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Par François Jarraud

En mai 2010, la Cour des Comptes avait publié un rapport d’expertise du système éducatif français extrêmement sévère demandant « un nouveau management ». Mardi 8 février, le rapport annuel de la Cour des Comptes convoque encore l’Education nationale. Parmi les sujets abordés : la formation des enseignants, le plan Réussite licence, les réseaux de recherche RTRA. L’enseignement supérieur prend donc une grande part du fardeau…

Didier Migaud, premier président, entouré des présidents de chambre et des magistrats, a présenté le Rapport annuel sous les tapisseries qui rappellent l’ancienneté de cette juridiction, vieille de plus de 7 siècles. Des nombreux sujets abordés par la Cour on retiendra son analyse de l’endettement public et les points qui concernent le système éducatif.

De nouveaux efforts pour réduire le déficit public. « Pour que notre pays évite une austérité brutale, il faut faire un effort partagé et continu maintenant ». Didier Migaud évalue le déficit public en 2011 à 5,7% du PIB soit 2 points de plus que la moyenne de la zone euro. Ces 100 milliards représentent les budgets de l’éducation nationale, de la défense et de la justice ! Le déficit alimente une dette de l’Etat qui représente 1700 milliards, soit 85% du PIB. Pour la Cour, il est indispensable pour que le pays garde sa souveraineté de réduire le déficit de 1 point de PIB par an soit 20 milliards. Pour cela de nouvelles mesures sont nécessaires pas seulement une hausse des recettes mais aussi une baisse des dépenses. C’est cette situation que le nouveau gouvernement devra affronter dès mai 2012.

Dans ce combat, la Cour a montré que l’Etat est mal armé pour lutter contre les fraudes. Dans une affaire récente, la fraude au quota de carbone, l’Etat a perdu 1,6 milliard de recette. 600 à 800 millions ont été perdus faite d’une réaction rapide du ministère des Finances ! La Cour demande une réorganisation des services chargés de lutter contre la fraude et les trafics financiers.

C’est la question de la formation des enseignants qui est le point le plus important abordé par la Cour. Elle rappelle que la masterisation a permis un gain immédiat de 9567 emplois et une économie budgétaire de 370 millions en supprimant l’année de stage. Mais « cela a entraîné des difficultés. En effet les enseignants débutants ont souvent été confrontés à des conditions défavorables d’exercice de leur nouveau métier alors que plus de 70% d’entre eux n’avaient aucune expérience de l’enseignement ». La Cour rappelle que ces nouveaux enseignants se sont retrouvés en ZEP ou contraints d’effectuer des heures supplémentaires alors qu’ils doivent déjà faire un temps plein plus une formation. Elle relève aussi « un défaut d’articulation avec les objectifs de l’enseignement scolaire ». Ainsi « la gestion des différents niveaux d’élèves ne représentait que 9 heures de formation pour le second degré ». Enfin le relèvement du niveau de diplôme requis pour se présenter aux concours a diminué le nombre de candidats et la sélectivité. La Cour recommande « des durées minimales de formation des étudiants en milieu professionnel » et de mettre les concours avant ou au début des masters. Elle souhaite aussi que les nouveaux enseignants affectés en zone difficile bénéficient de décharge.

La Cour a violemment critiqué la gestion de Valérie Pécresse, comme ex ministre de l’enseignement supérieur, à propos des Ecoles Normales Supérieures (ENS) et des Réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) et le Plan Réussir en Licence (PRL). Dotés de 200 millions de fondation, les RTRA ont en général consommé leur fondation pour faire face à des frais de fonctionnement. La Cour critique la façon dont les ENS gèrent les élèves et particulièrement leur sélectivité accrue et le laxisme avec laquelle elles ne veillent pas à l’obligation décennale des élèves. Le gros fiasco de V Pécresse c’est le Plan Réussir en licence. Doté de 700 millions de crédits, il doit remédier au fort taux d’échec en université : un étudiant sur trois seulement atteint la licence en 3 ans, un sur deux échoue en première année. Or « la répartition de cette enveloppe de crédits n’a guère été sélective », juge la Cour. « Ce plan n’a pas fait l’objet de la part du ministère d’un pilotage ni d’un suivi garantissant l’efficacité de cette dépense publique ». La Cour recommande l’amélioration de l’orientation avant l’entrée en université, de favoriser l’accès aux formations courtes aux bacheliers professionnels et technologiques.

La Cour est revenue sur le cas des inspecteurs d’académie de Paris, un corps qu’elle a largement contribué à faire supprimer. Ces inspecteurs étaient nommés sans aucun concours par simple décision en conseil des ministres. Le souci de la Cour aujourd’hui c’est que 12 inspecteurs ont été rattrapés grâce à des concours particuliers : ils sont devenus IPR. Elle demande à ce qu’on les suive de près et à ce que certains bénéficient d’une « formation renforcée compte tenu de l’insuffisance de leurs compétences professionnelles »… C’est une façon de rappeler qu’elle suit ses dossiers. Les gouvernants présents et futurs ont intérêt à lire le rapport annuel et à en tenir compte…

François Jarraud

Liens :

Le rapport

http://www.ccomptes.fr/fr/CC/Theme-296.html

Le rapport spécial de 2010 sur l’éducation nationale

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Page[…]

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