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EPS

Nathalie
Da Silva : « la tête et les jambes »

La
tête et les jambes… En EPS, suffit-il d’agir avec son corps, comme le
disent les programmes de l’école maternelle ? A quoi sert la tête pour
apprendre, même pour apprendre des attitudes corporelles?

« Une
animation EPS sans pratique physique des participants… c’est un défi
que je me lance !
»
s’engage Nathalie Da Silva, conseillère pédagogique EPS à Paris et
animatrice de l’atelier « La tête et les jambes ». Elle
raconte une
situation vécue par deux classes de CP dans la forêt de Fontainebleau :
une randonnée à pied avec sable, pente et rochers. L’objectif de la
sortie était de marcher sur un temps long pour travailler l’endurance
et marcher en file indienne sur un sentier escarpé. Pas de difficulté
particulière envisagée, une sortie bien anticipée en classe avec les
élèves, préparée minutieusement par les enseignants quant à
l’organisation et la sécurité. Et pourtant…
Une fois dans ce milieu nouveau, les élèves ont commencé à grimper sur
les rochers sans se rendre compte du risque qu’ils prenaient. De
nombreux élèves se sont trouvé en réelles difficultés pour monter et
descendre sur l’étroit chemin. Ils se cramponnaient aux
enseignants
et n’ont pas lâché leurs mains jusqu’à l’arrivée, même quand le chemin
s’était élargi. A leur grande surprise, les enseignants constatent
l’échec de leur mise en situation. Ils étaient loin d’avoir anticipé
les difficultés réelles de la situation « réelle ».
L’animatrice demande au groupe de réfléchir aux questions que cela pose.

Et pourtant…
Tous les élèves bénéficient d’activités physiques pendant trois années
d’école maternelle, pendant lesquelles ils effectuent des parcours, des
ateliers, des circuits. Dans toutes ces occasions, ils travaillent la
prise de risque, la marche sur plan incliné, ils s’entrainent. Mais il
semble que cela ne suffise pas pour que, dans la situation réelle, les
enfants soient capables de faire valoir leur compétence.

Les participantes de l’atelier
s’interrogent :

« C’est vrai qu’en EPS, je
n’explicite pas ce qu’on va apprendre aujourd’hui, comme je le fais
dans d’autres disciplines.


– Je pense que je ne suis pas tout à
fait au clair avec les concepts derrière les mots
« marcher »,
« sauter », même « lancer »… Ce sont des mots
tellement courants


– Moi, je multiplie les situations
motrices, un peu comme on plonge les enfants dans un « bain »
de
langage ou un « bain » de livres. Je me rends compte que çà
ne suffit
pas ! »

L’animatrice apporte ses précisions théoriques sur l’activité motrice :
«
Prenons « sauter », par exemple, l’objectif d’apprentissage sera
différent si on se situe dans une perspective gymnique ou athlétique.
Dans la première, on va chercher à tendre vers des actions motrices
acrobatiques, on travaillera le saut en profondeur, la réception du
saut, la place des membres dans la partie aérienne du saut, on
travaillera les attitudes renversées, tête en avant, ou en bas.
Dans
le second cas, on travaillera le saut en hauteur et la performance
recherchée de « sauter haut ». »

A quelles conditions l’action en EPS
permet-elle les apprentissages de tous, leur réussite et donc leur
développement
?
C’était le sous-titre de l’atelier. Pour Nathalie Sa Silva, quand
l’enseignant sait ce qu’il fait et où il veut aller, ce qu’il attend
des élèves, ce qu’il met en place pour y arriver (quelles normes,
quelles contraintes). En classe, il s’assure que les enfants sachent ce
qu’ils font et sur l’activité (pendant, après), il fait des mises en
mots ou en images. C’est là que la « tête » entre en jeu.
Faire,
manipuler, agir avec son corps ne suffisent pas. Dire et penser sont
les conditions pour que les apprentissages soient réussis.

La réflexion collective continue, alimentée par les interactions entre
les membres du groupe que Nathalie Da Silva entretient et formalise sur
une grande affiche. « Que s’est-il
passé dans cette randonnée pédestre qu’on pourrait généraliser sur
la
compréhension des difficultés d’apprentissages des élèves ? »

En EPS, les difficultés sont d’autant plus visibles que cela peut avoir
des conséquences graves sur la situation engagée. Ici, l’adulte a
accompagné fortement l’élève jusqu’au bout en ne lui lâchant pas la
main. Mais en mathématiques ou en français, avec des activités mentales
qui ne sont pas visibles, on ne s’aperçoit pas aussi facilement des
difficultés de l’élève. L’aurait-on accompagné ? Dans ce cas-là,
l’élève ne risque pas de tomber ou de se faire mal… Ne
l’aurait-on
pas « laissé au bord du chemin » pour « avancer »
dans le cours ?

Parfois, dans les écoles, on voit des activités motrices engagées par
ce que l’école a réussi à s’acheter du gros matériel. Alors, fait-on
« du gros matériel » ou fait-on de la gymnastique ? Qu’est-ce
que çà
change ? L’installation du matériel induit la mise en mouvement de
l’élève. Il ne reste plus qu’à régler les questions d’organisation.
« Est-ce qu’on fait de la gym ? », interpelle
l’animatrice.
C’est toute la différence entre tâche
et activité
, telle que définie par Colette Catteau dans l’ouvrage collectif du
GFEN paru aux rencontres de l’an dernier « Pratiques de réussite
pour
que la maternelle fasse école » (Chronique sociale)

Pour approfondir, l’animatrice termine avec un texte d’Élisabeth
Bautier qui théorise ces pratiques et propose son analyse de
sociologue. On retrouve les propos l’atelier de cet après-midi, on fait
des liens entre recherche, formation et action sur le terrain.

Et pour clore l’activité, une touche d’humour avec la lecture d’une
poésie de Prévert qui dit à peu près ceci : « Dans
ma maison qui n’est pas ma maison… tu viendras. Dans cette maison, je
ne faisais rien de sérieux, je jouais avec mes pieds. Bête comme ses
pieds ou bête comme l’homme… ».
De l’absurdité des
choses, et où les pieds sont plus intelligents qu’on ne pense !