« Dans l’exercice de leurs fonctions, les personnels et en particulier les enseignants peuvent ĂŞtre victimes ou tĂ©moins de faits de violence, Ă l’intĂ©rieur ou aux abords des Ă©tablissements scolaires. La prĂ©sente brochure est destinĂ©e Ă apporter Ă ces personnels une première information sur l’aide qu’ils peuvent recevoir et sur les dĂ©marches qu’ils peuvent ou doivent accomplir selon qu’ils sont victimes ou tĂ©moins de tels agissements ». L’introduction de la nouvelle brochure « RĂ©agir face aux violences en milieu scolaire » illustre les limites de la politique ministĂ©rielle Ă propos de la violence scolaire.
Ce sont pas moins de trois brochures qui sont publiĂ©es par le ministère, l’une d’elle devant ĂŞtre distribuĂ©e aux enseignants. « RĂ©agir face aux violences en milieu scolaire » rĂ©sume le « Memento », un document plus important, tĂ©lĂ©chargeable sur Eduscol. Il prĂ©sente face Ă des situations prĂ©cises les qualifications pĂ©nales et apporte des conseils sur la conduite Ă tenir.
Les chefs d’Ă©tablissement bĂ©nĂ©ficient d’un ouvrage particulier « Questions rĂ©ponses » rĂ©alisĂ© avec le ministère de l’intĂ©rieur. Il s’agit d’un manuel très concret de collaboration entre les chefs d’Ă©tablissement et la police qui aborde le signalement d’infractions, la fouille des Ă©lèves, la prĂ©sence policière dans l’Ă©tablissement, la levĂ©e du secret professionnel, le partage d’informations avec la police etc.
Ces documents sont loin d’ĂŞtre inutiles. Ils apportent des informations lĂ©gales prĂ©cieuses sur les crimes et dĂ©lits. Et les Ă©tablissements ont appris depuis longtemps qu’il est nĂ©cessaire d’avoir des relations suivies avec la police.
Mais on ne peut qu’ĂŞtre surpris du caractère très opĂ©rationnel du document destinĂ© aux chefs d’Ă©tablissement. Celui-ci peut y apprendre comment se comporter en vigile : mettre en place un filtrage, fouiller (des yeux !) les sacs par exemple. Il est invitĂ© Ă transmettre des documents internes  » Dans le cadre du partenariat entre l’Éducation nationale et la police ou la gendarmerie, les bonnes relations nouĂ©es entre les membres de ces institutions, basĂ©es sur la confiance et la courtoisie rĂ©ciproques, doivent permettre un libre Ă©change d’informations. C’est ainsi que, hors le cadre des rĂ©quisitions Ă©crites, le chef d’Ă©tablissement permettra aux enquĂŞteurs l’accès Ă certains renseignements comme, par exemple, la consultation des fiches individuelles de renseignements afin de connaĂ®tre l’identitĂ© et le domicile d’un Ă©lève ou de ses parents s’ils sont sĂ©parĂ©s, la composition de la fratrie, etc.. » Dans le contexte actuel de chasse aux Ă©lèves sans papiers, cette opportunitĂ© ne peut ĂŞtre accueillie paisiblement…
Ce qui est vraiment confondant c’est la rĂ©duction opĂ©rĂ©e par le ministre. S’agissant d’un thème aussi important que la prĂ©vention de la violence scolaire, on pouvait attendre d’un ministre de l’Ă©ducation autre chose qu’un rappel du code pĂ©nal et un manuel d’apprenti vigile.
Car la prĂ©vention de la violence scolaire n’est pas sans rapport avec le fonctionnement mĂŞme de l’Ecole. C’est ce qu’Ă©voquait Eric Debarbieux dans un entretien accordĂ© au CafĂ©. « Tout le monde est d’accord pour dire que la violence scolaire a plusieurs causes. La situation Ă©conomique, familiale ont leur part mais il y a aussi des facteurs liĂ©s Ă l’institution scolaire. En particulier, il y a une forte corrĂ©lation entre la qualitĂ© du climat scolaire et la victimisation. Le climat scolaire c’est la qualitĂ© des relations entre adultes et Ă©lèves et entre adultes; la capacitĂ© Ă avoir un dialogue et non un affrontement avec les Ă©lèves. C’est aussi la clartĂ© des règles collectives. Le climat peut se dĂ©grader par exemple quand les punitions diffèrent d’un enseignant Ă l’autre. Les sentiments d’appartenance collective et de justice sont deux composantes essentielles de ce climat ».
Pour s’attaquer Ă la violence scolaire l’Ecole a bien sĂ»r besoin de s’appuyer sur la police. Elle doit aussi rĂ©flĂ©chir Ă sa relation avec l’Ă©lève et avec les parents. Or on doit bien dire que les trois brochures ministĂ©rielles donnent Ă penser que l’Ă©lève est vu uniquement comme l’auteur de violence et l’adulte comme la victime alors que la grande majoritĂ© des victimes sont les Ă©lèves.
Elle doit enfin mettre en place une vĂ©ritable Ă©ducation contre la violence. Selon E Debarbieux des exemples existent « Aux Etats-Unis, il y a un programme efficace contre la colère. On s’est rendu compte que dans 80% des cas, les Ă©lèves violents ont des problèmes de conceptualisation. Le programme vise Ă les aider Ă comprendre leurs actes pour changer leur comportement. Par exemple on projette un film sur des Ă©lèves en colère et on les invite Ă juger ce comportement. Puis on dĂ©bat sur les causes de la colère et sur les façons de l’Ă©viter. Enfin les Ă©lèves tournent un film sur les solutions qu’ils ont trouvĂ© face Ă la colère. Et bien ce programme a un impact rĂ©el ».
Faute de tout cela, ces documents, comme la circulaire ministérielle, laissent à penser que la prévention de la violence scolaire reste une tâche secondaire.
http://eduscol.education.fr/D0203/documents.htm
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2006/actu_71_accueil.aspx
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2006/actu_52_accueil.aspx
La circulaire contre la violence scolaire invite la police dans les Ă©tablissements
Entre la prĂ©vention Ă©ducative et l’intimidation et le signalement prĂ©ventif, la circulaire ministĂ©rielle sur la violence scolaire s’aligne sur les thèses sarkoziennes. » Le chef d’Ă©tablissement… peut, après en avoir informĂ© son conseil d’administration, en concertation avec les services de police ou les unitĂ©s de gendarmerie, demander Ă ceux-ci d’organiser, dans l’enceinte de l’Ă©tablissement, une permanence d’un agent des forces de l’ordre. Ce dernier sera Ă mĂŞme de participer Ă des actions de prĂ©vention, il sera Ă l’Ă©coute des personnels et des Ă©lèves, et pourra intervenir en cas de problème. Les autoritĂ©s acadĂ©miques inciteront les chefs d’Ă©tablissements dans lesquels les actes de violences sont très frĂ©quents Ă demander la mise en place d’un tel dispositif ». La circulaire interministĂ©rielle, signĂ©e par les ministres de l’Ă©ducation nationale, de l’intĂ©rieur et de la justice, invite la police Ă intervenir Ă l’intĂ©rieur des Ă©tablissements.
Le texte insiste Ă©galement sur l’information.  » L’information des chefs d’Ă©tablissement et des Ă©quipes Ă©ducatives sur les procĂ©dures Ă suivre dans des situations de particulière gravitĂ©, est souvent parcellaire et insuffisante. Il est nĂ©cessaire que tous les personnels puissent disposer d’une information commune, validĂ©e par les partenaires impliquĂ©s. C’est pourquoi un “MĂ©mento partenarial en cas d’infractions en milieu scolaire” sera diffusĂ© dans les Ă©tablissements scolaires. Il prĂ©cise par ailleurs, pour les actes constitutifs d’infractions, les qualifications pĂ©nales prĂ©vues et les conduites Ă tenir ». Les Ă©tablissements sont invitĂ©s Ă signaler au prĂ©sident du conseil gĂ©nĂ©ral  » les informations relatives aux Ă©lèves dont la situation prĂ©occupante laisse apparaĂ®tre la nĂ©cessitĂ©, voire l’utilitĂ©, de mettre en oeuvre des mesures Ă©ducatives ».
Le volet Ă©ducatif n’est pas absent. Le texte rappelle que  » en soi, l’acte pĂ©dagogique reprĂ©sente une des premières prĂ©ventions de la violence ». Mais le texte s’intĂ©resse peu aux Ă©lèves qui sont pourtant les principales victimes de la violence scolaire. Il rappelle les devoirs de l’Etat envers ses agents.  » Il faut tout d’abord assurer aux personnels victimes un soutien sans faille Ă tous les niveaux de la hiĂ©rarchie… Outre la mise en oeuvre d’un soutien juridique, un accompagnement est mis en place et proposĂ© aux victimes. Celui-ci associe les directeurs des ressources humaines, les conseillers techniques sociaux et de santĂ© et les cellules juridiques des rectorats. Cet accompagnement s’exerce dans plusieurs domaines complĂ©mentaires : le soutien immĂ©diat de la hiĂ©rarchie, l’accompagnement judiciaire (dont les modalitĂ©s prĂ©cises sont Ă©noncĂ©es dans le MĂ©mento partenarial en cas d’infractions en milieu scolaire), mĂ©dical, psychologique ou social, administratif (dĂ©claration d’accident de service ou du travail, aide Ă la rĂ©daction de la demande de protection juridique)… Il convient de ne pas omettre l’accompagnement pĂ©dagogique afin que le personnel victime puisse rĂ©intĂ©grer sa place dans l’Ă©tablissement dans les meilleures conditions ».
L’information sur les violences est donc au centre des dispositions de ce texte. Les rĂ©actions Ă la publication par Le Point d’une carte des Ă©tablissements violents, montre pourtant qu’elle reste un sujet très sensible. Le SNPDEN, syndicat des chefs d’Ă©tablissement, demande Ă ses membres de ne plus renseigner les enquĂŞtes Signa utilisĂ©es pour faire connaĂ®tre les actes de violence. La Fcpe et la Peep, les deux principales associations de parents d’Ă©lèves; ont protestĂ© contre cette publication. Le ministre lui-mĂŞme estime que le classement du Point n’est pas « pertinent », les donĂ©es brutes ne tenant pas compte du nombre d’Ă©lèves dans les Ă©tablissements.
Le B.O. du 31 août
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/bo/2006/31/31_v1.pdf
Communiqué Fcpe
http://www.fcpe.asso.fr/article.aspx?id=536
DĂ©pĂŞche AFP
http://actu.voila.fr/Depeche/ext–francais–ftmms–emploieducation/060831141657.kpnnzejz.html
Le Point publie la carte des Ă©tablissements violents
Selon Le Monde, Le Point devrait publier le 31 aoĂ»t la carte des 334 Ă©tablissements scolaires connaissant le plus d’actes de violence scolaire. Cette publication stigmatisera-t-elle davantage ces Ă©tablissements ou gĂ©nĂ©rera-t-elle davantage d’aides ?
Le magazine prend le risque d’entretenir les peurs. Pourtant, l’Ă©tude officielle sur laquelle s’appuie Le Point, montre un ralentissement de la violence scolaire.  » « On enregistre une hausse de 1% (en 2004-2005) par rapport Ă l’annĂ©e scolaire 2003-2004, beaucoup plus modĂ©rĂ©e que celle de 12% enregistrĂ©e en 2003-2004. Comme les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, seule une proportion limitĂ©e d’Ă©tablissements a signalĂ© un grand nombre d’actes : la moitiĂ© des incidents sont dĂ©clarĂ©s par 10% des Ă©tablissements seulement… Les auteurs et les victimes des actes de violence signalĂ©s sont en très grande majoritĂ© des Ă©lèves ».
Pour le sociologue Eric Debarbieux, interrogĂ© par le CafĂ©,  » en ce qui concerne la montĂ©e de la violence, il faut souligner plutĂ´t la stabilitĂ© : depuis 1993 en France on n’observe pas une progression globale. C’est ce que nous disent les enquĂŞtes de victimation. La violence est ciblĂ©e sur quelques Ă©tablissements en lien avec l’exclusion sociale ».
Article du Monde
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-807986@51-807988,0.html
Etude (en pdf)
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni/ni2005/ni0530.pdf
Article d’Eric Debarbieux
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2006/actu_71_accueil.aspx
Le projet de loi sur la délinquance
« Les maires seront plus impliquĂ©s dans l’aide et l’orientation des familles en difficultĂ© : ils rĂ©uniront un conseil pour les droits et devoirs des familles et pourront dĂ©signer un coordonnateur parmi les travailleurs sociaux intervenant en faveur d’une mĂŞme famille. Le partage du secret professionnel entre travailleurs sociaux sera organisĂ© dans l’intĂ©rĂŞt des mineurs ; le maire recevra les informations indispensables Ă l’exercice de ses compĂ©tences… Afin de mieux lutter contre la dĂ©linquance des mineurs, qui a augmentĂ© de 80 % en dix ans, le projet de loi adapte l’ordonnance du 2 fĂ©vrier 1945 en donnant aux dĂ©linquants une rĂ©ponse individualisĂ©e et rapide Ă chaque acte rĂ©prĂ©hensible. Il prĂ©voit une diversification des mesures prises par le juge (placement dans un Ă©tablissement scolaire Ă©loignĂ© du domicile, exĂ©cution de travaux scolaires, placement en internat, mesure d’activitĂ© de jour, avertissement solennel•••) ainsi que l’extension de la procĂ©dure de la composition pĂ©nale dès l’âge de 13 ans ». Le projet de loi sur la prĂ©vention de la dĂ©linquance a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© au Conseil des ministres du 28 juin.
La question du dĂ©pistage des enfants dĂ©viants dès 3 ans n’a pas Ă©tĂ© abordĂ©e au Conseil. Selon Le Monde, elle pourrait ĂŞtre intĂ©grĂ©e au projet de loi sur la protection de l’enfance qui arrivera lui aussi devant le Parlement Ă la rentrĂ©e.
Tel qu’il est, le projet de loi sur la prĂ©vention de la dĂ©linquance est vivement critiquĂ© par des magistrats du Syndicat de la magistrature et des syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse. La FSU estime que le texte supprime  » le caractère Ă©ducatif de la prĂ©vention ». Un « Appel des mille jeunes prĂ©sumĂ©s coupables » a Ă©tĂ© lancĂ© contre le projet, avce le soutien de la Cgt, Fsu, Ligue des Droits de l’Homme, Syndicat de la Magistrature, Syndicat des avocats.
http://www.premier-ministre.gouv.fr/acteurs/gouvernement/conseils_ministres_35/conseil_ministres_28_juin_827/prevention_delinquance_56349.html
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-789473@51-775026,0.html
http://www.lexpress.fr/info/quotidien/actu.asp?id=4455