La note d’information de la DEPP intitulée « Usage des écrans par les enfants de 3 à 4 ans » publiée mardi 17 juin 2025 apporte un éclairage particulièrement intéressant mais à questionner. En effet ce type d’enquête s’avère extrêmement difficile à mener car s’appuyant en grande partie sur des déclarations de parents et d’enseignants dans le cadre d’enquêtes en ligne ou d’observation faites par les enseignants. L’intérêt de cette enquête est qu’elle renforce et précise certains éléments du « Rapport sur les inégalités en France » (Observatoire des inégalités, 2025) sur lesquels nous reviendront en conclusion.
« Usage des écrans par les enfants de 3 à 4 ans »
Le titre de la note pourrait faire polémique, tant la question des usages et des écrans sont en débat et que l’aborder à propos d’enfants en bas âge renforce les risques de raccourcis ou de conclusions hâtives. Fort heureusement, les auteurs de l’enquête fournissent une présentation de leur méthodologie dans le fichier associé sur les données qui permet au lecteur de comprendre les forces et les limites de leur travail. C’est en particulier au travers des réponses des familles que sont identifiés les éléments clés : » La fréquence d’usage dans cette étude n’est pas mesurée d’une manière objective mais reflète uniquement l’appréciation des familles. »
Des caractéristiques
Outre cela, l’enquête tente d’objectiver au mieux les caractéristiques qui ont été définies. Les résultats présentés sont particulièrement intéressants. Nous retiendrons ici quelques passages clés :
- « Les parents diplômés se distinguent par une stratégie éducative de maintien des écrans à distance« . Ce sont en particulier les mères qui sont au premier rang de la maîtrise des écrans en particulier selon leur niveau de diplôme.
- Le jeu sur et avec les écrans est particulièrement différent selon la profession des parents et en particulier beaucoup plus fréquent chez les ouvriers ou les catégories les plus défavorisées.
- Les usages des écrans, en général, par les enfants en bas âge sont associés aux usages par les familles plus globalement (adultes inclus). L’environnement familial est donc bien déterminant, même si l’on ne peut simplement comparer les catégories sociales mais qu’il faudrait approfondir ce que signifie un « environnement numérique familial ».
- C’est l’usage des écrans sur les jours d’école et en dehors qui semble être déterminant pour les performances en mathématique et dans les compétences transversales. Si jouer et regarder les écrans les jours d’école est associé à des baisses de performance, le faire en dehors est, au contraire plutôt positif, à condition que ces usages soient accompagnés.
Il faut différencier regarder et jouer
Il faut donc différencier regarder et jouer. Il est aussi nécessaire de différencier les usages sur temps d’école et hors temps scolaire. En croisant ces quatre éléments, on peut lire qu’il y a une influence néfaste de l’usage des écrans dès lors qu’ils captent l’attention des enfants pendant les journées d’école.
Deux éléments de cette note d’information sont à mettre en exergue : d’une part l’importance de l’accompagnement des usages de l’enfant, d’autre part les caractéristiques culturelles, sociales et économiques des familles. Ces deux éléments renvoient au travail de l’observatoire des inégalités qui évoque, sous la plume de Louis Maurin, « l’hypocrisie de l’école » qui met en évidence l’importance du diplôme des parents dans la réussite des enfants.
La note d’information de la DEPP met en évidence que c’est dès le plus jeune âge que se construisent les inégalités dans l’apprentissage. Certes ce travail pointe des éléments à approfondir, mais il doit être aussi un signal d’alarme pour notre société et l’avenir de la jeunesse. Si au début de la scolarisation ces écarts existent, comment l’école peut-elle faire en sorte de les réduire ensuite ?
Bruno Devauchelle
