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Comment intégrer le développement durable dans le quotidien des lycéens ? Comment mettre en place une ruche dans un établissement ? Ryem Boudjemaï, enseignant de SVT au lycée Jacques Brel de La Courneuve (93) propose avec ses collègues de physique-chimie et de maths un projet éco-citoyen aux lycéens. Mise en place d’une ruche, simulation de conférence sur le climat (COP), grainothèque de variétés ancestrales disposée au CDI, les axes de travail ne manquent pas. Comment s’impliquent ses « citadins déconnectés de la nature » ? En quoi les formations proposées aux enseignants par la région Île-de-France se concrétisent dans les lycées ?

Comment votre projet s’insère t-il dans les enseignements ?

Il s’agit d’un projet éco-citoyen mené pour la troisième année consécutive dans mon lycée, en collaboration avec mes chers collègues de SVT, Physique-Chimie et de mathématiques. Concrètement, nous utilisons les heures de l’enseignement d’exploration Méthodes et pratiques scientifiques (MPS) pour mener à bien des actions de développement durable au lycée comme par exemple des compagnes d’affichage, l’organisation de conférences, la mise en place du tri du papier ou la création et l’entretien d’un potager au lycée.

Ces contenus s’inscrivent parfaitement dans le cadre du programme de MPS puisque celui-ci inclut notamment un volet « Prévention des risques d’origine humaine ». La manière de travailler fait par ailleurs le plus souvent possible appel à la démarche scientifique, ce qui est l’esprit de cet enseignement d’exploration de 2nde.

Quel est le rôle des éco-délégués, ces ambassadeurs du développement durable ?

Mon équipe de choc est pour le moment composée de neuf éco-délégués. J’en ai nommé sept suite à leur implication exceptionnelle dans les projets des années précédentes et deux ont été volontaires pour rejoindre l’équipe. Pour cette année, j’envisage une perspective plus citoyenne pour agrandir l’équipe avec des élections ou une cooptation par les éco-délégués actuels.

Ces ambassadeurs du développement durable au lycée se réunissent régulièrement avec moi pour faire le point sur les projets en cours. Ils donnent leur avis et peuvent aussi soumettre des initiatives aux autres. Ils sont parfois mobilisés sur des missions particulières : proposer des affiches, des slogans, diffuser un message auprès des autres élèves, tenir un stand… Ils bénéficient aussi chaque année d’une demi-journée de formation organisée par le rectorat.

Comment envisagez-vous l’étude des ruches au lycée ? Quel était le contenu de la formation suivie à cet effet ?

L’installation de la première ruche au lycée est prévue pour le printemps, mais les collègues et élèves ne sont pas encore au courant… il va y avoir un sacré travail d’information auprès de tout le monde pour que la petite colonie soit accueillie dans les meilleures conditions ! Nous serons suivis par un collègue d’un autre lycée qui a une grande expérience d’apiculteur, et il n’y aura dans un premier temps aucune perspective de production de miel. Le but sera d’entretenir et chouchouter un essaim et d’observer les abeilles tout au long de l’année.

L’intérêt de ce projet est double : pédagogique tout d’abord, car nous pourrons étudier l’organisation sociale de la colonie, le cycle de développement des insectes, la pollinisation… mais écologique aussi car la présence de la ruche dans le lycée permettra une sensibilisation de tous les élèves autour de cet animal.

J’ai suivi en septembre une formation de trois jours proposée par la région Ile-de-France et qui m’a permis d’acquérir les premières bases – théoriques et pratiques – de l’apiculture. Mais j’ai surtout réalisé que j’avais absolument besoin d’être accompagné et formé par un professionnel.

Qu’avez-vous entrepris parallèlement à la COP 21 ? Pour quels retours ?

Il y a deux ans, pendant la COP21, nous avons mené avec les élèves de MPS de nombreuses discussions autour de cette conférence. Nous avons aussi réalisé une petite simulation de COP avec les lycéens qui ont bien joué le jeu des négociations.

Cette action s’est achevée avec l’organisation d’une conférence au lycée nomme « COP 21, la suite » au cours de laquelle les élèves ont réalisé des présentations courtes d’expériences menées en MPS sur des sujets tels que l’effet de serre, les énergies renouvelables ou encore la pollution des sols.

Un autre projet est en préparation autour des graines. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Nous avons commencé cet automne notre petit potager en permaculture dans le jardin du lycée. Les lasagnes sont déjà en place avec des branchages, de la paille et des feuilles. Nous allons maintenant laisser la microfaune du sol faire son travail de décomposition cet hiver.

Les semis seront réalisés fin février pour pouvoir ensuite planter en pleine terre de délicieux végétaux. Nous voulons planter des variétés ancestrales cultivées auparavant ici, alors que La Courneuve était une terre maraichère. On y cultivait par exemple des légumes tels que des choux ou des navets. Nous nous inscrivons dans une initiative régionale : créer un réseau de ‘gardiens des semences’ dans les lycées avec notamment une grainothèque au CDI.

Vous dites que « votre public est peut-être moins blasé » que d’autres sur les questions de développement durable. Pourquoi ? Comment ressentez-vous l’implication des lycéens ?

Mes élèves mettent plus de cœur à l’ouvrage car ils ont plus de curiosité et parce que l’approche est différente. Ce sont des citadins déconnectés de la nature, mais une approche naturaliste et scientifique basée sur l’observation, le concret, le fait de toucher et d’expérimenter peut être intéressant.

Beaucoup de lycéens sont impliqués dans ces actions, pas tous bien entendu. Mais une minorité d’élèves est capable de changer la donne. Si nous impactons un tiers d’une génération d’élèves, c’est déjà formidable. Ceux-là diffuseront leurs connaissances et les reflexes appris à leurs proches et, à l’avenir, à leurs enfants. Intégrer le développement durable dans le quotidien des élèves au lycée permet de normaliser ces pratiques et de les diffuser très largement.

Entretien par Julien Cabioch

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