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J’aime beaucoup rencontrer les parents de mes élèves individuellement pendant environ 30 minutes chacun. Pendant la première rencontre en septembre, je demande aux parents de me parler de leur enfant. Je les écoute et parfois je pose quelques questions. Je n’apporte d’informations que sur les sujets que les parents abordent. Quand un parent me dit par exemple que son enfant est très désordonné, je peux répondre qu’en classe, ses affaires sont toujours bien rangés ou bien qu’effectivement j’ai remarqué la même chose et comment j’essaye de le soutenir pour qu’il s’organise mieux.

Dans cette première rencontre je ne parle pas du tout de réussites ou de difficultés scolaires. Le but pour moi est de prendre du temps autour de chaque enfant, et à travers de ce que dit son parent, de le connaître un peu mieux. Cela me donne aussi un petit aperçu sur comment parent et enfant « fonctionnent » ensemble et comment je pourrai m’appuyer sur le parent quand j’aurai des difficultés avec l’enfant. Le parent, lui, est placé dès le début d’année en position de co-éducateur, car je lui permets de m’expliquer son enfant (qu’il connaît bien mieux que moi) au lieu de simplement lui rendre compte de son enfant à l’école. Cela donne un tout autre ton à nos relations pendant toute l’année. Parfois, en fin de ce premier rendez-vous, je demande aussi de l’aide au parent.

Comme dans le cas de R. qui s’était mis déjà une ou deux fois dans des colères très violentes, agressant un autre élève et se montrant incapable malgré mon aide de mettre des mots sur ce que lui arrivait et sur les raisons de sa colère, refusant même l’idée de passer par la parole pour régler son conflit. J’ai expliqué à sa mère ce qui s’était passé, ce que j’avais essayé, et ce que je n’avais pas réussi : faire parler son enfant. Et je lui ai demandé comment elle s’y prenait. Elle me disait qu’à la maison aussi, il se fermait quand il avait un problème, il s’enfermait dans sa chambre, puis se calmait et ressortait, mais ne verbalisait pas. On en est resté là.

Aujourd’hui, j’ai revu cette maman pour la remise des livrets. J’ai parlé des avancées et des difficultés, des efforts et des découragements de son enfant du point de vue scolaire, puisque c’était l’heure du premier bilan. A la fin, elle m’a demandé des nouvelles du comportement de son enfant, de ses colères… et elle m’a raconté qu’elle aussi maintenant ne le laissait plus s’enfermer. Que quand il rentrait fâché, il devait lui raconter ce qui s’était passé, et que ça marchait de mieux en mieux. Qu’elle l’envoyait même une fois par mois chez un psychologue pour lui permettre de sortir ce qu’il tenait enfoui en lui et qu’il commençait à sembler aimer ce rendez-vous mensuel.

Ana Dulac, enseignante sur Paris

La classe plaisir

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