Depuis bientôt 30 ans l’association SOS homophobie, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre les LGBTIphobies du 17 mai, publie son rapport annuel. Depuis bientôt 30 ans ce rapport n’a de cesse d’alerter sur les discriminations et violences dont sont victimes les personnes lesbiennes, gays, bi·es, trans et intersexes en France. Et force est de constater que cette année encore, pour cette 29ème publication, la situation est des plus inquiétante. Alimentés par un « climat politique et social réactionnaire » qui « brise le tissu social », et « renforce les dynamiques d’exclusion », les discours de haine de plus en plus décomplexés se banalisent, et les agressions se multiplient. Plus que jamais, « remettre au centre de l’espace politique et social » la lutte contre les discriminations relève d’une urgence citoyenne et démocratique. Et dans cette lutte, l’Ecole a un rôle essentiel à jouer.
« 2024 : L’année de la désillusion »
Le rapport annuel de SOS homophobie se donne pour objectif de dresser un état des lieux des LGBTIphobies en France : quelles formes prennent-elles ? qui en sont les victimes ? dans quels contextes s’expriment-elles ?… Nourri de nombreux témoignages, la publication constitue un véritable, et édifiant, observatoire de ce qui dans tous les domaines et dans toutes les sphères de la vie – familiale, privée, professionnelle, publique – discrimine au quotidien, partout, qu’elles fassent leurs courses ou qu’elles travaillent, qu’elles se promènent dans la rue ou qu’elles fassent du sport, les personnes LGBTI.
Mais si la part accordée aux témoignages est évidemment essentielle dans le rapport, celui-ci vaut aussi pour sa dimension analytique et réflexive. De 2023 à 2024 : que s’est-il passé ? quelles évolutions politiques et sociales a-t-on vécues ? quelles répercussions ces évolutions, et en particulier la montée de l’extrême droite en France lors des élections européennes et législatives, ont-elles pu avoir sur la question des discriminations LGBTI ?
Dans son éditorial introductif, Julia Touret, présidente de SOS homophobie, établit ainsi une corrélation directe entre le contexte de l’année écoulée et les violences LGBTIphobes qui y ont été recensées : « la parole haineuse s’y est fait entendre plus que de raison, de façon absolument décomplexée et banalisée. Sur les réseaux sociaux, dans les conversations quotidiennes… mais surtout dans la bouche de personnalités publiques, souvent politiques, relayée par des médias complaisants, toujours trop prompts à se saisir d’une nouvelle ‘‘panique morale’’ qui puisse créer l’agitation. ». On a vu, ajoute-t-elle, le climat se dégrader, « dégradation renforcée par les nominations successives de membres des gouvernements ouvertement hostiles à la lutte pour l’égalité » ; des politiques et plateaux télé agiter la menace d’un « lobby LGBT », ou rivaliser de propos haineux envers les personnes LGBTI à l’occasion des cérémonies des J.O de l’été 2024. Et Julia Touret de conclure : « La violence des mots mène à la violence des actes. C’est indubitable. » Les chiffres lui donnent raison.
En hausse : mal être et transphobie
Le mal être suscité par la banalisation de ces discours et le climat anxiogène qui en découle est un des éléments prégnants mis en évidence par le rapport qui insiste sur l’« anxiété de plus en plus oppressante », et « le mal de vivre » qui pèse sur les personnes LGBTI. Devancé largement en 2023, dans les contextes principaux de LGBTIphobies, par la haine en ligne, le contexte Mal de vivre l’emporte désormais en nombre de cas. Le rapport évoque « de nombreux appels à l’aide (…) teintés de désespoir, de lassitude et d’épuisement, d’une impression d’être perpétuellement dans un cauchemar ». Le sentiment d’insécurité permanent, y compris parfois au sein de sa propre famille, l’isolement et le rejet, l’intériorisation de jugements LGBTIphobes, multiplient le risque de comportements autodestructeurs voire suicidaires.
Ce mal de vivre touche particulièrement les personnes trans. Victimes de rejets, insultes, discriminations déjà depuis plusieurs années, elles se trouvent désormais au cœur d’enjeux politiques qui les dépassent. Cette instrumentalisation a entrainé discours haineux et agressions. On l’a vu en France à l’occasion des dernières élections législatives. On le voit aux Etats-Unis depuis l’élection de Donald Trump.
Le rapport s’inquiète aussi des conséquences que l’adoption d’une loi initiée par le LR, votée par le sénat en mai 2024, aurait en termes de santé mentale pour les jeunes trans « population déjà particulièrement vulnérable sur ce point ». Cette loi, en effet, en restreignant l’accès aux adolescent.es à certains traitements tels que les bloqueurs d’hormones, les empêcherait « de prendre le temps d’élaborer leur projet d’affirmation identitaire », temps essentiel dans leur cheminement.
« L’école, microcosme de notre société »
« L’école n’est pas un sanctuaire. Elle est à l’image de notre société » écrit le rapport dans son introduction à la partie consacrée au milieu scolaire et à l’enseignement supérieur, et sous-titrée …« L’Ecole de la honte ». Quelques chiffres tout d’abord : en 2024, 55 % des victimes de LGBTIphobies en milieu scolaire sont des élèves – de moins de 18 ans pour 34 % d’entre elles – et dans 25 % des professeur·es. Et les agresseur·euses ? à 56 % ce sont des élèves, mais aussi, à 29 %, des membres de la direction, et à 25 % des professeur·es… « L’Ecole de la honte » disait-on ?
Alimentées par les stéréotypes de genre, les LGBTIphobies se manifestent dans le milieu scolaire surtout par du rejet, des insultes et du harcèlement. Leurs « conséquences sont catastrophiques sur la santé mentale et peuvent être funestes ». Le rapport rappelle que « selon des études récentes, les tentatives de suicide peuvent être sept fois plus élevées chez les jeunes LGBTI que les autres ». De trop nombreux exemples en ont témoigné ces derniers mois.
Face à ce constat alarmant, l’Ecole a commencé à agir, mettant en place un réseau de référent·es « égalité filles-garçons » et des dispositifs comme le programme pHARe, ou encore des « observatoires de la haine anti-LGBT+ ». Mais sans une politique volontariste qui cessera de banaliser et/ou minimiser les insultes et les actes LGBTIphobes, on en restera à des effets d’annonce, à l’image des programmes d’EVARS depuis 2001 en suspens, et autour desquels se sont cristallisés tant de débats ces derniers mois.
La rentrée 2025 verra-t-elle, enfin, l’Ecole appliquer ses programmes et tenir ses promesses ? L’Ecole saura-t-elle, enfin, s’opposer aux diktats réactionnaires et au lobby LGBTIphobe « afin d’accomplir sa mission d’intégration de tous et de toutes » ? Rendez-vous en mai 2026 pour le découvrir, dans le 30ème rapport de SOS homophobie…
Claire Berest
Rapport SOS homophobie 2025 sur les LGBTI phobies
