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Adrien Bourg est maître de conférences à la faculté d’éducation de l’ICP. Docteur en sciences de l’éducation, il est membre de l’Observatoire Musical Français (EA 206 ; Université Paris-Sorbonne) et conduit ses recherches dans le domaine de la didactique de la musique. Ses travaux portent sur l’apprentissage instrumental, les pratiques collectives musicales en milieu scolaire et les pratiques enseignantes. Il mène ses travaux notamment dans le cadre des recherches comparatistes en didactique .

Concernant la jeunesse, y –a-t-il une fracture musicale comme il y a une fracture numérique?

On n’a jamais autant pratiqué et écouté la musique qu’aujourd’hui. Cela est vrai particulièrement pour les jeunes qui vivent dans un bain musical permanent. Cependant, il existe différentes esthétiques musicales et une diversité de rapports à ces musiques. L’un des défis pour l’enseignement musical est d’ouvrir l’horizon des jeunes à d’autres formes musicales, au-delà de celles qui bercent leur quotidien. Je dois dire que le conservatoire reste toujours le lieu de la reproduction même si plusieurs politiques éducatives sont menées pour démocratiser l’enseignement de la musique, avec par exemple le développement de classes à horaires aménagés musicales dans les zones d’éducation prioritaire et d’orchestres à l’école. Mais cela ne constitue finalement que des expériences qui ne profiteront qu’à un petit nombre.

La perception béotienne des rapports de la musique et de l’univers scolaire est souvent réductrice. On pense à la flute en plastique que l’on achète avec les fournitures de rentrée …

Il est vrai que la pratique de la flûte à bec, tout comme du solfège au conservatoire, ont forgés des représentations tenaces, plutôt négatives, pour l’enseignement musical. Mais ces enseignements ont évolués depuis déjà plusieurs années. La flûte à bec a été abandonnée des programmes, même si pour ma part je suis toujours partisan d’un enseignement instrumental à l’école et pourquoi pas avec cet instrument, si le travail est bien mené. Les activités que l’on développe en éducation musicale sont nombreuses (elles s’organisent dans les programmes en deux champs de compétences : perception, production) et la voix reste dans l’école l’instrument privilégié à tout projet musical.

Que dire aux professeurs qui in petto se disent que la musique est une matière secondaire, récréative ?

En effet, on se retrouve toujours dans les extrêmes lorsqu’on parle de musique, soit on lui prête toute une série de vertus artistiques ou humanistes (voir thérapeutiques !), soit on la considère comme ne servant à rien. L’enseignement de la musique se heurte également à une idéologie du don encore trop prégnante dans les différents milieux musicaux. Si la connaissance de la discipline reste fondamentale pour son enseignement, quelques études concernant le primaire montrent qu’enseigner la musique dans sa classe ce n’est pas tant une question de connaissances, mais plutôt une question de valeurs. Au niveau des représentations, mais aussi des pratiques, la musique (quand on en fait) est néanmoins souvent instrumentalisée : elle est utilisée alors comme une discipline au service d’autres domaines considérés comme plus légitimes. Plusieurs études internationales ont tenté de mettre en évidence les effets d’une pratique musicale notamment sur d’autres matières (comme le français ou les mathématiques), mais ces études (parfois des méta-analyses) affichent des résultats assez contrastés car elles se heurtent à des problèmes à la fois théoriques et méthodologiques. Par exemple, on ne peut ramener un constat de corrélation à un lien de causalité. Mais, je ne souhaite pas justifier l’art par des aspects extrinsèques, je milite plutôt pour un enseignement aux arts plutôt que par les arts.

Propos recueillis par Gilbert Longhi

Les entretiens de G Longhi