă la condition que cette demande ait une date et une existence certaines. C’est pourquoi, vous doublerez votre demande transmise par la voie hiĂ©rarchique par la mĂȘme demande envoyĂ©e en lettre recommandĂ©e avec accusĂ© de rĂ©ception.
Bien évidemment vous suivrez les délais de recours gracieux, hiérarchique ou contentieux avec la plus grande attention.
Si l’Etat vous verse une somme Ă laquelle vous aviez droit avec retard, vous pourrez prĂ©tendre Ă des intĂ©rĂȘts de retard.
Ces intĂ©rĂȘts sur le principal doivent ĂȘtre explicitement demandĂ©s et cette demande doit ĂȘtre motivĂ©e, voire dĂ©taillĂ©e. Ils commencent Ă courir Ă la date de la demande et sont calculĂ©s sur la base du taux d’intĂ©rĂȘt lĂ©gal en vigueur Ă la date de la demande.
Des intĂ©rĂȘts capitalisĂ©s peuvent aussi ĂȘtre demandĂ©s et accordĂ©s si un an ou plus s’est Ă©coulĂ© depuis la date de la demande.
En cas de refus de l’administration, vous pourrez saisir la Juridiction administrative pour qu’elle vous accorde intĂ©rĂȘts de retard et intĂ©rĂȘts capitalisĂ©s.
IV) Le cas du recours pour dommages commis sur le véhicule personnel du fonctionnaire
L’Education nationale a conclu avec quelques compagnies et mutuelles d’assurances, dont la Maif, des conventions garantissant aux agents de l’Etat affectĂ©s dans les Ă©tablissements d’enseignement publics, lycĂ©es, collĂšges et Ă©coles un rĂšglement global et rapide des dommages commis sur leurs vĂ©hicules. La mise en Ćuvre de cette procĂ©dure d’indemnisation est subordonnĂ©e Ă l’intervention d’une dĂ©cision du Recteur d’acadĂ©mie attestant du droit de l’agent Ă bĂ©nĂ©ficier de la protection juridique.
Pour cela, votre dĂ©claration, accompagnĂ©e d’un rapport Ă©tabli par le Chef d’Ă©tablissement, doit parvenir dans un dĂ©lai de trois jours ouvrables suivant la survenance du dommage au Recteur d’acadĂ©mie qui dispose de trois semaines pour notifier sa dĂ©cision Ă l’organisme d’assurances.
La dĂ©cision d’indemnisation est favorable si le rapport du Chef d’Ă©tablissement fait clairement apparaĂźtre le lien existant entre l’origine du dommage et l’exercice des fonctions, en raison notamment de la qualitĂ© des auteurs de l’agression (Ă©lĂšves, anciens Ă©lĂšves et parents d’Ă©lĂšves). Elle le sera aussi lorsque, l’auteur de l’agression n’Ă©tant pas connu, il est Ă©tabli que le dommage rĂ©sulte d’un acte de malveillance qui s’est produit alors que le vĂ©hicule Ă©tait garĂ©, soit dans l’enceinte de l’Ă©tablissement, soit Ă proximitĂ© de celui-ci, en un lieu habituellement utilisĂ© par le personnel de l’Ă©tablissement pour le stationnement des vĂ©hicules.
S’il apparaĂźt, en revanche, que le lien avec l’exercice des fonctions est absent, ou ne pourrait ĂȘtre Ă©tabli qu’Ă l’issue d’investigations complĂ©mentaires, le Recteur d’acadĂ©mie fera savoir, dans le mĂȘme dĂ©lai de trois semaines, Ă l’organisme d’assurances son refus de mettre en Ćuvre ce dispositif conventionnel d’indemnisation.
V) Le recours au MĂ©diateur de l’Education Nationale
Si vos recours gracieux et hiĂ©rarchiques Ă©chouent, vous avez la possibilitĂ© de saisir un des MĂ©diateurs de l’Education Nationale.
Les mĂ©diateurs, tant au niveau national qu’acadĂ©mique, reçoivent les rĂ©clamations concernant le fonctionnement du service public, de la maternelle Ă l’enseignement supĂ©rieur, Ă l’exclusion de la recherche, Ă©manant tant des usagers que des agents de l’administration de l’Education nationale.
Attention, vous ne pouvez saisir les mĂ©diateurs de problĂšmes individuels qu’aprĂšs avoir Ă©chouĂ© dans vos dĂ©marches auprĂšs des autoritĂ©s compĂ©tentes. C’est pourquoi, vous joindrez, Ă votre demande de mĂ©diation, la copie de la dĂ©cision contestĂ©e ainsi que la rĂ©ponse au recours que vous aurez exercĂ©.
Il y a deux niveaux de mĂ©diation dans l’Education nationale :
- Le mĂ©diateur de l’Education nationale qui instruit les rĂ©clamations ayant trait aux dĂ©cisions prises par le niveau national ou par un Ă©tablissement Ă compĂ©tence nationale.
- Le mĂ©diateur acadĂ©mique traite des rĂ©clamations ayant trait Ă des dĂ©cisions individuelles prises par le Recteur ainsi que celles prises par l’IA-DSDEN.
Les mĂ©diateurs qui estiment la rĂ©clamation fondĂ©e Ă©mettent des recommandations aux services et Ă©tablissements concernĂ©s. Ils ne dĂ©tiennent aucun pouvoir d’injonction mais les services ou Ă©tablissements les informent des suites retenues. Ils peuvent aussi classer votre demande s’ils estiment qu’elle n’est pas de leur compĂ©tence ou manifestement injustifiĂ©e, ce dont ils vous informeront.
Une fois encore, attention, la saisine des mĂ©diateurs n’interrompt pas les dĂ©lais de recours devant les juridictions compĂ©tentes.
Enfin, pour assurer la transparence de l’action administrative et l’information des citoyens, la loi du 17 juillet 1978 a reconnu Ă toute personne le droit d’obtenir communication des documents dĂ©tenus par une administration, quels que soient leur forme et leur support.
Ce rĂŽle est dĂ©volu Ă la Commission d’AccĂšs aux Documents Administratifs (CADA) qui est une instance consultative et indĂ©pendante. Elle intervient pour tous documents dĂ©tenus par un service de l’Etat, une collectivitĂ© territoriale, un Ă©tablissement public ou un organisme chargĂ© de la gestion d’un service public, que cet organisme soit public ou privĂ©. Elle peut vous aider Ă obtenir un document administratif qui vous a Ă©tĂ© refusĂ©, tel un courrier, un rapport, etc.âŠ
Cela Ă©tant, si la CADA ne fait qu’Ă©mettre des avis sur le caractĂšre communicable de documents administratifs, qu’elle adresse aux personnes qui l’ont saisie et aux administrations qui ont refusĂ© la communication, elle doit ĂȘtre obligatoirement saisie avant tout recours devant le juge administratif visant Ă se faire communiquer ce document.
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de lâouvrage Le Guide juridique des enseignants aux Ă©ditions ESF
Sur cet ouvrage :
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